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20/09/2009
Beyond the canon
J'ai déjà eu l'occasion de dire tout le bien que je pensais des listes du genre « les 100 meilleurs films du monde ». Il se trouve que j'ai été sollicité cet été par Iain Scott du blog britannique The one-line review pour une approche un peu plus originale : Beyond the canon. Si j'ai tout bien compris, il avait déjà mené une enquête classique qui avait donné évidemment les résultats attendus, avec Citizen Kane au premier rang. Quelque peu frustré, il a eu l'idée de solliciter 100 films mais cette fois en excluant 300 titres qui reviennent dans la plupart des enquêtes du genre. Exit, donc le film de Welles et les oeuvres majeures des cinéastes canoniques (d'où le titre). Ca devrait être intéressant. Quand je lis les palmarès de fin d'année dans les revues, j'ai tendance à me pencher sur les listes individuelles pour voir les titres qui se détachent. Avec Beyond the canon, nous devrions avoir une liste composée essentiellement de ce genre de titres.
Voici donc ma liste, que je vais publier par ordre chronologique tout au long de la semaine histoire d'alléger. Impossible d'établir une hiérachie là-dedans, ce serait trop me demander. J'ai essayé de ne pas multiplier les oeuvres de mes réalisateurs fétiches et de ne pas systématiquement évacuer les ténors en allant vers des films qui me sont chers et généralement moins cités. Si le coeur vous en dit, vous pouvez envoyer votre liste à Iain à l'adresse : onelinereview@hotmail.co.uk avant le 30 septembre. Je sais que le bon docteur en avait fait une en 2006. Listeurs, en lice.
Beyond the canon partie 1
The unknown (L'inconnu -1927 ) Tod Browning
The sign of the cross (Le signe de la croix – 1932) Cecil B. De Mille
Design For Living (sérénade à trois – 1933) Ernst Lubitsch
Tarzan and his mate (Tarzan et sa compagne – 1934) Cedric Gibbons
Le roman d'un tricheur (1936) Sacha Guitry
Remorques (1940) Jean Grémillon
The mortal storm (1940) Frank Borzage
The long voyage home (Les hommes de la mer – 1940) John Ford
Le silence est d'or (1947) René Clair
The ghost and Mrs Muir (L'aventure de madame Muir - 1947) Joseph L. Mankiewicz
Wake of the Red Witch (Le réveil de la sorcière rouge - 1948) Edward Ludwig
San Mao, Liuglangji (San Mao, le petit vagabond - 1949) Yang Gong et Zhao Ming
Törst (La fontaine d'Arethuse – 1949) Ingmar Bergman
Bakushu (Été précoce – 1951) Yasujiro Ozu
The quiet man (L'homme tranquille – 1951) John Ford
Apache drums (Quand les tambours s'arrêteront – 1951) Hugo Fregonese
Bend of the river (Les affameurs – 1952) Anthony Mann
The big sky (La captive aux yeux clairs – 1952) Howard Hawks
The big heat (Règlement de comptes – 1953) Fritz Lang
Manon des sources (1953) Marcel Pagnol
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19/09/2009
Des goûts et des couleurs
On en apprend tous les jours sur la seconde guerre mondiale. Ainsi la série documentaire Apocalypse de Isabelle Clarke et Daniel Costelle nous informe, via la voix de Mathieu Kassovitz, que l'armée française était en 1939 considérée comme la meilleure du monde et que, finalement, en 1940 elle s'est vaillament battue. Moi, je veux bien. Après tout, Henri Verneuil nous avait montré un courageux Belmondo à Dunkerque tandis que Robert Lamoureux nous révélait les nombreuses ressources de la 7e compagnie. Tellement de points de vue dont il faut faire synthèse ! De Gérard Oury à Steven Spielberg en passant par Melville, Berri, Ford, Resnais, Rossellini, Wajda, Tarkovski, Lanzmann, Fuller, Pontecorvo et son travelling... Ça donne le vertige. On vient même d'apprendre récemment que, contrairement à une idée reçue, Hilter aurait finalement été tué dans un cinéma parisien. Heureusement qu'il y a le documentaire et ses images d'archives, ses vrais morceaux de réel tournés à Berschtengaden, en Normandie, sous le blitz londonien ou aux portes de Dachau. Voir. Voire.
Dans le genre, Apocalypse est bien mené, rythmé, épique, tragique, clair et concis même si on pourra trouver tel ou tel oubli. Et puis, c'est vrai, malgré tout ce que l'on a pu voir, il y a encore des images étonnantes comme ces allemands qui, en 40, se payent notre tête en écoutant du Maurice Chevalier. Pour moi, je garde un souvenir très fort de la série Le monde en guerre de Jeremy Isaacs diffusé en France à la fin des années 70. L'épisode consacré à la Shoah m'avait alors plus marqué que Nuit et brouillard, le film de Resnais que l'on nous avait fait voir en classe. Les images étaient en noir et blanc. Vous voyez ou je veux en venir ? J'y viens.
Pourquoi, mais pourquoi bon sang, les réalisateurs d'Apocalypse ont-ils fait le choix de coloriser ce qui ne l'était pas ? Et pourquoi tout recadrer pour cause de compatibilité au 16/9 ? Et pourquoi cette bande son hollywoodienne aux effets sonores parfois incongrus ? Pourquoi ? J'ai beau retourner la question dans tous les sens, lire les entretiens avec les auteurs, les seules réponses qui émergent sont d'ordre commercial, goût du jour et considérations d'audience. Comment, avec la somme de travail, de recherche et de montage, l'effort de mise en perspective, comment finir par adopter un tel partit-pris artistique qui n'est qu'un mensonge ? Qui plombe l'ensemble de la série. Car la colorisation des images n'est qu'un mensonge aux couleurs délavées. Dès le début, on évoque Berlin avant les nazis par un extrait de Der Blaue Engel (L'ange bleu – 1930), le film de Joseph Von Sternberg. Colorisé. Der Blaue Engel n'est pas un film en couleur. C'est un film en noir et blanc photographié par Günther Rittau et Hans Schneeberger en noir et blanc, mis en scène par Von Sternberg en noir et blanc avec Marlène Dietrich en noir et blanc. En 1930, le cinéma était en noir et blanc, c'est un fait. Montrer Der Blaue Engel en couleurs, qui plus est dans un contexte historique, c'est un mensonge, je n'ai pas d'autre mot.
Ailleurs, ce n'est pas un mensonge mais une interprétation. Quand on voit une femme avec une robe bleue, comment sait-on que la robe était bleue ? On ne le sait pas. Peut être que la robe était rose ou verte. Peut être que cette femme n'aimait pas le bleu. Peut être que cette femme portait une robe d'une certaine couleur qui avait pour elle un sens particulier, comme ma mère que ma grand mère avait habillée en bleu-blanc-rouge pour se rendre à une convocation de la Gestapo. On ne peut pas tout savoir. La question qui se pose, c'est de savoir si l'interprétation a sa place dans un travail historique, qui plus est quand il a des visées éducatives de masse. Cela me laisse un sentiment de gâchis. D'autant que des images en couleurs, il y en a eu. On nous dit que les jeunes cette étrange tribu ne regardent pas le noir et blanc. C'est faux. Steven Spielberg, et oui Steven Spielberg, lui, a fait The Schindler list en 1994 en noir et blanc et le film a été vu par tout le monde, jeune ou pas jeune. C'est même un des très rares films que l'on peut voir en noir et blanc en première partie de soirée sur de grandes chaînes nationales. Et quand Spielberg utilise une tache de couleur, elle a un sens (j'y reviendrais) même si elle déchaîne les critiques. Et il est ironique de noter que Mathieu Kassovitz, qui assure le commentaire, est aussi l'auteur de La haine (1995), film de jeune s'il en est, tourné en noir et blanc.
A cette ripolinisation s'ajoute le choix à la très curieuse justification éthique de ne pas coloriser certains documents relatifs à la Shoah. Les images les plus dures sont laissées en noir et blanc. On a ainsi des plans très émouvants de petits enfants juifs dans le ghetto de Varsovie en 1940. Recadrés 16/9 quand même. On crée ainsi une hiérarchie artificielle dans la souffrance des victimes. On aura ainsi colorisé une fillette victime d'un bombardement. Officiellement, on nous dit qu'il s'agit de ne pas donner des billes aux négationnistes. Admettons, mais alors, si l'on reprend l'argument des jeunes allergiques au noir et blanc, est-ce que l'on ne craint pas qu'ils ne profitent de ces moments pour zapper, aller aux toilettes ou tout simplement fermer les yeux aux moments les plus sombres de la tragédie ? Misère !
Le temps ne fait rien à l'affaire comme chantait l'autre, et personne n'est allergique au noir et blanc à priori. On (ce on mystérieux qui régit nos destins) a fait le choix pour nous et on (toujours lui) façonne notre goût par pur calcul comme pour le 16/9 qui est la norme d'aujourd'hui en attendant le relief, le fluo ou je ne sais quoi. Quand je montre des films en noir et blanc à ma fille de 3 ans et demi, elle ne se pose pas de question. Le film est comme ça, point. Willy Ronis, qui vient de disparaître, photographiait surtout en noir et blanc et ses images, que je sache, ont eu un beau succès. Cela semble tellement évident que je ne peux comprendre que des gens du talent de Clarke et Costelle puissent faire de tels choix qui vont conditionner, en partie, la vision de toute une génération. Misère !
Juste pour le goût du détail, John Ford a bien été blessé à la bataille de Midway alors qu'il filmait l'attaque japonaise, mais ce n'est pas comme cela qu'il a perdu son oeil et sa blessure, au bras (8 cm), n'était pas très grave. C'est dans son rapport médical cité par McBride dans son excellent bouquin sur le réalisateur. Sinon l'idée du parallèle entre Ford et Foujita dessinant sur le porte avion japonais est très belle et les images de Ford, en couleur d'origine, sont superbes.
Un excellent article de Samuel Gontier sur Télérama, très détaillé sur le même thème.
Photographie source Wikipedia
10:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : télévision, isabelle clarke, daniel costelle, colorisation, polémique | Facebook | Imprimer | |
18/09/2009
Les décapités du 16/9
10:20 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : polémique, format | Facebook | Imprimer | |
16/09/2009
Stagecoach
C'était en 1978. Avec ma famille, nous nous étions installés à Nice, rue Martin Seytour, à deux pas de la place Garibaldi. Aux portes de la vieille ville. Comme je bassinais déjà tout le monde avec cela, mon père m'avait dit en substance que, quand on aimait le cinéma, on allait à la cinémathèque, et que ça tombait bien puisqu'il y en avait une à côté. Effectivement. Elle devait avoir dans les quatre ans d'existence, installée dans l'îlot des serruriers, au coeur du vieux Nice. Le problème, c'est que le vieux Nice d'alors, je le trouvais assez effrayant. Des rues sombres, étroites, sales, aux murs hauts et décrépis, il ressemblait tout à fait à ce que Jean Vigo avait filmé en 1929, les odeurs en plus. Dans ce dédale qui m'oppressait parce que je ne le connaissais pas encore, mon imagination galopait un peu trop vite.
Mais bon, j'ai fini par récupérer un programme et j'ai vu que l'on passait Stagecoach (La chevauchée fantastique – 1939) de John Ford avec, ce qui pour moi était alors aussi important, John Wayne. Je me suis donc décidé. L'attraction exercée par ce film a toujours été irrésistible. Des années plus tard, plongé en plein festival de Cannes, je suis rentré sur Nice un après-midi pour le revoir. Mais restons en 1978 pour cette séance initiatique. C'était la première fois que je le voyais en salle. La première fois que les splendeurs de Monument Valley photographiées par Bert Glennon et les fameux gros plans sur Wayne entrant dans la légende emplissaient mon regard. Je connaissais déjà bien le film vu plusieurs fois à la télévision. Comme pour plusieurs autres oeuvres qui m'ont toujours accompagnées, je ne me souviens plus de la première fois, tellement elle remonte profondément dans l'enfance. Ces premières visions étaient sélectives. En 1978, j'attendis des images clefs : la découverte des indiens surplombant la plaine, la flèche qui frappe Peacock, la diligence lancée à toute allure sur le lac salé et Wayne sautant de cheval en cheval pour récupérer les rênes. L'action.
En 1978, je tenais un petit carnet bêtement perdu ensuite, où je notais les titres des films vus en salle, deux trois éléments et une réplique qui m'avait marqué. Il faut préciser que Stagecoach est sans doute le premier film que j'ai vu en version originale. J'en avais retiré ces deux mots : Hey, Dallas. Dallas, c'est l'héroïne jouée par Claire Trevor. J'en conclus que pour la première fois j'avais été aussi sensible aux personnages et à l'histoire d'amour pleine de retenue de la douce prostituée et du délicat mauvais garçon.
Toi aussi Papy t'a embarqué sur l'Araner pour te faire lire son fichu scénario ?
Wayne et Trevor, les gestes et les détails - Photographie source indéterminée
Revoir Stagecoach aujourd'hui, c'est faire la synthèse de tout cela. L'excitation unique de la grande poursuite finale, son expression de la vitesse absolument unique, le frisson qui prend face à l'exploit physique (Bon sang, Yakima Canutt passe vraiment sous la diligence !), la saveur de la galerie de personnages devenus des archétypes (Le cocher poltron, le shérif intègre, le gentleman sudiste, le docteur alcoolique, etc.), l'allure encore juvénile de Wayne, et puis sous la structure rigoureuse, linéaire, du western, les relations subtiles qui se nouent entre des êtres humains de toute beauté.
C'est aussi apprécier, à la lumière de tous les autres films vu et revus depuis, les images et les gestes de la poésie fordienne, l'échange de la tasse, la façon dont Hatfield recouvre de son manteau le cadavre d'une jeune femme, les regards des hommes découvrant le bébé dans les bras de Dallas, le pas digne et mal assuré du docteur, le mouvement de Wayne qui relève la tête de sous son grand chapeau blanc pour regarder Dallas, cette façon que les personnages ont de jeter les choses à travers l'écran. Et puis Monument Valley sous la neige, les gros plans sur les indiens, la porcelaine sur la table, l'éclairage du couloir du relais de poste, cette atmosphère qui sonne si juste que les scènes semblent prises sur le vif. Et puis les plafonds. Et puis tout quoi.
Il y a un mois environ, quand le responsable de Kinok nous a proposé, entre autres, la chronique du film réédité par les éditions Montparnasse, l'effet irrésistible s'est fait sentir. J'étais tenté. Et puis je me suis dit qu'il valait mieux laisser le plaisir de la découverte à quelqu'un d'autre. Et j'ai hâte de savoir qui a hérité du plus pur des westerns et de lire.
C'est chose faite et c'est Benjamin de la Kinopithèque qui s'y est collé. (Rajout 4 novembre 2009)
10:21 Publié dans Panthéon | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : john ford | Facebook | Imprimer | |