15/06/2013
1955 en 10 (autres) films
Zoom Arrière vous propose un nouveau voyage dans le passé des sorties cinéma en France, cette fois en 1955. C'était le temps des samouraïs d'Akira Kurosawa, d'une étrange valise, de la trompette de Nino Rota et des escaliers de la butte qui sont durs aux miséreux. Mais 1955 c'étaient aussi les flèches indiennes dans le désert hostile d'un John Sturges encore plein de promesses, Totò napolitain au coeur d'or (et la Loren marchant sous la pluie) chez Vittorio De Sica, les fourmis géantes de Gordon Douglas, des moustaches de hussards pittoresques chez Alex Joffé, Glenn Ford filmé par Rudolph Maté, les pyramides d'Egypte et leurs mortels secrets vues par Howard Hawks, les quais de Marseille d'un cinéaste rare, Paul Carpita, des officiers 1900 aux uniformes rutilants rêvés par René Clair, un monstre amphibie et amoureux dans le classique en 3D de Jack Arnold, et un mariage contrarié façon Allan Dwan. Photographies DR, piquées un peu partout.
16:20 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : john sturges, gordon douglas, rené clair, vittorio de sica, alex joffé, rudolph maté, paul carpita, howard hawks | Facebook | Imprimer | |
28/10/2009
Mort d'un cinéaste
C'est sûr, ça n'a pas fait les gros titres. Pourtant, pour nous, la nouvelle de ce week end, ce fut la disparition d'un grand cinéaste, un marseillais, monsieur Paul Carpita. J'écris « nous » parce que je pense à l'équipe des Rencontres qui se sont achevées dimanche soir. Dans l'après-midi, Marc Mercier, le directeur des Instants Vidéo, présentait une programmation et il nous a annoncé la nouvelle avant de dédier son programme à Paul. J'écris « nous » parce que nous avions reçu Paul Carpita à Nice. Deux fois. Je n'ai jamais trop voulu inviter des « pointures » aux Rencontres. Ma timidité proverbiale, la difficulté à gérer des ego souvent excessifs et puis la modestie de la manifestation. Nous rêvions de Guéduiguian, de Moretti et puis nous avons décidé de passer Les sables mouvants en 2004. Et d'appeler Paul qui a aussitôt accepté. J'étais dans mes petits souliers, comme ont dit. Il est donc venu avec sa femme, un charmant vieux couple comme cela devrait toujours être. Ils nous ont mis à l'aise, ils ont été parfaits, nous étions ravis. Le public du cinéma Mercury aussi. Nous avons découvert un homme combatif, marqué à vie par la censure injuste de son premier long métrage, une censure politique qui a quasiment brisé son élan artistique. Un acte de violence qu'il a porté toute sa vie comme une blessure. Mais il s'est battu, il a fait des courts métrages puis a réussi, enfin, à monter à nouveau deux longs. Sur la scène du Mercury, il nous a donné une leçon de ténacité, de courage nourri de l'amour du cinéma.
Du coup, nous avons monté une rétrospective avec son légendaire Le rendez-vous des quais (1955), Marche et rêve, son dernier de 2005 et ses courts métrages. Superbes ses courts métrages, surtout Marseille sans soleil (1960) et Des lapins dans la tête (1964) dans lequel l'instituteur qu'il resta toute sa vie filmait ses élèves en un beau noir et blanc et l'esprit de Prévert et Vigo.
Voilà, dimanche matin, je parlais de Paul avec un ami venu de Marseille. Il me disait que Paul n'arrivait pas à monter son nouveau projet Le dessin, en collaboration avec Claude Martino. Les assurances ne voulaient pas prendre le risque. Pauvres crétins.
Paul Carpita, avec Le rendez-vous des quais, ce film sur les dockers du port de Marseille en grève contre l'envoi d'armes en Indochine, sa production indépendante, son enthousiasme militant, son attention aux petites gens, son sens d'un cinéma en liberté, c'est bien le maillon entre le néo-réalisme à l'italienne et la Nouvelle Vague. C'est plus aussi. C'est en un seul film le continuateur du cinéma du Front Populaire, Renoir et Duvivier, et le précurseur de Robert Guédiguian. C'est aussi, même si ça ne lui plaisait pas plus qu'à Guédiguian qu'on en parle, le continuateur de Pagnol. Certes pas politiquement, mais dans l'ancrage du cinéma dans un terroir, dans un territoire et une langue (ou plutôt une façon de parler, un accent, des tournures). Et puis aussi dans une sensibilité dans la description des sentiments, une pudeur. Et cette attention au gens, aux acteurs, aux enfants.
Je suis très heureux, très fier, de l'avoir rencontré et ce soir, je salue sa famille avec le grand cinéaste que nous avons perdu.
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