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14/03/2009

Le genou de Claire

Le genou de Claire c'est d'abord la belle barbe de Jean-Claude Brialy dans le rôle de Jérôme qui me fait toujours irrésistiblement penser à celle que portait mon père dans les années 70. Ce sont les chaussettes blanches de collégienne que porte Béatrice Romand quand elle entre dans le cinéma de Rohmer. C'est la blondeur de Fabrice Lucchini au début de sa carrière, qui fait lui aussi sa première apparition chez le maître. C'est le teint pain d'épice et les courbes délicates de Laurence de Monaghan au genou tentateur et si parfait. C'est l'accent roumain de Aurora Cornu, sa démarche posée et ses mains délicates.

Genou.jpg

Capture DVD Opening

Le genou de Claire est l'une des plus éclatantes réussites d'Eric Rohmer. Il suit immédiatement Ma nuit chez Maud et peu se voir comme un contre-pied. A la neige de Clermont-Ferrand, au noir et blanc de Nestor Almendros, aux dialogues en profondeur sur la foi, Pascal et l'amour, au visage un rien sévère de Jean-Louis Trintignant se substituent le soleil d'été sur le lac d'Annecy, les cerisiers sous la brise, les couleurs de montagne du même chef opérateur, un marivaudage (le terme est particulièrement bien adapté ici) brillant et la décontraction barbue de Jean Claude Brialy. Le film a la grâce et la légèreté des jeunes filles en fleur. Le rose est sa couleur, comme celle de ses intertitres.

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Le DVD

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11:44 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : eric rohmer |  Facebook |  Imprimer | |

12/03/2009

Gran Torino pour les nuls

J'avoue que ça me réjouis assez de voir, face à l'unanimité louangeuse de la critique officielle, que c'est sur la blogosphère que les avis sont plus tranchés et que les esprits s'échauffent autour du Gran Torino de Clint Eastwood. Je suis plus sceptique sur les empoignades autour du présupposé racisme d'Eastwood et de son film, qui tournent vite au dialogue de sourd. Les échanges autour du texte de Jean-Baptiste Morain sur le site des Inrocks sont exemplaires (façon de parler). Cette histoire de racisme me semble passer à côté de ce qu'est le film mais de cela, j'en ai déjà parlé. Ce qui se joue dans le texte de Morain, et qui fait que ça tourne en rond, c'est que son attaque du film l'amène à attaquer ceux qui l'ont aimé, ses lecteurs au passage, puisque le film selon lui permet à ses admirateurs « d'exprimer sans remords ni conséquence leur racisme larvé ». Morain a regretté cette phrase dans l'un de ses commentaires et je lui en sais gré, mais c'est révélateur de cette manie que l'on a de vous sommer de choisir votre camp. Chose que je déteste entre toutes. Holà, camarade ! Es-tu Val ou Siné ? Royal ou Aubry ? Fromage ou dessert ? Critique dialectique ou poétique ? Misère...

Ceci posé, j'avais envie de revenir sur film par un autre angle : celui de sa mise en scène. Ses détracteurs l'ont souvent attaqué là-dessus sur l'air de la platitude tandis que les louangeurs en restaient souvent à la performance de l'acteur sans entrer dans le détail. Cela tient je crois à la pratique d'une forme classique de cinéma par Eastwood qui ne se prête pas facilement à l'analyse à l'opposé de celles, pour reprendre les exemples de Ed sur Nightswimming, de David Lynch ou Gus Van Sant. J'ai donc eu envie de voir un peu comment était faite une scène du film, celle qui m'a servi de déclencheur et qui circule sur Internet. Histoire de voir ce qu'il y a sous le capot de la Gran Torino. D'ou le titre de la note, que personne ne se sente visé. Voici :

Le premier plan est un élégant mouvement de grue descendant qui nous approche de Sue et son ami marchant dans une rue vers nous. Ce qui frappe, c'est que le plan démarre sur la clôture barbelée qui entoure un pavillon. On note que le plan englobe toute une partie de la rue, une de ces rues de banlieues typiques des États-Unis, et que la maison du premier plan est la seule à être clôturée ainsi. Gran Torino est un film construit largement sur la notion de territoire. Dans l'univers du western, la clôture c'est le conflit, le danger, c'est Kirk Douglas empêtré dans les barbelés. La porte ruinée devant laquelle ils passent est comme le symbole mis à bas de l'accueil et de la propriété, valeurs américaines basiques. Il est ainsi clairement signifié que le couple pénètre dans une zone dangereuse et ces signes de danger contrastent avec leur attitude nonchalante et leur dialogue insignifiant. Bingo. La caméra les suit dans le virage et le cadre les coince entre la clôture et le groupe des trois jeunes noirs. Jolie maîtrise de l'espace.

Confrontation entre les trois noirs et le couple, c'est le jeune homme qui tente de faire croire qu'il n'ont pas transgressé le territoire parce qu'ils en font partie. Il tente des signes de reconnaissance, : gestes et paroles. Ça tombe à plat. La mise en scène enchaîne des plans moyens animés d'un léger mouvement qui s'oppose au mouvement tournant des trois jeunes noirs. Le cadre encercle littéralement le couple et le coince contre la clôture. Ce qui m'avait frappé à la première vision, c'est ce mouvement de la caméra, qui donne une impression de porté mais reste maîtrisé, sans doute à la steadycam. Il se superpose à une sorte de balancement qui redouble l'effet de balancement des corps et les souligne ironiquement. On est loin d'une banale caméra à l'épaule.

Dans l'étape suivante, les trois jeunes noirs s'en prennent directement au jeune homme et l'éjectent littéralement du cadre à plusieurs reprises. La sensation de violence suspendue est accentuée par le resserrement du cadre qui rend le danger moins visible, témoin l'irruption de la main qui renverse la casquette sans que l'on voit l'agresseur.

Arrivée du héros dans sa camionnette. Une sorte de mini ellipse dans l'espace dont la continuité est assurée par le son. C'est un très beau plan large, peut être un peu trop court, suivi d'un mouvement en avant sur le visage de Kowalski. Eastwood va convoquer ici deux figures mythiques, L'homme sans nom et l'inspecteur Harry. Le brusque changement de point de vue et l'élargissement du cadre donnent une aura immédiate au véhicule puis à celui qui le conduit. Tout à coup, il est là. Pas de raison particulière. C'est ainsi qu'Eastwood apparaît dans nombre de ses westerns et dans le fondateur Per un pugno di dollari. Dans les films avec l'inspecteur Harry, il est toujours là où ça se passe, mais il est généralement déjà en scène (il vient prendre son café ou manger un morceau). C'est un plan qui a un côté très années 70, comme en on a vu de superbes dans Assaut ou Halloween de John Carpenter.

Le saut dans l'espace qui suit accentue la violence fait au jeune homme coincé contre la clôture. Il est mis hors du coup et la scène reprend avec une variante. Cette fois, c'est Sue qui s'oppose au groupe mais elle a choisi de se défendre et tente de rompre l'encerclement tout en insultant copieusement ses agresseurs. Kowalski amène alors sa camionnette en bordure du « territoire » des jeunes noirs et ceux-ci se disposent en triangle, selon une géométrie classique pour les admirateurs de Sergio Léone.

La descente d'Eastwood est un grand moment. D'abord, il est là, même de dos, dans la camionnette, le visage se reflétant discrètement dans le rétroviseur. A de nombreuses reprises, Kowalski sera ainsi filmé en un reflet, face à un miroir. Quand il sort, il est dans un premier temps sur la chaussée et donc apparaît plus petit que ses antagonistes. Puis il fait un pas en avant et monte sur le trottoir tandis que la caméra s'avance un petit peu. Cela donne l'impression qu'il domine tout à coup, qu'il s'étire sur la hauteur du cadre. C'est un procédé que John Ford utilisait avec Henry Fonda, façon d'accentuer sa domination morale. C'est assez subtil et c'est le genre de trouvaille qui me met en joie, comme un coup de crayon bien placé dans un dessin de Franquin. Et puis il crache mais on ne va pas revenir là-dessus.

Lors de la confrontation qui suit, on retrouve le même mouvement oscillant de la caméra mais cette fois, il épouse les mouvements de Kowalski qui vise les jeunes avec son doigt. Le danger, cette fois, c'est lui. « L'espoir changea de camp, le combat changea d'âme ». Il s'agit pour Kowalski d'envahir le territoire des jeunes noirs et de s'y affirmer pour « exfiltrer » Sue. Son entrée sur le territoire se fait par ses irruptions dans le cadre, d'abord le doigt, puis, comme cela ne suffit pas, il dégaine son arme, convoquant cette fois un geste (et un cadre) vingt fois vu chez Harry Callahan, qui traverse le plan comme l'a fait tout à l'heure le bras qui retire la casquette. La symétrie jusqu'au bout, c'est à cela que l'on reconnaît une belle mise en scène classique. La sortie de l'arme correspond aussi au début d'une musique façon Lalo Schiffrin, assez martiale avec roulement de tambour. On est en plein dans le retour du mythe.

La jeune fille dans la camionnette, reste le jeune homme. On peut dire que Eastwood manifeste le mépris de Kowalski pour son attitude conciliante en les séparant nettement des plans. On entend la voix du jeune homme sur un plan de Kowalski puis celui-ci, tout en l'insultant, le pointe de son arme comme il l'a fait avec les trois jeunes noirs. Mais alors que l'un des deniers plans montre Kowalski de profil dans le même cadre que les trois jeunes noirs, il n'apparait jamais dans le même plan que le jeune homme. Il lui refuse cet « honneur ». Malheur aux vaincus. On peut presque sentir une sorte de sympathie entre le polonais et les trois noirs, ils s'acceptent comme adversaires. Ce qui est accentuée par le plan large sur le dialogue qui détend la toute fin de la séquence.

Voilà, nous sommes bien avancés. C'est pour moi une façon de faire très maîtrisée mais très peu ostentatoire. La forme se coule dans l'action et la mise en place de celle-ci sait prendre son temps. Nous sommes dans un style que je trouve proche des classiques des années 60 et 70, Don Siegel en tête, mais aussi Franklin J. Schaffner, Richard C. Sarafian ou même Peter Yates. Éloignée quand même de celui d'un John Ford dont les plans ont une force poétique indéniablement plus grande, ou d'un Howard Hawks ou d'un Sergio Léone qui ont des dispositifs bien plus sophistiqués. Merci de votre attention et à la semaine prochaine. Sortez en rang et que le grand Cric ne vous croque pas.

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Cent fusils

100 rifles (Les cent fusils), tourné en 1969 par Tom Gries, est de ces films qui me faisaient grimper aux rideaux quand j'étais petit. Tout en me doutant de la réponse, je me demandais comment il avait passé toutes ces années dans un coin de mon souvenir. Pas de surprise, il reste un spectacle agréable et enlevé tout en se révélant un film bien médiocre. 100 rifles est de ces westerns d'aventures situés au Mexique, au début du 20e siècle traversé de secousses révolutionnaires. C'est aussi l'un de ces westerns hollywoodiens qui pillèrent à l'époque les formes du western italien, ses trucs et ses tics, espérant bénéficier de son succès. Il faut se rendre à l'évidence, le western américain entre 1964 et 1969, à quelques exceptions brillantes, quelques derniers feux de grands maîtres, est au fond du trou tandis que son confrère italien livre ses plus beaux fleurons. Donc on imite et Tom Gries, par ailleurs réalisateur d'un estimable Will Penny (1968), déballe la panoplie : Il y a un train, des mitrailleuses, une armée mexicaine impitoyable dirigée par un général sadique (Fernando Lamas), un conseiller militaire allemand, des péons opprimés en tuniques blanches et sales (ici des indiens Yaquis, mais c'est du pareil au même), les étendues désertiques d'Alméria, de la dynamite, des exécutions capitales et un passage à tabac. Et puis aussi un héros gringo qui fera sa prise de conscience en faveur des révolutionnaires, un héros paysan un peu truand mais grand coeur et une passionnaria habile à la gâchette.

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L'originalité, c'est qu'ici le gringo est un noir, joué par Jim Brown au charisme certain. Lyedecker est un shérif lancé sur les traces du voleur de banque Yaqui Joe (Burt Reynolds, moustache flamboyante et sombrero) comme Lee van Cleef se lançait à la poursuite de Tomas Milian dans le Colorado de Sergio Sollima. Bon, Yaqui Joe a volé une banque américaine pour payer des armes (les cent fusils) à la guérilla indienne menée par la belle Sarita, très belle Raquel Welch. Curieusement, et malgré quelques allusions, le film n'exploite pas tant la thématique du racisme. D'une façon générale, le film annonce la couleur avec sa phrase publicitaire : « Ce film a un message : faites gaffe ! ». Avec ça... Peut être que les actes se suffisaient d'eux-même. L'étreinte vigoureuse entre Brown et Raquel Welch, une première dans le cinéma grand public, reste une date dans la représentation des noirs dans le cinéma hollywoodien. La scène est plutôt jolie et le choc de ces deux beautés est l'un des sommets du film. Entre les deux, Reynolds fait le guignol, déjà très loin de son personnage de Navajoe Joe (1966) de Sergio Corbucci. Il est également assez loin des compositions équivalentes données par Tomas Milian, Eli Wallach ou Tony Musante. Il reste le faire-valoir du héros américain, quand bien même celui-ci est noir. On ne lutte pas contre sa nature.

L'héroïne de la révolution, c'est donc Raquel Welch. Ah ! Raquel... Elle est magnifique, pur fantasme adolescent. Mais elle est aussi crédible en indienne yaqui qu'au milieu des dinosaures de la Hammer films. Elle se situe dans la ligne des beautés terriblement anachroniques du western américain de l'époque : Bibi Andersson, Candice Bergen, Senta Berger... On se dit que le sous prolétariat mexicain a bien de la chance de compter de si belles femmes dans ses rangs. Je me demande ce qui attirait les réalisateurs de l'époque vers ces types plutôt européens, plutôt nordiques. Seul Sam Peckinpah a fait l'effort de trouver un prétexte. On pourra préférer les belles brunes Giovanna Ralli, Martine Beswick, Chelo Alonzo ou Nicoletta Machiavelli un peu plus adaptées à ce genre d'histoires.

Reste que c'est dans ce film que Raquel Welch arrête un train de l'armée en prenant une douche sous un réservoir d'eau. En chemise, hein, mais ce n'en est que plus excitant. La séquence est d'anthologie. L'eau était peut être froide, mais Raquel a une façon de bouger très nature, qui tranche avec son jeu corporel pendant le reste du film. Elle dégage, durant ces quelques instants, une vitalité exceptionnelle.

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Pour le reste, la mise en scène est plate, sans aucune de ces inventions de cadre ou de montage qui me ravissent chez les italiens. Peu d'emploi de la profondeur de champ, la caméra est à l'endroit de l'action mais se contente de l'enregistrer sans chercher à la sublimer. Absente. Le montage est pépère, accélérant doucement lors des scènes d'action. L'arrivée du train dans la ville, par exemple, n'est spectaculaire que pour ses effets pyrotechniques. On est loin de l'attaque du train turc chez David Lean. La photographie de l'espagnol Cecilio Paniagua est à l'avenant, sans relief, ne faisant ressentir ni la sueur des visages, ni la poussière du désert. Soyons juste, les très gros plans sur le visage de Raquel Welch lors de l'étreinte, légèrement voilés, dégagent quelque chose de sensuel et violent. C'est déjà ça.

Au crédit du film, la partition de Jerry Goldsmith. Dans les années 60, ce grand compositeur a donné quelques belles musiques à des westerns moyens, contribuant à les garder en mémoire : Bandolero, Rio Conchos, le remake de Stagecoach, le Rio Lobo de Hawks. Goldsmith y renouvelle le genre, arrivant à se dégager des canons des grands anciens sans tomber dans la parodie du style d'Ennio Morricone. Ses partitions sont rythmées, basées sur une thème principal fort, du genre que l'on peut fredonner en sortant de la salle (très important, ça). Tempo vif, accents jazz et pop, guitare folk (l'ouverture de Rio Lobo est superbe), c'est enthousiasmant et, avec Raquel Welch, la trop courte apparition de Soledad Miranda, égérie de Jesus Franco, et le torse de Jim Brown, les raisons essentielles du plaisir pris à 100 rifles.

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Photographies : captures DVD 20th Century Fox (en zone 1 hélas).

11:30 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : tom gries |  Facebook |  Imprimer | |