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17/01/2006

Sacré western !

Sacré western, en effet, que l'on dit régulièrement mort depuis trente ans et qui n'en finit pas de renaître de ses cendres comme l'oiseau bien connu. Selon ses goûts ou son tempérament, on fera du fossoyeur John Sturges, Sergio Léone, Sam Peckinpah ou Michael Cimino. C'est ce dernier qui a ma préférence. La Porte du Paradis en 1980, ou plutôt son échec, c'est aussi celui d'une conception du cinéma qui croit cet art capable d'offrir de grandes oeuvres épiques, adultes, qui soient aussi réflexion sur l'Histoire d'une nation. Les années 80, c'est le triomphe d'un cinéma plus adolescent, d'un art ramené de plus en plus à un divertissement avec le règne des effets spéciaux et un souci de ne pas se soucier de l'Histoire. A ces jeux là, le western qui est une chose très sérieuse, ne pouvait que s'effacer. Pourtant, quelque chose s'accroche. Les formes du western sont recyclées, notamment dans le fantastique et la science fiction (Georges Lucas a pris tout ce qu'il a pu de La Prisonnière du Désert de Ford) et puis régulièrement un nostalgique s'y colle en perpétuant la tradition comme Clint Eastwood( Pale Rider en 1985, Impitoyable en 1992 déjà) ou Kevin Costner (Danse avec les Loups en 1990, Open Range 2003). D'autres enfin cherchent à allier citation et classicisme comme Sam Raimi sur le mode parodique dans The Quick and the Dead en 1995 ou Quentin Tarantino et son hommage tout à fait respectueux au western italien dans Kill Bill. Pour quelqu'un comme moi qui met les westerns de Ford et Hawks au dessus de tout (et j'ai bien écrit « de tout »), c'est toujours une bonne nouvelle. Même si cela me conduit à voir dans les films qui s'inscrivent dans cet héritage quelque chose qui est peut être différent de ce qu'ils sont vraiment. Ainsi :

Dans La Dernière Balle Tue (The Fastest Gun Alive - 1956) de Russel Rouse, Glenn Ford y incarne le paisible épicier d'un village tranquille de l'ouest qui est aussi un redoutable pistoléro. Défié par un tueur, il prend la défense de sa communauté qui fait bloc derrière lui. Dans La Rivière Sans Retour (River of no Return – 1953) d'Otto Preminger, Robert Mitchum est un homme qui sort de prison et récupère son fils pour mener une vie tranquille de fermier. Pour retrouver l'homme qui l'a dépouillé, il entreprend un voyage risqué sur la rivière en question et en compagnie de Marilyn Monroe dans l'un des rôles qui en ont fait une légende. Au cours du voyage, il fera preuve d'une brutalité remarquable, violentant Marilyn, et descendant de l'indien. A la fin du film (arrêtez votre lecture si vous ne l'avez pas vu), il est sauvé par son fils qui abat le méchant dans le dos.

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Si ces deux histoires vous semblent familières, c'est que vous avez sans doute vu An History Of Violence, le film de David Cronenberg. Inutile de vous dire que la thèse sur le visage caché de l'Amérique n'est pas ce qui m'a le plus marqué. Avez vous noté combien le premier plan, ce long plan séquence qui distille de l'angoisse dès ses premières secondes, s'achève de façon similaire à la découverte de Henry Fonda dans Il Etait une Fois Dans L'Ouest de Sergio Léone, lors du massacre de la famille et que le petit garçon se retrouve face aux tueurs ? Il y a le même mouvement latéral et le plan coupe de la même façon. Cronenberg a fait son western, avec cette même dialectique sur la violence toujours très présente dans ce genre de films. On retrouve tout au long de son film les éléments clefs du genre (le saloon, les frères ennemis, les fusillades, la famille, la petite ville, l'esprit communautaire) et Viggo Mortensen est un lointain cousin du Glyn McLyntock joué par James Stewart dans Les Affameurs (Bend Of the River – 1952) d'Anthony Mann. Simplement Cronenberg peut aller un peu plus loin en matière d'horreur graphique et de sexe (rien d'étonnant de la part du réalisateur de Rage). Est-ce que cela fait un bon film ? Certainement dans la mesure ou le style suit, le réalisateur canadien ayant parfaitement assimilé et traduit les codes du genre dans le contexte actuel. Cela lui permet de constater que rien n'a changé dans une Amérique qui vit toujours selon le mythe du « cinéma américain par excellence ». A chacun d'en tirer une morale s'il le souhaite. La scène finale est très proche de celle de La Prisonnière du Désert (The Searchers – 1956) de John Ford (et du coup du finale de La Guerre des Mondes de Spielberg). Recomposition de la famille et acceptation de la part sombre et violente de ceux qui la composent. Seule différence, Ford, encore un peu optimiste, montrait Ethan Edwards se retirer seul dans le désert, image bouleversante d'un Ouest qui passait la main à une société plus civilisée. Là, ce n'est plus ça. La fin du film de Cronenberg, c'est Ethan qui entre et s'assoit à la table familiale.


L'autre joli western, c'est bien sûr le film de Tommy Lee Jones, Trois Enterrements (The Three Burials of Melquiades Estrada – 2005). Là, les références sont à la fois plus directes et plus formelles. Tommy Lee Jones lorgne du côté du grand Sam Peckinpah et ses voyages au Mexique. Le film est clairement en deux parties, recherchant dans sa construction à trouver avec le village de Melquiades Estrada la terre perdue du western. La première heure est faite de retours en arrière et en avant, du film policier un peu à la Tarantino, dégageant d'une histoire très classique et pas forcément excitante, deux personnages destinés à faire ce voyage. Lorsque ces deux là sont ensembles (Jones et Barry Pepper), la narration devient linéaire et le film prend le rythme des chevaux pour une sorte de plongée dans le temps et dans le genre. Jones s'est mis en scène en vieux cow-boy comme son personnage, Pete, met en scène celui de Pepper. Pas important alors que le village soit presque une chimère. En quelques paroles évocatrices, Jones donne vie au décor comme Gene Kelly dans le studio de Chantons Sous la Pluie. Oui, le western est encore là, il affleure la terre du Mexique, ses pierres et ses arbres. Enterrer Melquiades Estrada à cet endroit, c'est le ramener aux sources d'un genre. Là ou les fantômes de la Horde Sauvage et d'Alfredo Garcia n'attendent qu'une occasion pour surgir à nouveau.