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28/02/2015

Clermont 2015 - Des cinéastes

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Au centre Jérôme Vlément-Wilz, son acteur, et Antonin Peretjatko.

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Ursula Meier

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Léa Mysius, Flora Molinié et Philippe Prouff

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Xaver Xylophon

 

27/02/2015

Clermont 2015 - Partie 3

Programmes spéciaux

Difficile, en ce me concerne, de ne pas voir les films de la sélection 2015 sans penser à la violence de ce début d'année. Sans tenter de les lire pour y chercher une compréhension, peut être une consolation. Oui, quelque chose qui me rassure, une voix, un regard, différents même si c'est dans l'illusion confortable de la salle. En ouverture, Jean-Farès (1999) de Lyes Salem donnait le ton. Le réalisateur faisait partie du jury, mais le film faisait une ouverture idéale. Driss, joué par Salem lui-même, est le personnage principal et unique de cette fiction aussi courte que percutante. Il sort de la clinique où vient de naître son enfant et décide de faire partager sa joie à sa famille et à sa belle-famille. La première est algérienne et musulmane, la seconde vieille France. En dix minutes, lui qui se définit comme athée va éprouver tout le poids des préjugés culturels et confessionnels autour du choix du prénom de l'enfant. Son euphorie sera mise à rude épreuve. Le dispositif est simple, le discours clair. Le film fonctionne sur la performance de l'acteur, la qualité du texte, et leur mise en valeur dans l'espace confiné de la cabine téléphonique. La caméra traque les changements d'humeur du malheureux héros qui finit par envoyer tout le monde au diable.

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Le réalisateur René Vautier (source Africultures)

Le festival rendait hommage au cinéaste René Vautier récemment disparu avec Afrique 50, un documentaire tourné en 1949 pour la Ligue française de l'enseignement. Au vu du résultat final, le film sera interdit, ses négatifs saisis et Vautier condamné à de la prison. Résistant à 16 ans, diplômé de l'IDHEC, militant communiste, le réalisateur a 21 ans quand il rentre dans le tas et fait de son film un brûlot anticolonialiste, une première. Afrique 50 est un portrait virulent de la colonisation ordinaire sur un texte en colère. Exploitation, répression, spoliation, massacres, Vautier démonte le système avec lucidité et des images directes. Seul le final qui propose un espoir du côté du communisme peut apparaître avec le recul, naïf. Mais pas plus que celui de Jean Renoir dans La vie est à nous (1936). Cela n'ôte rien à la force du film qui met en lumière la face obscure du « temps béni des colonies ». Comme plus tard Alain Resnais et Chris Marker dans Les statues meurent aussi (1953, interdit lui aussi), Vautier rappelle quelques vérités salutaires sur une période pas si lointaine qui devrait éclaircir les rapports toujours complexes entre l'Afrique et la France. Je vois aussi quelque chose de moral dans le fait qu'Afrique 50, après toutes ses vicissitudes, dont le sauvetage in-extremis d'une partie des négatif par l'auteur, soit montré en 2015 à un large public et que ses images comme sa parole puissent toujours porter alors que les faux-culs sont réduits au silence.

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Dans un tout autre registre, histoire de se détendre, Subconscious password (Jeu de l’inconscient – 2013) est un film d’animation très inventif de Chris Landreth. Je connaissais ce cinéaste canadien pour Ryan (2004), un remarquable documentaire sur le travail de Ryan Larkin, autre animateur canadien, mais de la génération précédente, auteur du magique Syrinx (1965) en sables animés sur une musique de Claude Debussy. Subconscious password repose sur une situation bien connue des festivaliers : se faire aborder par une personne qui vous connaît et dont on est incapable de se rappeler le prénom. « Mais qui est ce type ? »  se demande Landreth. Le temps que le type en question aille chercher deux verres au bar, nous plongeons dans l’esprit du réalisateur qui va aller chercher dans les tréfonds de son inconscient une piste, une trace, ce fichu prénom. Cette recherche va prendre la forme d’un jeu télévisé où le candidat, Landreth donc, va se faire aider par les personnes qui hantent son esprit. Et il y a foule, de John Wayne à Yoko Ono, de H.P.Lovecraft à Bernadette Soubirous, et puis bien sûr Maman. L’animation est extraordinaire avec des images numériques qui retravaillent des images réelles dans un mouvement hystérique. Il y a une idée à la seconde, c’est brillant et hilarant, avec ce qu’il faut d’auto-cruauté.

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L’Agence du Court Métrage proposait avec Cavalier express un programme de huit films courts d’Alain Cavalier. Filmeur comme il aime à se définir, Cavalier a un parcours atypique, depuis les années soixante où l’on peut le situer en marge de la Nouvelle Vague avec des films comme Le combat dans l’île (1962) ou La chamade (1968), productions classiques avec grosses vedettes, puis un changement de direction où des projets ambitieux artistiquement se doublent de la recherche d’une large autonomie. Cavalier travaille sur un système de tournage qui tend à toujours plus de simplification pour plus de liberté et la mise en avant du plaisir pur de filmer. Il y aura ainsi les longs métrages Le plein de super (1976), Thérèse (1986), Le Paradis (2014)… Qui vont alterner avec des formes courtes où Cavalier est seul avec sa caméra face à son sujet, se rapprochant du travail d’un écrivain. Cavalier express donne un bel aperçu de ce type de films. Lettre filmée : Lettre d’Alain Cavalier (1982) sur l’écriture du scénario de Thérèse, J’attends Noël (2007) petit récit plein d’humour un soir de finale de coupe du monde de football. Portrait : La matelassière (1987) tourné dans l’atelier de l’ouvrière, La rémouleuse (1987) tourné sur le plateau d’une grosse production, et L’illusionniste (1992) plein d’espoir, trois portraits de femmes dont Cavalier fait ressortir les qualités de courage et de ténacité, un rapport au travail fait d’endurance et d’exigence. Expérimentations enfin avec le (forcément) très beau Elle seule (1982) qui compile dans La chamade les plans où règne Catherine Deneuve, une œuvre de pure fascination, Faire la mort (2011) est une méditation sur son travail de cinéaste autour de la mise en scène de la mort et de la violence, Agonie d’un melon (2007) contemple le pourrissement accéléré du fruit oublié sur une table de jardin agrémenté de quelques réflexions sur les cerveaux de grands malades de l’histoire. L’ensemble trouve sa cohérence dans le regard que porte Cavalier, qui intervient souvent en voix off, soit en narrateur, soit en commentateur, revenant par exemple sur les conséquences physiques de travail, « Ça fait mal» demande-t-il à la rémouleuse et à la matelassière en parlant de, et filmant, leurs mains. Il se dégage de l’ensemble une réflexion sur son propre travail de cinéaste, sur l’aspect artisanal, sur les questions morales qui l’agitent, sur ce qui le pousse à tourner encore et encore.

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Le vélo était à l’honneur cette année avec une rétrospective en trois programmes. L’occasion de voir et revoir des classiques sublimes comme Father and daughter (2000) de Michael Dudok de Wit (comment ça, vous ne l’avez pas vu ?!) ou L’école des facteurs (1947) de Jacques Tati qui s’entraînait pour Jour de fête (1949). Plusieurs films documentaires exaltaient le vélo comme instrument de liberté comme Two wheels good (2012) de l’irlandais Barry Gene Murphy qui donnait envie de se mettre en selle illico et de faire défiler sous ses roues les routes sinuantes dans des paysages infinis. Jitensha (Le vélo) du japonais Dean Yamada proposait une variante originale. Un jeune homme solitaire et coincé comme seuls peuvent l’être les japonais voit son vélo volé pièce par pièce sur plusieurs jours. Un mystérieux correspondant lui propose une partie de chasse au trésor dans la ville pour retrouver et remonter la bécane. Au gré des situations, il va se reconstruire lui-même. C’est un joli conte.

De ceux que j’ai vu , le plus original est Le quepa sur la vilni ! que signait Yann Le Quellec en 2013. Tourné dans les beaux paysages du massif des Corbières, le film bénéficie du concours de deux grands cyclistes, Bernard Menez en postier retraité qui reprend du service pour mener une caravane publicitaire à bicyclette, et Bernard Hinault dans le rôle de lui-même un peu comme Cantona chez Ken Loach, sorte de dieu-coach spirituel et physique à la sentence immortelle : « Réveille le blaireau qui est en toi ». Bien sûr, il faut savoir que Hinault, quintuple vainqueur du tour de France était surnommé « Le blaireau » pour sa ténacité, sinon c’est moins drôle. Outre les deux Bernard, il y a Christophe, le chanteur aux mots bleus dans le rôle d’un maire qui commandite la caravane publicitaire pour le lancement d’une salle de cinéma municipale et la suit à dos d’âne, et toute une troupe de jeune comédiens dont deux jeunes et jolies jeunes femme (Alix Bénézech et Pauline Bayle). Comme Peretjatko, Guillaume Brac (dans un registre plus sombre quand même), Benoît Forgeard ou Gérald Eustache Mathieu, Le Quellec pratique un cinéma ludique, coloré, sensuel, où la province peut redevenir le terrain de jeu de toutes les folies, où les corps peuvent se révéler de différentes façons, dans le dépassement physique comme dans l’érotisme de la jolie scène de la baignade, le burlesque où la bacchanale organisée par le village voisin. À vélo, dans la troupe de Le Quellec, on respire le grand air, j’oserais même dire qu’il y a quelque chose de westernien dans l’odyssée loufoque de cette caravane. La photographie de Nicolas Guicheteau participe de ce goût pour le paysage changeant sous la pluie, le soleil éclatant ou la brume, comme les plans larges qui privilégient les portraits de groupe.

A suivre…

Photographies DR

22/02/2015

Clermont 2015 - quelques images

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L'affiche

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La salle Jean Cocteau, le cœur du festival

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Juste avant la projection

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Jean-Claude Saurel, le président de Sauve qui peut le court métrage, ouvre le festival à vélo.

Photographies Vincent Jourdan

20/02/2015

Clermont 2015 - Partie 2

A chaque pays ses problèmes et ses angoisses. Dans Moul Lkelb (L'homme au chien), que j'avais vu à Nice où il avait reçu le grand prix, un jeune homme solitaire a reporté toute son affection sur son chien. Lors d'une baignade à la plage, l'animal disparaît. Sur la foi de gamins du quartier, il le croit enlevé pour des combats clandestins où des expériences médicales. Fragile et naïf, voici notre héros qui descend avec le courage de l'inconscience et de l'amour dans les bas-fonds de Casablanca. Le voyage est rude au cœur d'un monde pauvre et violent. La mise en scène de Kamal Lazraq qui a tourné avec de nombreux non-professionnels, crée une tension tangible tout en travaillant une atmosphère entre film noir et quasi-fantastique. Un voyage au bout de la nuit pour cet Orphée en quête de son Eurydice canine, où le dérisoire devient essentiel. Paradoxe de cet homme qui n'éprouve plus de sentiments que pour un animal et s'est coupé du monde en quasi autiste. Ce sont pourtant ces sentiments pour le chien qui vont réveiller en lui d'authentiques qualités humaines.

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Hédi, le Père de Lotfi Achour est lui aussi bousculé dans sa vie tranquille quand il prend en charge une jeune femme sur le point d'accoucher dans son taxi tunisien. A la maternité, elle déclare qu'il est le père de l’enfant. Passé le bouleversement que la nouvelle provoque dans la vie familiale et dans le voisinage de l'homme, le film propose une réflexion habile sur la place de la femme et le regard de la société sur la vie privée, affective, des gens. Lotfi Achour est attentif à ses personnages et arrive à leur donner assez de profondeur en quelques plans (la femme du taxi, le policier) et quelques détails qui sonnent juste, en les inscrivant avec naturel dans leur environnement. Le réalisateur ne manque pas non plus d'humour. Il pose aussi délicatement la question de savoir ce qu'est un père avec une jolie réponse où Hédi nettoie les pieds de sa fillette après une promenade au bord de mer. Un geste simple qui prend toute sa valeur après les épreuves traversées. Joli travail photographique de Frédéric de Pontcharra sur une lumière douce en accord avec la simplicité des caractères.

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Chaque pays ses problèmes donc. L'américaine de The bravest, the boldest (Le plus courageux, le plus audacieux) réalisé par Moon Moison, cherche à échapper à deux militaires (un prêtre et un officier), venus lui apporter une nouvelle que l'on imagine mauvaise. Jeu de cache cache dans un ensemble style HLM joué tout en retenue. L’étudiante chinoise de Guilty de King Fai Wan est condamnée un an après une manifestation pour la démocratie à Hong Kong. Le film s'attache au désarroi de sa jeune héroïne et aux regards que lui portent les autres, sa mère, ses camarades étudiants et une jeune policière qui pourrait être sa sœur. Adrienne, la suissesse de Jour J de Julia Bünter désespère d'avoir enfin un orgasme avant ses trente ans. Avatar de Bridget Jones, elle multiplie fiévreusement les expériences. C'est souvent drôle, comme avec son amie chauffeur de camion, pas toujours léger, léger... Maryam du film homonyme de Sidi Saleh est indonésienne et musulmane. Elle travaille dans une riche famille catholique. Le jour de Noël, elle se retrouve à garder le frère autiste et à l'emmener à la messe de minuit. Choc des cultures, des classes et des religions ! Mais la mise en scène fait le choix d'avant plans aussi flous qu'envahissants qui agacent sur la durée. Dommage car le sujet est intéressant et Meyke Vierna en Maryam a un jeu séduisant sous son voile.

Très réussi dans sa redoutable efficacité, Ja vi elsker (Oui, nous aimons) du norvégien Hallvar Witzo est une comédie satirique en quatre tableaux autour de la fête nationale. Norvégienne, comme l'omelette. Le titre est le début des paroles de l'hymne national. Quatre groupes de personnages de différentes générations, de différentes conditions, dans différents lieux du pays nordique, la vivent de façon différente mais toujours apocalyptique. Chaque tableau est un plan-séquence réglé au millimètre qui évoque les mises en scène de Roy Andersson ou Aki Kaurismaki. L'humour mordant de Hallvar Witzo s'exprime dans les déplacements des personnages dans l'espace du plan, le travail sur le son en décalage parfois avec l'action, et le jeu avec le cadre, culminant avec l'homme qui s'enferme dehors, nu, dans un paysage recouvert de neige. Ludique, hilarant, féroce.

Jolie réussite aussi pour le film d'animation allemand Road trip signé Xaver Xylophon. La technique et l'ambiance urbaine, précise, anxiogène et pourtant séduisante, m'ont fait penser au travail de Ralph Bakshi. Julius est un jeune berlinois qui rêve d'ailleurs. Il passe son temps à réparer une moto et à projeter un voyage. Mais le véhicule récalcitrant accumule les pannes et Julius trouve refuge dans un bar où il se lie avec la serveuse, ou bien sur les toits en compagnie d'un vieil homme philosophe dont le plaisir est d'agacer les pigeons. C'est un film plein d'humour un peu mélancolique qui joue sur la durée, sur des gestes suspendus, des fragments de rencontres, des morceaux de mouvements, orchestrés par un montage inventif qui fait progresser le récit par à-coups, élans et coups de mou. Un état de spleen contemplatif rendu par l'animation simple et la ligne claire des dessins, soutenu par une partition jazzy écrite par le réalisateur.

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Quelques films encore au sein d'une sélection très riche, des film que vous pourrez peut être attraper au gré des diffusions, trop rares mais bon, télévisées, ou bien en festival. Crocodile de l'anglaise Gaëlle Denis, étrange histoire où un homme affronte le crocodile d'un zoo parce que sa fill ea été tuée en vacances par un saurien. Le vaurien. Une idée de grandeur du québécois Vincent Biron montre la soudaine solitude d'un maire battu aux élections, fasciné par ses voisins qui organisent des parties fines. Vicenta est un documentaire équatorien en animation, croisement original réalisé par Carla Valencia qui offre un portrait de sa grand-mère venue de Bolivie au Chili et dont le destin est rattrapé par le coup d'état de Pinochet en 1973. Couleurs sépia et trait noir. Makkhi de Umesh Kulkarni est une amusante satire de l'entreprise moderne et indienne autour de deux chasseurs de mouches professionnels employés dans un restaurant de luxe. No free lunch (On a rien sans rien), film israélien de Leeron Revah parle aussi de l’esprit d'entreprise autour d'une rencontre professionnelle sous le signe du mensonge. Jolie composition de l'actrice Nelly Tagar.

A suivre...

Photographies DR

13/02/2015

Clermont 2015 - Partie 1

D’abord l'affiche, invitation au voyage dans un grand avion rouge entre Hergé et Franquin. Voyages... Jean-Claude Saurel, le président de Sauve qui peut le court métrage, a ouvert l'édition 2015 par un hommage à Michel Renaud, président du Rendez-vous du carnet de voyage, assassiné à la rédaction de Charlie Hebdo le 7 janvier avec l'équipe du journal. Il était venu remercier Cabu, lui rapporter des dessins et lui offrir un jambon d'Auvergne. Sur le grand écran de la salle Cocteau, Michel Renaud parle encore des voyages qui forment la jeunesse et bien d'autres choses. Plus tard, dans un charmant court métrage où de très jolies femmes remettent leurs culottes et leurs collants, Antonin Peretjatko propose : « Vous voulez une histoire ? Partez en voyage ! ». Le court métrage à Clermont-Ferrand ce sont des voyages immobiles aux quatre coins du monde, aux quatre coins de notre pays, là où l'on ne va pas, là où l'on ne va plus. De beaux voyages, cette année.

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Autant dégager de suite deux remarques désagréables. Il y a quelques années (1999 quand même) un texte savoureux, Le puy de dogme, listait ce que l'on ne voulait plus voir dans les courts métrages : vomissements, clowns, nez qui saignent, trois notes de piano... des figures, des effets de style trop employés et devenus des clichés pénibles. J'aimerais en rajouter un : celui qui consiste à filmer trop longtemps et à la main un personnage qui avance dos à la caméra. C'est peut être le syndrome Wrestler mais si j'aime bien les nuques, je préfère les visages et surtout cela fini par relever d'un manque flagrant d'imagination.

Le court métrage est un champ formidable d'expérimentation. C'est sa grandeur. Il y a pourtant une forme qui me pose problème. Celle de films assez courts, à cheval souvent entre fiction et documentaire, avec un fort effet de réel qui me dérange mais c'est sans doute le but. Ce n'est pas tant ce qui est montré, les intentions sont assez évidentes, mais la façon dont c'est montré, comme si le film était le fragment d'une œuvre plus conséquente. Il me manque des éléments, quelque chose au niveau des personnages ou du développement de l'idée, qui accroche, qui violente un peu mais pas dans le bon sens. Question de distance, de pudeur aussi. Par exemple Aïssa de Clément-Tréhin-Lalanne nous montre une jeune femme congolaise qui passe une visite médicale pour déterminer son âge réel. Mineure ou majeure, on voit bien que cela va conditionner sont statut de réfugiée potentielle. Clinique, le film enchaîne les gros plans de l'actrice Manda Touré examinée sous toutes les coutures, mais le personnage, mutique, n'existe pas pour moi, pas plus que le médecin auquel Bernard Campan prête sa voix. Je perçois l'intention, mais il y a une ligne trouble entre le symbole que veut véhiculer le personnage et la réalité de la façon dont est filmé l'actrice. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre, mais cette ligne trouble me trouble. Pareil pour Samanta du chilien Francisco Rodriguez, trop de zones obscures dans cette histoire de gamine des rues vivant avec un immigré péruvien et virée de manière expéditive quand débarque la famille du second. Quelle était la nature profonde des relations entre les deux ? Mystère... Return du néo-zélandais Ryan Heron a le même problème, mais le film est en partie sauvé par l'humour des situations. Hole de Martin Edralin, canadien, s'attaque au sujet casse gueule de la sexualité des handicapés. Le trou en question est situé entre deux cabines d'un peep-show par où l'on peut passer son pénis à destination de son voisin. Je ne vous fait pas un dessin. Martin Edralin fait un film où son héros, handicapé sévère, doit solliciter l'aide à son aide-soignant. Comme nous ne sommes pas chez Lee Chang-dong, la question du jeu de l'acteur est délicate. Et d'apprendre que Ken Harrower a eu une vie terrible qu'il surmonte par le jeu (lire ici), ne m'aide en rien. Ce film, comme Aïssa, ayant été primé à Clermont-Ferrand et ailleurs, je dois avoir sensibilité un peu différente de celle de mes contemporains.

Ceci posé, il y a eu plein de films qui m'ont ravi dans la sélection internationale. That day of the month (Ce jour du mois) de Jirassaya Wongsutin, jeune réalisatrice thaïlandaise est en quelque sorte l'anti-Kechiche (pas pu résister). En trente minutes, elle explore la relation entre deux jeunes filles, Goy et Lee, dont la complexité et la nature profonde sont révélées par petites touches et les rebondissement d'un scénario qui joue sur la concentration de temps et de lieu. Il y a du trivial puisque tout part d'une histoire de règles tardives et une certaine crudité dans les dialogues. Mais c'est traité avec beaucoup de délicatesse, passant par une façon de filmer les visages de Arachaporn Pokinpakorn et Jiraporn Saelee. De la salle de classe à la piscine, le cadre isole les deux jeunes filles dans une lumière vive mais délicate signée Mattanee Uajarernsup, traquant dans les variations d'expression le jeu entre manipulation et sincérité. Un jeu auquel la jeunesse conserve une part d'innocence et qui va basculer quand l'amitié se révèle une véritable passion. That day of the month est le portrait de deux adolescentes au moment d'un basculement quand se découvrent l'amour et la sexualité. Il y a plus de sensualité dans le plan des deux pieds qui se frôlent dans la piscine que dans dix minutes de galipettes. La réalisatrice ne néglige pas d'évoquer un arrière-plan social. Les différences entre les deux adolescentes sont physiques de façon évidente, et révèlent aussi deux éducations, deux approches de la vie et des aspirations divergentes, qu'elles tentent de surmonter par leur amour. Ce n'en est que plus beau.

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Dans les grands espaces du Kirghizstan, Peregon (En menant le bétail) de Ruslan Akun m'a touché d'abord par la justesse d'écriture et de jeu des deux enfants Aidana et Tynai qui mènent un troupeau de moutons avec leur père. Frère et sœur se comportent sur leur cheval comme les miens (d'enfants) sur le siège arrière de la voiture, jeux et disputes, c'est pas moi c'est lui, punition. Cela crée un effet familier dans le contexte on ne peut plus dépaysant des vastes paysages sauvages filmés avec souffle. Le père se laissant embarquer par un politicien en tournée électorale sorti d'un film de Kusturica, voilà les deux enfants laissés au milieu de la steppe Kirghize. «Attendez moi » qu'il dit le paternel. Après un orage et une nuit, les deux enfants sans se démonter entreprennent de terminer le boulot et mènent le troupeau jusqu'à la yourte familiale et leur mère. Akun filme une épopée tranquille entre Howard Hawks du côté de la Red River et William Friedkin quand il s'agit de franchir un pont sur lequel, je ne mettrais pas un pied. Le réalisateur garde la bonne distance vis à vis de ses petits héros, entre récit initiatique et sens inné du jeu de l'enfance. Il laisse une part d'irrésolu dans la jolie scène finale où l'absence du père (inconséquent ou victime?) s'oppose à la stabilité rassurante incarnée par la mère.

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Ce sont aussi les qualités de direction de la fillette qui font le prix d'Inspection de Gala Sukhanova, russe. L'inspection en question est menée par deux assistantes sociales flanquées d'un reporter venu évaluer les progrès de la mère, entre alcoolisme et pauvreté criante. C'est la fillette qui les reçoit et donne le change en l'absence de maman. La garde de l'enfant est en jeu. La fillette affronte les adultes, leurs questions et leurs regards entre compassion, suspicion et fatalisme (russe !) avec vaillance, sur une fine ligne entre fragilité et assurance. Surtout elle reste une enfant authentique qu'elle montre un pot de confiture ou chante une chanson. Elle est un soupçon d'espoir dans un univers désespérant. Un portrait de la Russie contemporaine terrible que l'on retrouve dans l'Ukraine de Lystopad de Masha Kondakova avec son héroïne qui rêve de voyage, dans la Roumanie des jeunes adolescents trafiquants de Sthozina de Dan Radu Mihai, et dans la Georgie de The fish that drowned de George Sikharulidze, particulièrement sombre, où le délabrement des maisons vaut pour celui d'un pays où il faut batailler pour enterrer la jeunesse tuée dans les manifestations. No futur.

A suivre...

Vous voulez une histoire ? sur Télérama

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09/02/2015

Lectures pour tous

En attenant un compte rendu de mon passage au festival de court métrage de Clermont-Ferrand, il y a de quoi lire en ligne. L'équipe de Zoom arrière vous invite à revenir sur l'année 1973 pendant que s’égrène le compte à rebours de 1974 sur face bouc, mais aussi vous propose un regard sur 2014. Le site italien Niente popcorn évoque la riche carrière de l'un de nos réalisateurs fétiches, le grand Sam Peckinpah. Senses of ciema revient sur le dernier et très beau film de Claude Sautet, Nelly et Mr Arnaud (1995). Sur Cinématique, Ludovic publie un beau texte passionné sur le nouveau film de Robert Guédiguian, Au fil d'Ariane (2014), passé trop vite dans les salles malgré ses évidentes qualités. Pour les amateurs de listes, enfin, signalée par Gérard Courant, une liste des cent films italiens qui comptent, avec quand même quelques manques côté cinéma populaire, mais plein de pistes pour parfaire sa culture en la matière. 

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Photographie Diaphana