« Une semaine avec Jesùs Franco | Page d'accueil | L'égérie »
08/01/2013
Le sourire de la Vénus en fourrure
Venus in furs est l'une des œuvres les plus prisées des admirateurs de Franco. Réalisé en 1969 et très vaguement adapté du texte de Sacher-Masoch, le film fait partie d'une période confortable où le réalisateur travaille sous la houlette du producteur Harry Alan Towers. D'où une production assez soignée (malgré les terribles stock-shots du carnaval de Rio) et une jolie distribution internationale et originale qui regroupe le jeune premier américain James Darren (vedette télévisée de Au cœur du temps), Margaret Lee, vedette du cinéma de genre italien, Klaus Kinski dont Franco filme magnifiquement les yeux bleus, la belle chanteuse noire Barbara McNair qui venait de poser pour le magazine Playboy, l'acteur anglais classique Dennis Price et une habituée du cinéaste, Maria Rohm.
Ce qui frappe dans ce film envoûtant, ce sont ses qualités plastiques et sa construction aussi tortueuse que maîtrisée. La photographie de l'italien Angelo Lotti est une pure splendeur psychédélique aux couleurs chaudes. Venus in furs est un film poème musical construit comme un air de jazz, suite de variations et de digressions à partir d'un thème standard. Alternance de moments forts, d'autres plus relâchés, plages de fascination pure, brusques déchirures, solo, violence soudaine, atmosphères paisibles, trompeuses, dérives étranges, languides ou festives. Rio ! Les personnages flottent au cœur de ce dispositif, entre terre et mer, la mer sur laquelle s'ouvre le film, entre deux continents, entre deux lits. Ils dérivent, tentent de reprendre pied, se perdent.
Venus in furs est une histoire de vengeance d'outre tombe, une histoire de fantôme. Sourire de la Vénus en fourrure, goût de l'interdit, du sadomasochisme et du couple mixte (nous sommes en 1969). Sur la plage, un musicien, trompettiste de jazz, découvre le cadavre échoué d'une ravissante femme. Il laisse la bride à ses fantasmes, ceux de cette femme qu'il a croisée et de cette séance perverse dont il a été le témoin. Qui a mal tourné. Jimmy Logan rêve de Wanda, de sa vengeance envers ses tourmenteurs. Mais jusqu'au bout, nous ignorerons quelle aura été sa véritable place, témoin passif, victime ou pur créateur. L'amour de Rita, qui tente de l'ancrer dans la réalité, ne l'empêchera pas de se perdre dans les rivages du rêve. Le récit écrit par Franco, Milo G. Cuccia, Carlo Fadda, Bruno Leder et Malvin Wald aurait été inspiré par une conversation entre Franco et Chet Baker auquel James Darren ressemble physiquement, allure de jeune séducteur. Film libre et pourtant très tenu, bouclé impeccablement sur lui même, Venus in furs est un concentré de l'univers de Franco, irrigué de la musique de Manfred Mann, fascinante expression du fantasme créateur sans les excès des décennies suivantes. Film poème dont je ne vois d'équivalent que dans le très beau La rose de fer (1973) de Jean Rollin.
Photographies source Psychovision et DR
07:33 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : jesus franco | Facebook | Imprimer | |
Commentaires
J'ai revu ce film et je l'ai trouvé encore plus fascinant qu'à la première vision. C'est une œuvre purement mentale où Franco brise la linéarité du récit pour nous proposer des visions fantasmatiques qui finissent par former une boucle étonnante. "Lost Highway" n'est pas loin.
Écrit par : dr orlof | 08/01/2013
Ah celui ci je l'adore !
Et bon, euh, Klaus en prince des 1001 tortures... comment dire ?
Hein ! on s'comprend quoi :)
Écrit par : FredMJG | 08/01/2013
Doc, oui c'est vraiment une construction très originale qu'il maîtrise très bien. Le film garde de larges zones d'ombre sans jamais nous faire décrocher tant nous sommes fascinés. J'avais effectivement éprouvé ça chez Lynch dont "Lost Highway" est le film que je préfère. J'ai juste regretté cette histoire de Rio qui n'apporte rien à l'histoire en soi et dont les images jurent un peu avec le reste. Peut être que le producteur les avait en stock.
Fred, oui on se comprend. Il est magnifique, le Klaus là-dedans, il ne parle presque pas et puis le bleu de ses yeux ressort d'une façon magique, encore mieux que chez Corbucci ! C'est pour cela que j'ai choisi cette illustration.
Écrit par : Vincent | 09/01/2013
Phrase d'un passionné du grand cinéaste espagnol : "Je donnerais toute l'oeuvre d'Orson Welles contre le seul Venus in furs de Jess Franco" !!!
Authentique !
Si je vous révélais qui a dit ça, vous ne me croiriez pas !?-D
Euh, je ne vous le dirais donc pas !-D
Écrit par : c'est pas moi - c'est lui !-D | 09/01/2013
J'ai déjà remarqué que Franco inspirait des propos hyperboliques :) Ce ne serais pas vous par hasard ? Ou alors celui qui a écrit "La narration piétinée par la sensation pure" ? L'un n’exclut pas l'autre.
Écrit par : Vincent | 09/01/2013
Écrire un commentaire