Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« lun. 25 juin - dim. 01 juil. | Page d'accueil | lun. 09 juil. - dim. 15 juil. »

08/07/2007

Motif : lazy line

John Ford blog-a-thon

 

La « lazy line » désigne dans la culture des indiens Navajos, une erreur volontaire dans la trame des tapis pour casser la continuité trop parfaite du tissage. Cette rupture signifie l'impossibilité de la perfection dans une oeuvre humaine. Ford, la légende le dit, était chef honoraire des Navajos qui ont maintes fois joué pour lui dans les ocres de Monument Valley. Cette philosophie de la « lazy line » ne pouvait manquer de séduire celui qui savait si bien changer de ton d'une scène à l'autre. Le motif parcours l'ensemble de The Searchers (La prisonnière du désert en 1956). Motifs visuels, irruptions dans le champ, cadrages, symboles (le chef comanche s'appelle Scar, cicatrice, en écho à la cicatrice intérieure d'Ethan Edwards), mais aussi brusques ruptures dans la narration, comme la blessure aux fesses du révérend après le sommet d'émotion du geste d'Ethan envers Debbie, et le contraste entre les somptueux extérieurs et les décors de studio revendiqués tels. (Je n'ai pas trouvé ça tout seul, il y eu un livre très précis sur le sujet : La Prisonnière du désert, une tapisserie navajo de Jean Louis Leutrat).

fd9682c0dd36d411bcf6809ba7c275a7.jpg
a16f39ce22f9e98dff4735be56d13adb.jpg
e798ab07febe6a68d2bd0f19af933732.jpg
5239c0f8ccbe253485a407291b954cfe.jpg
Photographies : capture DVD Warner 

 

 

07/07/2007

Impetuous ! Homeric ! - Partie 2

Le moteur érotique de The quiet man, c'est l'interaction entre ces deux corps. Quelle phrase. Mais cela prend en compte la diversité de ces interactions, en particulier la douce violence au sein du couple. Il l'attrape au vol, elle tente de le gifler plusieurs fois, il lui donne une tape sur les fesses (Fais comme si c'était pas grave dira Jason Robards à Claudia Cardinale chez Léone), elle le menace d'un fouet, Il la lance sur le lit et, pour finir, il y aura la longue et anthologique scène où il la ramène de la gare à son frère avec au passage un coup de pied aux fesses qui aura fait grincer bien des dents. Il faut noter qu'aucun de ces gestes ne se résout en tragédie (Les gifles sont contrées, il accepte de dormir dans le salon), que quand on se bat chez Ford c'est souvent entre amis et que cette violence est partagée dans le sens qu'il ne s'agit pas d'exercer une domination. Elle n'est pas différente de celle de la bagarre finale qui n'est qu'une forme de réconciliation (virile, certes) entre Thornton et Dananher frère. Bien sûr que c'est irréaliste, dans la vraie vie on se bat rarement pour rire, en couple ou entre amis sauf les enfants. Mais nous sommes au cinéma, alors cela se pratique entre armée et marine, entre cavaliers, entre irlandais, entre mari et femme. Question de tempérament. Question de comédie aussi, la référence du film, c'est La mégère apprivoisée de William Shakespeare.

Dans le cas présent, on comprend vite qu'il ne s'agit que d'une autre façon de s'étreindre et le premier échange d'horions se transforme vite en baiser passionné. Comme à l'issue de la « promenade de santé », Mary Kate peut accepter le compromis avec Sean et lui ouvrir la porte de la chaudière dans laquelle il balance l'argent de la dot. Et puis repartir, fière, le regard une nouvelle fois plein de désir, s'étant affirmée comme femme et épouse au vu de tous après que lui se soit affirmé comme homme et mari respectueux de ce que cela signifie à Innisfree. Le dernier plan du film, après que l'ensemble des acteurs ait salué comme à la scène, montre nos deux époux devant leur cottage. Mary Kate murmure quelques mots à l'oreille de Sean qui prend un air étonné comme seul Wayne en était capable. La légende veut que Maureen O'Hara n'ait dit qu'à John Ford ce que serait sa réplique, sans doute à la hauteur de son franc parlé. Les deux John ayant disparu, la rousse sublime ayant décidé d'emporter le secret dans la tombe, nous sommes libres d'imaginer de quelle façon Mary Kate entraîne Sean vers White O'morn' pour y rattraper le temps perdu.

9921bdc2e01a03e6d0c4ccc6dcea20c8.jpg

De gauche à droite: Francis Ford, John Wayne, Victor McLagen, John Ford et Barry Fitzgerald (assis)

Si la dimension de comédie érotique est essentielle, il ne faudrait pas qu'elle masque les autres richesses du film. Comme dans plusieurs de ses oeuvres de la même période, John Ford exprime dans The quiet man un idéal de vie. Celui de la petite communauté comme les mormons de Wagonmaster ou la petite ville de The sun shine bright. Des communautés avec leurs préjugés mais finalement ouvertes, une ambiance 1900, dans lequel la voiture est rare, la grande ville et l'industrie lointaines, la vie harmonieuse et où le temps s'écoule avec douceur. Une utopie. Caractéristique est le traitement de la religion dans ce film. Ford, on le sait était un catholique bon teint. Dans un pays où la question religieuse est si sensible, il se paie le luxe de montrer des communautés apaisées et vivant en bonne entente. Prêtre (Ward Bond) et pasteur (Arthur Shields) complotent ensemble à réunir les amants. Et au final les nombreux catholiques se feront passer pour des protestants pour conserver son poste au pasteur. Et Ford va plus loin. A ces religions modernes et monothéistes, il mêle de nombreux signes de croyances anciennes et d'esprits naturels. Ainsi comme on l'a noté, la façon dont les éléments interviennent aux côtés des personnages : la tempête aux moments de passion, la pluie sombre lors de la tentative de demande en mariage, le vent lors de la course de chevaux, le feu au coeur du foyer. Et puis il y a ce vieux saumon traqué par le père Lonergan, véritable esprit de la rivière. Et la réplique de Michaleen Oge Flynn « Homéric ! » abusé par l'état du lit nuptial. Et cette façon d'évoquer la moderne Amérique et les aciéries de Pittsburg (Dans une fournaise si chaude que l'homme en oublie sa crainte du feu éternel). Cet ensemble de croyances cohabite sans heurt, harmonieuses au sein d'une nature irlandaise puissante et bienveillante. Innisfree est bien une terre de conte de fée, si proche et si lointaine.

Ford en accentue le côté irréel avec la narration assurée de façon intermittente par Ward Bond, le contraste entre les somptueux extérieurs irlandais et les décors de studio travaillés de façon expressionniste (le cottage, le cimetière, le ring) et qui ne cherchent pas à cacher ce qu'ils sont ; la mise en scène qui travaille le côté théâtral des situations (la course de chevaux, la bagarre finale, le mariage) avec le décor envisagé comme une scène, les figurants comme spectateurs de l'action et ses rituels quand Flynn met en scène la demande en mariage, la cours ou la bagarre finale. Il faut aussi mentionner l'utilisation de la musique, partition enlevée de Victor Young basée sur des airs traditionnels, qui est alternativement extérieure et intégrée à l'action. Pour Ford, enfin, ce retour sur la terre ancestrale se traduit par un retour au cinéma des origines, le muet. A plusieurs reprises le son est délaissé pour la pure expression visuelle comme dans la scène du tandem. On y voit Wayne parler, mais on ne l'entend déjà plus. Seul compte alors l'attitude de Maureen O'Hara qui l'entraîne dans la course poursuite au milieu des champs où l'image est reine.

Cette philosophie de vie, c'était celle que Ford recherchait dans l'exercice de son métier et la clef de sa conception du cinéma. Le tournage de The quiet man a été une histoire familiale et de belles vacances d'été. Son frère Francis Ford, qui le fit venir à Hollywood au milieu des années 10, joue le truculent Dan Tobin, le patriarche ressuscité par la « réconciliation » finale ; Maureen O'Hara y joue avec ses deux frères Charles Fitzsimons et James O'Hara ; John Wayne était venu en famille et quatre de ses enfants sont dans le film (autour de O'Hara lors de la scène de la course). On retrouve évidemment l'essentiel de la troupe à Ford : Ward Bond et ses cannes à pêche, Ken Curtis avec son accordéon, Mae Marsh, Arthur Shields et son jeu de puce, Mildred Natwick vieille fille comme bientôt chez Hitchcock, Sam Harris en général sourd ; et l'immense Victor McLaglen. La touche locale au film est achevée par les prestations de plusieurs acteurs de la fameuse troupe des Players from the Abbey Theatre Company en personnel des chemins de fer, piliers de bar et petites gens d'Innisfree. Barry Fitzgerald en est le plus illustre représentant dans l'inoubliable rôle de Michaleen Oge Flynn. Comme il le dit : «la nuit est claire et fraîche, j'ai envie d'aller rejoindre mes amis et discuter politique ». Il est sur un petit pont de pierre avec Wayne, non loin du cottage. On entend la rivière en dessous et le vent du soir. C'est un moment doux et précieux.

Pistes

le DVD

Un magnifique article en anglais par William C. Dowling

Un article sur DVDclassik

La fiche sur le Ciné-club de Caen

Un article en anglais sur Speakeasy.org

Un article en anglais sur filmsite

Un article en anglais sur Reel Classics

Le Quiet man movie club

Le site du village de Cong (à visiter un jour)

Photographie : © Connacht Tribune Group

06/07/2007

Motif : comédie musicale

John Ford blog-a-thon
 
fcf2c65199caac2e538b1da0c60335ae.jpg
5896b5ee28cebb0195f995d1532bd61b.jpg
531a70020dd3977f7eb06c7da247fe0e.jpg
78df36334b2cc91c3a09955861769562.jpg
d8bbdd819ad3f62dbf9fb8d085a56e71.jpg

 

Source : captures DVD Montparnasse

05/07/2007

Impetuous ! Homeric ! - Partie 1

Ford aimait à décrire The quiet man (L'homme tranquille) comme « Une histoire d'amour entre adultes ». Le cinéma de Ford a de nombreuses qualités et sa sensibilité vibre pour de nombreux aspects de la vie humaine. Mais il est bien difficile de le reconnaître comme un cinéaste à l'érotisme exacerbé malgré de notables efforts avec Joanne Dru ou Ava Gardner. Ses films regorgent de femmes sublimes, mères courageuses, épouses dévouées, jeune filles en fleur, prostituées au grand coeur, institutrices, bonnes soeur, aristocrate sudiste et même doctoresse dans l'ultime et féminin Seven Women (Frontière chinoise en 1966). Mais au contraire de ses pairs, disons Hawks ou Hitchcock, Ford ne leur permet pas de dégager beaucoup de sensualité. L'exception, c'est bien sur le film qui nous intéresse et qui constitue, dans son oeuvre, un cas. Le cas typique du film atypique, de ce projet aux résonances intimes que l'on porte des années et qui se fait enfin, envers et contre tout et qui, miracle renouvelé du cinéma, rencontre le public, les honneurs (oscar à la clef) et finit par marquer durablement une carrière. Le genre de film qui permet, quand on en connaît l'histoire, de se dire qu'il y a une justice en ce bas monde.

Ce n'est peut être pas un hasard si Ford s'intéresse à l'histoire de Maurice Walsh, The quiet man (parue dans le Saturday Evening Post en 1933) en 1936, alors qu'il est, dit-on, très amoureux de Katharine Hepburn qu'il dirige dans Mary of Scotland. Il en achète les droits et tente de monter le projet. Malgré son statut et sa statue (l'oscar pour The informer), il échoue à intéresser un studio à ce qu'ils appellent (les cons !) « Une stupide petite histoire irlandaise ». Le temps passe, la guerre survient, Ford ne désarme pas et convainc dès 1945 Maureen O'Hara qu'il a dirigé dans How green was my valley (Qu'elle était verte ma vallée en 1941) et John Wayne se s'engager dans le projet. O'Hara racontera volontiers à quel point elle sera impliquée dans la conception du film, tapant elle-même à la machine les différentes version du scénario de Franck S. Nugent sur le yacht de Ford, l'Araner. Les studios restant difficiles à convaincre, O'Hara plaisantait le réalisateur en lui disant qu'au train ou allaient les choses ils seraient, elle et Wayne, bientôt trop vieux pour le jouer. En fin stratège, Ford, au vu du succès de ses deux premiers westerns autour de la cavalerie américaine, finit par convaincre Herbert J. Yates de la petite Republic Pictures de faire le film en échange d'un autre western. Ce sera Rio Grandeen 1950, dont Ford se sert pour tester son couple vedette (voir ICI). Le test étant concluant côté sensualité au-delà de ses espérances, il prépare activement le tournage qui a lieu l'été 1951 autour du village de Cong (près de Galway) en Irlande même, pour une sortie en 1952 et un succès public comme critique, oscars à la clef pour Ford et son fidèle chef opérateur Winton C. Hoch.

The quiet man est un conte de fée merveilleux, sensuel et unique. Le voir en 2007 est presque douloureux tellement il ressemble à l'évocation d'un paradis perdu. Sergio Léone, qui a dit parfois des conneries, rejetait le film pour son irréalisme politique. Comment parler d'Irlande sans parler d'IRA ? Mauvaise version italienne ou distraction ? Le film est bourré d'allusions (le grand père déporté en Australie, certaines chanson, les deux ex-officiers, le toast...) et il y même une citation littérale de l'IRA (le Sinn Féin en VF). Mais tout cela n'est pas très important, Sergio. L'Irlande de Ford est un territoire de cinéma, comme Monument Valley, dans lequel le réalisateur a mis beaucoup de lui même, de ses origines, de sa propre légende. L'Irlande de Ford est un territoire de la sensualité et son film, le seul de sa longue carrière, est l'un des plus érotiquement émouvant qui soit.

Qu'est-ce que The quiet man ? L'histoire de Sean (John) Thornton qui débarque de Pittsburg (Massachusetts, USA) dans son village natal d'Innisfree pour y refaire sa vie sur la terre de ses ancêtres. Il y croise Mary (prénom de la mère de Ford) Kate (Hepburn) Danaher qui porte un jupon rouge et garde ses moutons. Ils tombent raides amoureux l'un de l'autre au premier regard. Mary Kate est rousse et attachée aux traditions. Elle doit obtenir l'accord de son frère pour se marier mais celui-ci a un mauvais premier contact avec l'américain. D'où problèmes, complot, mensonges, drame et comédie, mais vous connaissez le film aussi bien que moi.

6b3c5a78fd91e95312aab9a167446cde.jpg

The quiet man, c'est l'histoire d'un homme et d'une femme qui ont une envie irrésistible de coucher ensemble mais qui doivent pour ce faire lutter, lui contre un lourd passé, elle contre une lourde éducation. Plus complexe, fordien, ils doivent concilier harmonieusement leur pulsion sexuelle avec leur être profond. Sean n'entend pas renoncer à son mépris de l'argent (Vous connaissez combien de films où l'on brûle de l'argent avec tant de naturel ?) et doit accepter ce qu'il est profondément, un homme dont le métier est de se battre (Boxeur pour ceux qui ont le bonheur d'avoir encore à découvrir le film). Mary Kate n'entend pas renoncer au respect des traditions irlandaises, notamment en matière de dot, car elle sait que c'est à travers cela qu'elle peut s'affirmer comme femme et s'épanouir pleinement comme épouse. Elle a des mots magnifiques pour exprimer ce que cela représente pour elle, ce qu'elle porte de rêve et d'espoir. Et son regard lorsqu'elle chante « Innisfre » est une merveilleuse expression de féminité. Leur problème, le moteur du film, c'est qu'ils doivent s'apprivoiser. Apprendre à se respecter et à s'accepter. Et le faire sans se laisser déborder par leurs sens. Rarement dans un film le désir a été aussi clairement montré. Dès qu'ils sont face à face, Sean et Mary Kate déchaînent les éléments (la tempête dans le cottage, l'orage dans le cimetière). John Wayne et Maureen O'Hara dégagent une sensualité d'autant plus forte qu'elle est soigneusement enchâssée dans la vison poétique de Ford. Celui-ci s'est véritablement investit dans son histoire au point de violenter sa nature. Harry Carey Jr raconte comment, sur Rio Grande, il avait repoussé jusqu'au dernier moment la scène du baiser entre Wayne et O'Hara. Wayne pestait : « Il déteste diriger les scènes d'amour ». Dans The quiet man, j'en suis à me demander comment certaines choses ont pu passer la censure de l'époque. En finesse.

Dès le premier regard, c'est le coup de foudre. Sean découvre Mary Kate en fille sauvage, gambadant au milieu de ses moutons. Ford donne le ton avec ce jupon rouge vif et ce premier regard explicite de la jeune femme. Les regards de Maureen O'Hara dans ce film sont tous aussi suggestifs les uns que les autres. Elle donne l'impression de dévorer Wayne des yeux et Ford, comme Hawks plus tard, utilise le contraste entre la franchise sexuelle de son actrice avec le côté ingénu de l'acteur. Il est toujours réjouissant de voir Wayne embarrassé par une femme. L'autre élément déterminant, c'est le lien qui est fait entre les sentiments et la nature somptueuse. La passion obéit ici à un ordre naturel supérieur à celui de la société, religion ou tradition.

La seconde rencontre, Ford s'amuse justement à la situer à l'église pour bien indiquer que cette passion ne respectera rien. La scène la plus torride ce sera donc dans le cimetière. Le coup du bénitier, ou Sean transgresse ingénument les règles en présentant l'eau bénite à Mary Kate qui accepte la transgression avec l'eau, est explicite. La force du film est de montrer ce geste comme s'ils s'étaient roulé un patin en public. Pour le passage à l'acte, il en faudra plus. La première étreinte, c'est la fameuse scène du cottage, devenue une icône du cinéma. Elle est filmée comme une scène de cinéma fantastique (et ressemble beaucoup à l'arrivée de Claudette Colbert dans la ferme de Henry Fonda dans Drums along the Mohawks tourné en 1939). Le vent souffle en tempête, les volets battent, la lumière est crépusculaire, caverneuse, primitive. Ford déchaîne le monde qui se met au diapason des corps. Et ces corps sont filmés comme dans une comédie musicale, forme qui a brillé à exprimer la sensualité. Et toutes les scènes entre les deux amants, bientôt époux, sont ainsi très précisément travaillées au niveau des gestes et des déplacements. Et la grâce de Wayne, son fameux balancement des hanches, fait merveille. Il la fait surgir de sa cachette, elle tente de sortir, il la rattrape par le bras et l'attire vers d'un mouvement aussi ample qu'irréaliste. Est-ce que ce n'est pas une figure vue avec Fred Astaire et Ginger Rogers ? Comme la scène de la cours officielle. Leur façon de marcher ensemble puis de s'enfuir brutalement pour s'emparer du tandem rappelle la scène de Central Park entre Astaire et Cyd Charisse dans The band Wagon (Tous en scène – 1953 de Vincente Minelli). Le couple s'harmonise avant de se libérer à travers la course / la danse. Plus loin, il y a ce plan magnifique où elle retire ses bas qui valent bien les gants de Rita Hayworth, puis ils ont une façon de se courir après toujours très chorégraphique. Tout comme la façon dont ils retirent, l'un après l'autre, leurs chapeaux.

Le grand moment érotique, c'est bien sûr cette scène du cimetière. Là ils sont enfin seuls. La tension est à son comble car nous savons que l'on peut s'attendre à tout de la part d'un couple aussi amoureux (enfin dans les limites hollywoodiennes, hein). Après un échange verbal brillant dans la tradition de la comédie sophistiquée, Ford ramène son cinéma à l'expression originelle du muet et de la pure expression corporelle. Le premier baiser déchaîne à nouveau le vent et l'orage dans ce cimetière irréel surgit d'un profond passé. Les corps sont à nouveau dirigés au millimètre pour un moment de pure magie qui montre le désir de Mary Kate et la candeur solide de Sean. Ce qui est très fort, très osé quand on y pense, c'est que l'érotisme passe plus par le corps de l'homme que par celui de la femme. Combien de réalisateurs on plus ou moins savamment déshabillé leurs actrices ? Combien ont utilisé plus ou moins élégamment l'érotisme de l'eau en mouillant leurs chemisiers ? Ford, lui choisit de mouiller la chemise de Wayne, ce qui est dans la logique de la scène (il lui a donné sa veste pour la protéger de la pluie) et permet de mettre l'accent sur le désir féminin d'une façon assez inédite. On notera que c'est par ailleurs la femme qui dirige la chorégraphie du sentiment et que l'homme la découvre, l'accepte et y répond. « Et c'est à travers ces lourdes gouttes d'eau que battent les coeurs ».

(à suivre)

Photographie de l'affiche : collection personnelle.

04/07/2007

Jeunes années

John Ford Blog-a-thon

 

Quel bonheur ! La plupart des films courts de Ford sont perdus ou difficilement visibles. Celui-ci, signé Jack Ford, date de 1919 pour la Universal. By indian Post, aussi connu sous le titre The love letter a été édité dans les excellentes compilations Retour de flamme (volume 5). Mis en ligne par un cinéphile espagnol.

 

03/07/2007

Souvenirs

John Ford blog-a-thon

 

La compagnie des héros

par Harry Carey Jr

Edition des Riaux

Il n'est pas forcément facile de mettre immédiatement un visage sur le nom de Harry Carey Jr. Mais que l'on voit ce visage et l'on se rappelle l'avoir croisé plus d'une fois aux côtés de John Wayne sur les pistes de Monument Valley. Harry Carey Jr a fait partie de la « John Ford'stock company », cette troupe de comédiens fidèles qui a campé les nombreux personnages de l'univers du grand réalisateur et que l'on identifie au premier coup d'oeil : Le cocher de L'homme tranquille, la mère des Raisins de la colère, le sergent bourru et dévoué de La charge héroïque, le médecin de La chevauchée fantastique... Harry Carey Jr est avec Maureen O'Hara le dernier survivant de la bande. Son père, Harry Carey, avait aidé Ford à débuter à la fin des années 10. Les deux hommes firent des dizaines de westerns de série, les Cheyenne Harry, dont la plupart sont malheureusement perdus. Puis ils se brouillèrent professionnellement. Mais juste après la guerre, Ford proposa à Carey junior l'un des rôles principaux de sa nouvelle version de Three godfathers, (Le fils du désert) que Carey senior avait tourné avec Ford au temps du muet. Le père venait de mourir et Ford de perdre l'un de ses amis les plus chers. Et c'est ainsi que « Dobe » Carey intégra la troupe après un tournage-initiation des plus rude. Rappelez-vous, ce jeune homme mince, rouquin, un peu fragile. Il a été le kid d'Abilène dans Le fils du désert, le prétentieux lieutenant Pennell qui veut emmener Joan Dru en pique-nique dans She wore a yellow ribbon (La charge héroïque), la flegmatique recrue Boone avec son brin de paille à la bouche dans Rio Grande, Sandy, l'un des wagonmasters du Convoi des bravesaux côtés de son ami Ben Johnson, le malheureux soupirant de Lucy, enlevée et assassinée par les comanches de The searchers (La prisonnière du désert), huit films jusqu'à retrouver l'uniforme bleu et Ben Johnson dans Cheyennes autumn (Les cheyennes), l'adieu au western et à Monument Valley du maître.

23bbc11be5141b5df415e04ba4329f2b.jpg

Harry Carey Jr a donc raconté en 1994 ses souvenirs dans un épais livre, La compagnie des héros. Ce n'est certes pas de la grande littérature mais un document de premier ordre sur les tournages de Ford. Car Carey Jr, littéralement fasciné, visiblement toujours très ému d'avoir fait partie de cette épopée cinématographique, s'en tient rigoureusement à ses expériences avec le réalisateur, expédiant sa propre biographie et ne mentionnant qu'à peine le reste de sa longue carrière qui démarre avec Red River (La rivière rouge) de Howard Hawks en 1946 jusqu'au Tombstone de Georges Pan Cosmatos en 1993 En passant par le second volet des Trinita avec Bud Spencer et Terence Hill. C'est donc John Ford au travail, au quotidien de ses tournages, dans la poussière rouge de Monument Valley, un Ford à la fois craint, aimé, détesté et admiré sans mesure. Carey décrit avec détails (quelle mémoire, cet homme) ce qu'il vit de la préparation des films, l'importance du choix d'un chapeau, par exemple, la construction des personnages, le quotidien des prises de vues, la façon de diriger les acteurs, de travailler avec les techniciens. Ce qui frappe, c'est qu'on a l'impression d'y être et que l'on comprend que l'on y est pas. C'est à dire que l'on approche que de très loin qui faisait l'art de Ford, que celui-ci ne se livrait pas plus, ne s'exprimait pas plus sur son travail, qu'il ne le faisait dans d'autres circonstances. Ford procédait par petites touches : un détail (une façon de nouer un foulard), une réplique (« C'est un setter irlandais »), une idée qui fait discrètement son chemin (La monte romaine dans Rio grande), beaucoup de choses qui ne semblent pas si importantes sur le coup mais prennent sens à la vision du film terminé. Une vision d'ensemble que Ford ne semblait pas disposé à partager avec quiconque. Même quand il rend hommage au père du jeune acteur en filmant son cheval, il n'en dit sur le coup et écarte Carey Jr du plateau. Comme ceux qui travaillaient avec Ford, on sort de ce livre avec le sentiment d'avoir compris quelque chose d'important, tout en sachant que le mystère reste entier. Harry Carey Jr précise néanmoins quelques fameux morceaux de la légende : Winton C. Hoch n'a pas refusé de filmer la scène d'orage dans La charge héroïque, Ford lui-même a hésité. C'est Wayne qui a eu l'idée du geste final du bras dans La prisonnière du désert pour rendre hommage à Carey Sr. Le tournage des Deux cavaliers a débuté dans une ambiance plutôt favorable avant de basculer à l'annonce de la mort de Ward Bond. Des choses comme cela. Les pages les plus émouvantes sont celles consacrées au tournage des Cheyennes en 1964. Carey Jr et le complice Ben Johnson y jouent sans être crédités deux cavaliers aux côtés de Richard Widmark. On sent que c'est pour tous l'ultime tour de piste avec « papa » dans la chère Monument Valley. Et Ford de faire durer le tournage tant qu'il pu, suspendre un moment le temps.

 

Pistes :

Le livre

Une critique sur Écran Noir

Un article de Georges Malassenet dans l'Humanité 

Le site de Harry Carey Jr 

Photographie source SCVhistory.com 

02/07/2007

Motif : chevauchée

John Ford Blog-a-thon
 
6ed97582109ca98ee7140e2b2156ac89.jpg 
661393b0957fa6cbabff1f8daf49c500.jpg
951d14e743c75399b9a2092e3a776da8.jpg
880ecbab4d5b964bce54db3bbaf3ec65.jpg
 
 De haut en bas : Stagecoach, Three Godfathers, Fort Apache et She whore a yellow ribbon. travellings latéraux à pleine vitesse, ivresse du mouvement. (capture DVD Montparnasse et Warner).