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23/03/2006

La Bande à Bonnot

L'un des avantages du DVD est qu'il permet de retrouver ou de découvrir tout un pan de l'histoire du cinéma qui n'est plus trop accessible sur les chaînes « classiques » et encore moins en salles, cinémathèques comprises. J'ai ainsi pu assouvir mon ancienne envie de voir La Bande à Bonnot de Philippe Fourastié réalisé en 1968. J'ai longtemps eu cette image de Jacques Brel et de Bruno Crémer dans leur voiture d'avant 1914 avec ces lanternes comme on en faisait aux diligences. Et puis, j'ai toujours aimé Brel au cinéma, même dans les films faiblards qui ne le méritaient pas. Tiens, Mon Oncle Benjamin d'Édouard Molinaro, voilà un autre film que j'aimerais bien revoir.
 

Mais revenons à nos anarchistes en auto. Le film a visiblement eu les moyens : reconstitution d'époque soignée et belle interprétation avec, aux côtés de Crémer (Bonnot), et Brel (Raymond la Science), Annie Girardot, Jean Pierre Kalfon, tout jeune, Anne Wiazemsky et Michel Vitold. J'ai cherché des informations sur le réalisateur, mais il n'y a pas grand chose. Pourtant, ce film, son second après Un Choix d'Assassin en 1966, est un beau film, vif, ambitieux et maîtrisé. Et Fourastié a été à bonne école : Assistant de Godard sur Pierrot le Fou, de Rivette sur La Religieuse, de Chabrol et de Schoendoeffer. Né à Cabourg en 1940, mort à Tréguier en 1982, sa carrière s'interrompt brutalement après La Bande à Bonnot. Enfin presque puisqu'on le retrouve à la télévision pour la série Mandrin. Encore un bandit légendaire.

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Sortit en 1968, le film n'a pas du plaire et sera interdit aux moins de 18 ans. Sa force tient au mélange de faits bruts, les braquages, les meurtres et la cavale des bandits ; et du discours anarchiste radical porté essentiellement par le personnage joué par Brel. Fourastié mêle habilement la sympathie que lui inspire l'idéologie avec la froide violence des actes. Ce partit pris et le refus de toute psychologie évite largement toute empathie avec les membres de la bande, Cremer en tête qui joue un Bonnot renfermé, déterminé et impitoyable. Il faut les voir décharger d'un coup leurs armes sur les clients de la banque, tirer sur la foule comme à la foire. Les images sont assez fortes pour se passer de toute autre condamnation. Seul Raymond la science échappe à cette mise à distance. Il bénéficie de la sympathie naturelle de Brel. Son discours, virulent et naïf aux ouvriers aux portes de l'usine, c'est presque Brel qui chante « Moi, les carreaux de l'usine, j'irais les casser ». Même s'il exerce la même violence que les autres et n'en éprouve aucun remord, c'est lui qui porte l'idéal anarchiste, s'opposant au personnage de Victor Kilbatchiche (Vitold), non violent et présenté de façon un peu ridicule, du moins peu efficace. Lors du procès final, le discours de Brel a des accents de celui de Chaplin dans M Verdoux lorsque l'on reproche ses crimes : "Des flics et des rentiers ataviques. Alors que vous, combien d’ouvriers, de travailleurs, sont venus salir de leur sang vos mains autocrates ?" Le film épouse la forme de la légende, des couvertures de la presse à sensation de l'époque, au sein d'une réalité comme estompée, rejetée à l'arrière plan pour laisser la bande aux prises avec ces policiers tout vêtus de noir comme chez Grimault et Prévert et les zouaves de carnaval, interchangeables, mécaniques.
 
Le DVD