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03/10/2009

Furie

Je suis assez effaré des réactions autour de l'arrestation de Roman Polanski. Je ne suis pas très grand fan de son cinéma, mais ça n'a rien à voir. Je suis plutôt heureux des réactions des cinéastes, des organisateurs de festival et de notre ministre de la culture, pour une fois. Certes, certains arguments sont irrecevables et donc maladroits. Le talent et la notoriété n'ont pas à entrer en ligne de compte dans une affaire de justice. Mais bon sang que de torrents de boue, de la boue la plus nauséabonde, se déversent chaque jour. Besson (au hasard), ne se rend-t-il pas compte que, quand il nous dit au détour de ses contorsions que « j'ai une fille, elle a 13 ans, et que si elle se faisait violer, ce ne serait pas tout à fait la même chose », il nous ressert les vieux arguments moisis des partisans de la peine de mort ? Moi aussi, si on violait ma fille je ne sais pas ce que je ferais. Mais nous ne sommes pas en train de parler de vengeance mais de justice. Pas de l'action d'individus,  êtres de pulsions et de passions, mais des règles que se donne une société pour ne pas ressembler à un groupe de sauvages. Évidemment, c'est plus facile de faire parler ses tripes.

Les belles âmes ! On sent à longueur de commentaires haineux l'envie de punir, l'envie de faire mal, de briser une vie, d'autres vies, pour le principe, le goût du sang. Les complexités de l'affaire, l'attitude douteuse du juge, le pardon de la victime, la réparation matérielle de l'accusé et plus de trente années n'y font rien. On tient un « vicieux pervers », un « violeur d'enfant », il doit payer et si l'on pouvait, on le pendrait bien à un coin de rue. Parce que l'on sent bien que rien ne sera jamais assez. En plus c'est un artiste (tous pourris), et en plus il a du succès et de l'argent (pas moi). Voilà qui n'arrange pas son cas. C'est un puissant ce Polanski ! Ah, ce n'est pas un de ces financiers qui ont provoqué la crise, ni un de ces hommes d'organismes internationaux qui jouent avec les états ou déclarent les guerres, ou maintiennent leur peuple dans la misère, non, c'est un puissant !

Fury.jpg

On joue sur les ressorts les plus abjects. On nous sort les violons. On se drape dans les grandes phrases « La justice doit être la même pour tous » nous déclament ceux qui, certainement, se contrefichent des filles de 13 ans mortes sous les bombes en Irak, en Afghanistan, à Gaza ; de celles qui tombent sous les balles ou sont violées à Conakry, en ce moment ; qui trouvent normal les enfants dans les centres de rétention, les enfants que l'on veut dépister à la maternelle, les enfants dont on arrête les parents sous leurs yeux, devant leur école, les enfants que l'on veut enfermer dès... 13 ans. Les notions de pardon, de rédemption, d'apaisement, de l'évolution d'un homme, ce n'est pas pour Polanski et son crime abominable et imprescriptible pensent ceux qui excusent les dégâts collatéraux, les frappes chirurgicales et les bavures et qui ne comprenaient pas pourquoi on en voulait encore à un Maurice Papon, pauvre vieux, pour des choses qui remontaient à tant de temps.

Toute cette haine que fait ressortir l'affaire Polanski me semble révélatrice de la sale ambiance de notre sale époque. Nous baignons dans la peur et l'angoisse, dans la surveillance généralisée de tous par presque tous, dans la méfiance et la rancoeur rance. Nous avons tourné le dos à l'idéal humaniste au nom des victimes que l'on nous agite tous les jours sous le nez et qui empêchent toute réflexion et qui nourrissent la censure. Et tous les jours, les hommes qui ont assis leur pouvoir sur cette peur nous en sortent une nouvelle, écrasant le Droit au nom des droits à grand coup de « Mais enfin, vous ne voudriez pas... ». Justement si, moi, j'aimerais bien. Il n'y a pas si longtemps, Nabokov écrivait et Kubrick filmait Lolita, Cayatte racontait Les risques du métier avec Brel et Scorcese faisait tourner Jodie Foster à 14 ans dans Taxi driver. Si, si. C'était il n'y a pas si longtemps, mais quand on écoute ces réactions autour de Polanski, je me dis qu'il y a de quoi se la prendre et se la mordre et que c'est infiniment loin. J'aimerais bien un peu de sang froid et que l'on arrête de nous prendre pour des gosses en agitant des croquemitaines pour nous faire peur. Nous faire peur pour nous faire obéir.

Photographie : Fury (1936) de Fritz Lang (source Shake your fist)

Commentaires

Il me semble que si l'on n'avait pas assisté à cette douteuse et déplacée vague de soutien initiale, nous n'aurions pas en retour de baton ce sentiment de haine que tu décris justement. Le seul truc vraiment déplaisant au fond, c'est de parler en "pour" ou en "contre" d'une affaire dont nous ne connaissons rien et qui ne nous regarde pas.

Écrit par : tepepa | 03/10/2009

Pour avoir suivi surtout la première journée (J'ai quand même autre chose à faire :)), je trouve que les "contre", c'est arrivé de suite. Je suis d'accord que l'enchainement qui a suivi n'a fait qu'exacerber les passions. mais pour moi, ça ne change rien à ce que ressens derrière tout cela et qui dépasse largement l'affaire en elle-même (là aussi je suis d'accord avec toi, il n'y a pas à prendre partit). Ça me rappelle l'affaire Cantat-Trintignant et pareillement, ça tourne au cirque.
Le seul point qui me touche vraiment, parce que j'en organise un, c'est l'utilisation du festival pour piéger le réalisateur. Ce n'est pas qu'un festival soit une zone de non droit, mais ça manque vraiment d'élégance.

Écrit par : Vincent | 03/10/2009

Je suis plutôt d'accord avec Tepepa.

Cette défense de caste, franchement, je la trouve abjecte. Et au même titre que la pulsion de lynchage des bien-pensants que vous stigmatisez avec raison Vincent, (ces bien -pensants qui se sont enchantés d'ailleurs du "Pianiste" sans trop de gêne), cela n'a rien à voir avec la justice.

Écrit par : Ludovic | 03/10/2009

Salut Vincent. Beau texte, très sujectif, très fondé. Je l'ai relayé tel quel ("un peu d'air frais"). Merci.

Écrit par : tatum | 03/10/2009

Pas de pitié pour les salopes comme Polanski ! La castration au dénoyauteur d’olives ! (ou chimique dans le meilleur des cas parce qu’on n’est quand même pas des barbares !)

Écrit par : Flingobis | 03/10/2009

Ludovic, je suis passé voir la pétition de BHL, je ne dirais pas abject, mais ça ne me plait pas beaucoup non plus. Je reste quand même très sensible à l'argument festival. Sur la forme, il y a volonté de spectaculaire et d'humiliation et ce n'est pas la justice non plus.
Charles, c'est trop d'honneur !
Cher Ol' Timer, je savais pouvoir compter sur des paroles de consolation et d'apaisement au sein de tout ce bruit et cette fureur. Le dénoyauteur d’olives me semble pourtant mal adapté alors qu'il y a tant d'instruments plus sympathiques.

Écrit par : Vincent | 03/10/2009

Lesquels ???

Écrit par : Flingobis | 03/10/2009

Décapsuleur, casse-noix, coupe-ongle, pince multiprise, tire-bouchon, aspi-venin, tenaille, pince à timbre ou à épiler, sécateur, je ne sais pas moi, tous ces trucs qu'on voit dans les films de Mario Bava ou de Lucio Fulci.

Écrit par : Vincent | 03/10/2009

Bah c'est de la gnognotte tout ton outillage petit, encore trop doux pour cet enculé de merde ! Ma grand-mère lui aurait arraché les burnes d'un coup de dent !

Écrit par : Flingobis | 04/10/2009

Roman a violé la grand-mère de Flingobis ? je n'y comprends goutte...
Si on parlait de cinéma ?
Et si nous évitions d'user de gros mots comme "Besson" ?
Merci.
PS. ça a l'air drôlement intéressant le "double (kill) bill", je vais suivre ça de très très près :)

Écrit par : Frederique/FredMJG | 06/10/2009

En fait la grand mère de Flingobis, c'est Walter Brennan. Mais comme il a perdu son dentier au jeu contre un indien, il en est resté une certaine amertume.
Blague à part, c'est quand même un sacré cinéma tout ça, non ? En fait, le film existe déjà, c'est ce documentaire, "Wanted and desired" que je n'ai pas vu mais qui m'attire aujourd'hui.
Mais bon, vous avez raison, occupons nous du double programme. Je termine de mettre la main à quelque chose. Et puis il y a autre chose dont je vous parle très bientôt.

Écrit par : Vincent | 07/10/2009

Hello
En fait je n'ai rien contre le cinéma du moment que tous les acteurs sont consentants... :)
Rien à voir donc avec ces filles qui ont attaqué Brisseau lorsqu'à l'insu de leur plein gré de grandes filles majeures il leur a fait passé des tests olé olé...
Je ne me souviens pas avoir entendu la Culture s'élever ? si ?
Non
J'attends le dépôt de main et la mise en bouche
:D

Écrit par : Frederique/FredMJG | 07/10/2009

Ah oui, le consentement, c'est quand même fondamental :)
Pour Brisseau, j'étais et je reste très prudent. C'est toujours délicat les types qui ont un ascendant. Moi qui suis petit, faible et réservé, je comprends ce que ça veut dire. Ceci étant, il y eu en son temps une pétition de soutien à Brisseau (avec Rohmer entre autres) et puis une contre pétition et puis c'est vrai que le ministre de l'époque n'a rien dit. Je ne me souviens même plus de qui c'était, il n'avait certainement pas l'expérience de FM et si ça se trouve, il ne savait même pas qui était Brisseau.
Côté cinéma, c'est pas en train de s'arranger... Heureusement qu'il y a les ouesternes pour changer d'air.

Écrit par : Vincent | 07/10/2009

trente après et même si il s'avérait que polanski est abusé ou non de "l'innocente "jeune fille, cette affaire est du LYNCHAGE PUR ET DUR et maintenant hors contexte la nouvelle cible est justement notre ministre de la culture que quelqu'un dans l'ombre a décider de détruire socialement et de salir sa réputation.
DEPUIS de nombreuses années les moeurs ( qui ne regardent que lui car il s'agit de sa vie privée) sont connues...

Écrit par : frey | 10/10/2009

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