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13/01/2013

Franco, ligne claire

Célestine, la mutine, viens ici que je te lutine. Que voilà un film hautement réjouissant. Le titre le plus surprenant de la collection et selon ses exégètes, atypique du réalisateur. Avec son titre de porno français de la belle époque (les années 70), son château façon Moulinsart, troublante ressemblance, et ses dialogues parfois un rien vulgaires, Célestine, bonne à tout faire, lointainement inspirée de la femme de chambre d'Octave Mirbeau, se rapproche des comédies polissonnes à l'italienne de la même époque. Ce sont les mêmes musiques sautillantes et agaçantes, et Lina Romay en donnant un peu plus qu'Edwige Fenech, mais avec la même santé, la même fougue, la même joie d'un corps libre, la même sensualité brisant d'un éclat de rire ou d'un mouvement de sein convenances et morale.

jesus franco

Lina Romay, il faut déjà dire que Franco rend avec ce film un hommage à sa beauté comme à son esprit. Il la filme sous toutes les coutures et en fait le moteur comme le centre de l'action. Elle est la femme totale, l'origine du monde et, dans une jolie envolée, Célestine déclare vouloir l'embrasser tout entier, ce monde, pour lui faire l'amour. Quelle abnégation ! Officiant dans une maison de passe 1900, elle en est chassée, les fesses à l'air, par une descente de police (avec Jean-Pierre Bouyxou en inspecteur). Elle trouve refuge dans la propriété des Bringuette. Là , après avoir mis dans tous leurs états le jardinier et le majordome, elle se fait engager par la famille constituée d'une belle collection de coincé de la fesse. Célestine va alors exercer ses talents sur chacun et chacune, rétablissant paix et harmonie d'une fesse ferme. On peut dire à ce point que Célestine est une version décomplexée, joyeusement libertaire, du visiteur de Teorema (Théorème, 1968) de Pier Paolo Pasolini. Et qu'il me soit permis d'écrire que malgré toute mon admiration pour le poète transalpin, je préfère le miracle opéré sur le grand-père joué par Howard Vernon (déchaîné) à l'élévation de la servante jouée par Laura Betti, les formes de Lina Romay aux yeux de Terence Stamp.

jesus franco

Si la mise en scène de Franco a ses défauts habituels (Zoom ici, zoom par là), et s'il est vrai qu'il délaisse ici ses expérimentations de cadres et de couleurs qui se prêteraient sans doute mal à cette histoire, elle compense par la construction théâtrale du récit, la vitalité de la comédie et le plaisir de diriger des acteurs complices au sein d'un burlesque assumé. Ils s'en donnent à cœur joie, arrivant à nous communiquer cette joie. Le sommet est atteint lors d'une cérémonie religieuse que l'on devine improvisée dans la bonne humeur et où Célestine et le majordome rivalisent de vigoureux « Amen ! » masquant mal leur fou rire. La caméra de Franco virevolte et, cette fois, est en phase avec l'agitation générale. Les portes claquent, les répliques fusent, on saute sur les lits, on se planque dans les placards, on se chevauche avec fougue, la vie et le mouvement irriguent la vieille demeure et ses habitants. Célestine, avec un peu d'aide d'une brave copine, met la paix dans les ménages et entre les classes. Dans sa règle du jeu, tout le monde y trouve son compte.

De nombreux commentateurs reprochent à ce film sa légèreté, mais je dis que c'est là qu'il trouve sa force. Célestine n'a pas besoin des discours alambiqués des aristocrates de Plaisir à trois ou de La comtesse perverse, elle parle direct et agit. Franco fait peut être bien passer ici mieux qu'ailleurs sa philosophie de la vie et j'en veut pour preuve ce plan final magnifique, gros plan sur le visage de Célestine quittant le château, son devoir accompli. La bouche de l'actrice frémit, ses yeux hésitent un instant, on sent comme un sanglot retenu. Elle est magnifique. Puis elle part. Éclat de gravité au sein de la comédie qui en dit tout l'enjeu. Et puis comme un pied de nez, elle traverse le parc sur cette fichue musique.

Photographies source La Marseillaise

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07:34 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : jesus franco |  Facebook |  Imprimer | |

Commentaires

Pour moi, c'est le film le plus mineur des 4 proposés par Artus. Quand tu écris que le film "se rapproche des comédies polissonnes à l'italienne de la même époque", je crois que tu as tout dit et c'est sans doute ce qui m'en éloigne un peu : je n'ai pas tellement de goût pour cette gaudriole assez salace, cette musique insupportable et le côté un tantinet répétitif de l'intrigue.
Reste une distribution aux petits oignons (Lina Romay est divine), quelques passages très réussis (le zoom final, la déclaration libertaire de Célestine voulant faire l'amour à la planète entière...)et des moments assez drôles. Ce n'est pas déshonorant mais ça ne vaut pas la superbe "comtesse perverse" ou "Venus in furs".

Écrit par : dr orlof | 13/01/2013

QU'il me soit permis de préférer les yeux de Terence aux seins (qu'elle a fort beaux) de Lina.
Merci

Écrit par : FredMJG | 13/01/2013

Doc, je savais que nous ne serions pas d'accord sur ce titre (il me semblait que tu l'avais chroniqué sur ton blog mais je ne l'ai pas retrouvé). Je sais aussi que je suis très minoritaire là-dessus par rapport à tout ce que j'ai lu, mais moi, j'ai été complètement séduit. Même si le film adopte la forme des comédies érotiques de l'époque, il n'en contient pas moins largement la philosophie de Franco, ses figures de style et toute sa troupe. "La comtesse..." que tu cites n'a rien de plus, c'est pour moi le titre le plus faible, en grande partie à cause de Robert Wood mais aussi, peut être, à cause de sa réputation.
Mais le film n'est pas aussi travaillé que "Vénus in furs" ou "Plaisir à trois" et nettement moins rigoureux dans son récit. A contrario, "Célestine" a une belle mécanique comique qui n'est jamais sacrifiée aux scènes érotiques, alors que ces scènes trainent un peu dans "la comtesse... " ou "Plaisir". Les "dialogues" dans les scènes de sexe ne sont pas plus raffinés dans un film que dans l'autre. J'ai aussi beaucoup lu que c'était un film de commande. Comme si les autres ne l'étaient pas. Après je ne sais pas ce qu'il en pense, mais la façon dont il filme Lina Romay me semble éloquente.

Fred, je t'en prie, je comprends :)

Écrit par : Vincent | 13/01/2013

Oui mais les scènes érotiques, du coup, sont beaucoup moins sensuelles que dans ses autres films et beaucoup moins "utiles" (on est loin des longues cérémonies secrètes de "La comtesse" et de "Plaisir à trois).
Je préfère largement le surréalisme (y compris dans sa dimension "amour fou") de la "comtesse" que cette mécanique un peu trop "mécanique", justement...
Quant aux dialogues, une petite précision : dans "Plaisir à trois", ceux qui "agrémentent" la première séquence "chaude" et que je trouve particulièrement orduriers et bêtas ne sont pas d'Alain Petit mais ont été rajoutés par la suite. C'est dommage et ça gâche (pas trop quand même) ce beau film...

Écrit par : dr orlof | 14/01/2013

Je dirais plutôt sensuelles d'une autre façon (voir la photo qui clôt cette semaine). Je suis d'accord que l'on a pas les longs cérémoniaux, les dispositifs complexes des autres films cités, mais cela tient au genre, au côté comédie et est pour moi compensé par le rythme et l'humour. Je comprends bien que c'est assez inhabituel dans une filmographie plus orientée à son meilleur sur le fantastique et le surréalisme. mais ça ne me semble pas incompatible.
Merci pour la précision sur les dialogues, je trouvais que ça jurait avec les belles envolées inspirées de Sade. Mais je n'ai trouvé dans les interventions d'Alain Petit plus d'informations. Et ça ne m'a pas gâché le plaisir non plus :) Je crois même que c'est le film que j'ai trouvé le plus original.

Écrit par : Vincent | 14/01/2013

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