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06/07/2008

Cara Giovanna Ralli,

Vous permettez que je vous appelle Giovanna, Giovanna ? Vous allez sans doute, et d'autres avec vous, trouver que mon modeste hommage tombe comme un cheveux sur le minestrone. Vous n'aurez pas tort et les autres non plus. Mais si je me décide aujourd'hui à laisser éclater mon admiration pour l'actrice et la femme, c'est que vous êtes bien vivantes l'une comme l'autre. Au dernières nouvelles vous vivez une heureuse retraite, le sang bat joyeusement vos artères et vos yeux pétillent. Vous êtes vivante. Bonheur. Félicità.
 
Il faut vous dire que ce modeste blog n'a pas pour vocation de devenir une litanie de nécrologies. Un funérarium comme dirait l'ami Mariaque. Hélas, trois fois hélas et une pour la route, ces dernières semaines ont été chargées en décès que mon coeur de cinéphile ne pouvaient ignorer. Et cela me posait à chaque fois un cas de conscience. Devais-je interrompre des ensembles mûrement réfléchis sur mai 68 ou Cannes 08 pour rappeler à mes lecteurs effondrés que John Philip Law, Mel Ferrer, Jean Delannoy, Cyd Charisse et ses divines jambes, Dino Risi que vous avez peut être connu, Stan Winston ou Henri Labussière avaient passé l'arme à gauche ? Devais-je ainsi rappeler sans ménagement que le cinéma n'était définitivement plus Scaramouche, Diabolik, Singing in the rain ou Il sorpasso ? Mélancolie.

Alors, au diable ! Je veux déposer mon hommage à vos pieds avant d'avoir à mettre deux dates derrière votre patronyme. Giovanna, vous incarnez à merveille trente années de cinéma italien, illuminant de votre brune beauté et de votre pétulant talent les plus belles années de cette cinématographie qui fut l'une des premières au monde. Votre filmographie allie les noms des grands auteurs respectés avec les fleuronts du cinéma populaire et une pointe d'expérience internationale. Et de me faire plaisir à ce défilé sous les feux du music-hall : Fellini, Lattuada, Castellari, Rosellini, Corbucci, Scola, Monicelli, Fulci, Zampa, Martino...

Vous êtes une enfant de la balle selon la jolie expression, et dans tous les sens du terme puisque vous débutez à 7 ans dans La maestrina de Giogio Bianchi. Fillette puis jeune fille puis jeune femme, c'est en France, honneur à nous, que vous trouvez l'un de vos premiers rôles en vedette devant la caméra d'Alex Joffé et aux côtés de Bourvil dans Les hussards en 1955. Vous croisez votre tempérament chaleureux à ceux de Totò, Charles Aznavour, James Coburn, Vittorio de Sica, Georges Peppard ou encore Lino Ventura.

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Mais pour moi, vous restez à jamais la Columba de Sergio Corbucci dans Il mercenario (Le mercenaire– 1968). quand vous m'êtes apparue, sortant de la prison que viennent de libérer l'apprenti révolutionnaire Tony Musante et le mercenaire Franco Nero, vos pieds sont nus mais votre visage délicatement maquillé. Votre pas est assuré au milieu de tous ces péones qui cavalent comme autant de poulets apeurés. Votre conviction est pure et de votre oeil implacable, vous avez jugé à leur juste mesure vos libérateurs : deux escrocs. Vous, vous incarnez la révolution. Louise Michel mexicaine, liberté guidant le peuple, votre père a été exécuté par les fédérales ce qui vous donne du poids. Vous vous joignez à la bande de truands pouilleux possédant l'indispensable mitragliatrice et le non moins indispensable expert européen aux yeux bleus et vous entreprenez d'être la conscience politique de Paco Roman – Musante pour en faire un véritable Zapata. Vous êtes formidable, quand vous vous déguisez en saint crucifié avec barbe pour mieux mystifier et mitrailler l'armée mexicaine lors d'une parade religieuse. Vous êtes délicieuse quand vous embarquez le pollack dans votre chambre pour rendre jaloux votre apprenti guérillero puis regardez d'un oeil tout juste inquiet leur virile empoignade. « Pourvu qu'ils ne s'amochent pas trop » devez vous penser alors. Vous êtes excitante en mariée de la révolution, empêtrée dans le sabre de votre époux tout neuf, décidément de trop dans le lit conjugal. Vous forcez l'admiration par le courage déployé pour sauver ces deux idiots tombés aux mains de l'abominable capitaliste – colonel de service joué avec la puissance de l'habitude par Eduardo Fajardo. Bref, à l'instar de Lucianna Paluzzi ou de Martine Beswick, vous êtes une femme comme on fait peu d'hommes. Au coeur de ces aventures débraillées et sanglantes, vous restez comme un ilôt de douceur et de sagesse, impeccable et féminine au milieu de la poussière, de la crasse et de la poudre. Cela ne vous empêche pas de manier la dynamite et de presser les gâchettes, mais vous le faites avec tant de grâce qu'on ne peut s'empêcher de vous donner raison. Cara Giovanna, que ne suis-je un poète de race pour dire à votre louange un immortel blason.

Photographie : Spaghetti western database

Avec l'aide de G. B.