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04/06/2014

Borzage en quatre films (4)

L'isolé (Lucky star)

Lucky star sera le dernier film de Frank Borzage avec son duo vedette. S'il nous offre une nouvelle variation sur les mêmes thèmes, le réalisateur choisit cette fois un contexte tout à fait différent. Après les villes d'Europe fantasmées, Lucky star se déroule dans l'Amérique rurale profonde, l'Americana traditionnelle issue en droite ligne des pionniers. Visuellement, Borzage et son équipe déploient de nouveau toutes les ressources d'un travail en studio exceptionnel avec d’impressionnants décors en trompe l’œil de Harry Oliver noyés de brumes ou de neige, d'où le ciel est quasi absent. La scène d'ouverture qui voit l'éveil de la ferme à l'aube est d'une beauté qui n'a d'équivalent que chez Murnau. Paradoxe, il naît au sein de ces artifices un réalisme pointilleux à travers le soin apporté aux costumes, aux objets et aux moyens mis en œuvre pour recréer la nature (La neige dans la dernière partie). J'imagine que Borzage, en terrain de connaissance, était délivré de « l’exotisme » européen. Charles Farrell est Timothy Osborn travaille sur les lignes électriques. Nous sommes en 1917, il part à la guerre avec ses collègues et son chef, le vaniteux Martin. Janet Gaynor incarne Mary Tucker, fille d'une pauvre paysanne dont le mari est décédé. Mary possède la vitalité espiègle de la gamine des rues de Modern times (Les temps modernes – 1936) de Charlie Chaplin. Timothy revient de guerre paralysé des jambes et se retrouve isolé dans un fauteuil roulant. Il va nouer avec Mary une relation d’abord quasi paternelle ou comme un grand frère, ce qui nous vaut quelques scènes de comédie où il décrasse sa sauvageonne d'amie. Ce faisant, il a la révélation de la jolie femme qu'elle est devenue tout en la révélant à elle-même. Plusieurs de ces scènes dégagent une sensualité directe et enthousiasmante, comme celle où Timothy envoie la jeune fille se laver sous une cascade et détourne pudiquement les yeux devant la femme. Borzage a une approche franche de la sexualité, s'avançant sur un terrain délicat puisqu'il évoque les implications du handicap et celles du mariage forcé.

frank borzage

Car bien entendu, la mère de Mary n'entend pas laisser sa fille convoler avec un paralytique et lui préfère Martin. Le couple va devoir se battre contre la pression sociale, le désir de respectabilité de la mère qui veut pour sa fille un « beau mariage » et les manigances de Martin. Si ce dernier est dépeint comme un salaud intégral dans la tradition du mélodrame, Borzage sait nuancer la dureté de la mère en montrant sa sincérité. Meurtrie par la vie, la mère veut éviter le même sort à sa fille. Mais elle ne peut comprendre la force de ses sentiments pour Timothy. Borzage évite là tout manichéisme. La structure du scénario de Sonya Levien à partir de "Three Episodes in the Life of Timothy Osborn" de Tristram Tupper se coule sur celle des films précédents, et le miracle final prend cette fois la forme de la course éperdue de Timothy dans la campagne balayée par une tempête de neige, réussissant à se tenir sur des béquilles, puis les envoyant valser en retrouvant in-extremis celle qu'il aime. La caméra de Borzage se fait aérienne, traversant les immenses décors du studio, lyrique dans un crescendo d'émotion, aussi puissante d'expressivité que pour Seven Heaven.

frank borzage

Photographies © Fox

17:27 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : frank borzage |  Facebook |  Imprimer | |

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