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01/06/2008

Hommages

On a beaucoup parlé de la disparition du premier et à peu près pas du tout de celle du second. Ainsi va la gloire du monde et toutes ces sortes de choses comme je dis souvent. Le premier, il faut le dire, plaisait en France. Archétype du metteur en scène « adulte », symbole d'un cinéma américain ambitieux des années 60 et 70, romanesque et politique, ayant résisté vaille que vaille aux effets spéciaux et à l'esprit adolescent qui fit des ravages à partir des années 80. Talentueux quand même. En France, il alla jusqu'à faire l'acteur dans une comédie bien calibrée. On lui en su gré. Le second était acteur. L'acteur d'un cinéma à l'opposé de celui du premier. Beau, magnifique, au registre aussi limité que celui d'un George Hilton, il fut une des icônes de ce cinéma des années 60 et 70 qui inspirera celui d'aujourd'hui, un cinéma de genre, populaire et commercial, coloré et vif, musical et violent, léger et fulgurant.

Sur Sydney Pollack, on tartine aujourd'hui sur Tootsie, comédie moyennement drôle qui prouve définitivement que Dustin Hoffman n'était pas à l'époque un acteur comique, et sur Out of Africa, interminable mélodrame qui m'avait déçu terriblement à sa sortie et que je donne volontiers pour les deux premières minutes du Hatari ! de Howard Hawks. Mais je serais injuste de le réduire à ses machines à oscars. Pollack a réalisé quelques films magnifiques comme This property is condemned (Propriété interdite – 1966), le western Scalphunter (Les chasseurs de scalps – 1968) et surtout Jeremiah Johnson en 1972, un des plus beaux westerns jamais fait, poème quasi muet au coeur d'une nature grandiose, raconté comme une ballade folk avec un Robert Redford magique. Le genre de film qui vous donne l'envie d'aller crapahuter dans les montagnes en hiver pour goûter le silence des cîmes et le vent dans les sapins. Il y a d'autres films, à chacun les siens. Je dois être une des seules personnes à avoir aimé et Bobby Deerfield (1977) et The firm (1991). J'aimais bien son cinéma.

 

John Phillip Law a été l'ange Pygare qui emporte Barbarella dans les airs, Diabolik, vêtu de cuir blanc ou noir pour Mario Bava, le jeune cow-boy brûlant de vengeance aux côtés de Lee Van Cleef pour Sergio Sollima, Sinbad aux côtés de la belle Caroline Munro et des effets de Ray Harryhausen, Docteur Justice, le héros altermondialiste de Pif Gadget, Le baron rouge pour Roger Corman et Michel Strogoff. Il incarnait le héros que l'on rêve d'être à douze ans. Passé cette belle époque, il s'est enferré comme tant d'autres dans des films minables puis est devenu, ce qui n'est pas forcément un cadeau, un acteur culte, un acteur qui ne tourne plus ou presque, mais que l'on cite volontiers avec un ton nostalgique. J'aimais bien son regard.

 

30/05/2008

Joli mai : Hommage aux splendides quadragénaires

Il est temps de refermer ce beau livre d'images. Mai s'achève et j'espère que je ne vous ai pas trop barbé. Dès le premier jour de juin, Inisfree se faisant un point d'honneur à coller à l'actualité, je vous raconterais mon festival de Cannes 2008, mes vacances 1981 et nous reparlerons de western. Histoire de conclure, je n'ai pu résister à ce petit passage de Caro Diario (Journal Intime– 1994) dans lequel Nanni Moretti explique très clairement que l'on peut rester fidèle à ses idéaux de jeunesse en splendide quadragénaire. Aujourd'hui, on dira quinqua, mais l'esprit reste le même.

 

28/05/2008

Joli mai : Une femme libre

"Le seul film intéressant sur les événements, le seul vraiment fort que j'aie vu, c'est celui sur la rentrée des usines Wonder, tourné par des étudiants de l'IDHEC, parce que c'est un film terrifiant, qui fait mal. C'est le seul film qui soit un film vraiment révolutionnaire, peut-être parce que c'est un moment où la réalité se transfigure à un tel point qu'elle se met à condenser toute une situation politique en dix minute d'intensité dramatique folle." Jacques Rivette - 27 juillet 1968.

C'est un film d'une dizaine de minutes dont on peut faire le symbole de beaucoup de choses. De la fin du mois de mai, d'un certain cinéma, d'un retour à l'ordre et d'un début. C'est à la fois l'impasse du mouvement de mai et son prolongement. Impasse politique, prolongement social et culturel. Une « victoire » et une « défaite », si tant est que ces mots puissent avoir ici un sens littéral. Une lutte qui a été menée mais qui doit se poursuivre et qui se poursuit. Autrement mais résolument.

En mai, comme tous les étudiants, ceux de l'Institut Des Hautes Études Cinématographiques, ancêtre de la FEMIS, sont en grève. Ils occupent l'école et participent aux États Généraux du Cinéma Français qui décident la grève illimité, décision dont la lame de fond emportera le festival de Cannes. Sur le modèle de ce qui se passe aux Beaux-Arts avec l'Atelier Populaire, des projets de films autour du mouvement sont décidés.

Le 10 juin, une équipe composée de Pierre Bonneau à la caméra, Jacques Willemont qui signera le film au micro, Liane Estiez au Nagra et Maurice Portiche en assistant vient filmer les usines Wonder (les piles) de Saint Ouen où l'on vient de décider la reprise du travail après trois semaines d'occupation. Ils n'ont qu'une seule bobine. Ils tournent.

 

Cette jeune femme brune en blouse blanche attire de suite la caméra. Elle a une voix à la Arletty, quelque chose d'un archetype. Elle est belle aussi. Les étudiants en cinéma ont sans doute instinctivement compris qu'il se passait quelque chose d'important. Cette femme fait à la fois passer la rage de devoir cesser le combat mais dans le même temps, elle s'affirme en tant que femme et individu. Face aux paroles raisonnables, lénifiantes, douces, cégétistes et consolantes, elle parle haut et fort. C'est peut être un nouvel effet de mon incurable fond optimiste mais j'y vois, au delà de l'indéniable douleur du moment, la promesse des évolutions à venir.

Ce que l'on veut savoir, c'est si finalement elle est rentrée ou pas. Ces images sont devenues emblématiques, distribuées avec le film Camarades de Marin Karmitz, puis intégrées dans quelques fresques importantes sur la période comme le Génération de Daniel Edinger, Hervé Hamon et Patrick Rotman en 1988. Tout aussi fasciné, Hervé le Roux en fera un film en 1996 : Reprise.

« Cette femme, reprise du travail, comme on dit "repris de justice", et ces usines nommées Wonder... Wonder, Wonderland? Alice à l'usine, l'Usine en Pays des Merveilles. le Film a été tourné par des étudiants de l'IDHEC le 10 juin 1968, à Saint-Ouen. On y voit des ouvrières qui reprennent le travail après trois semaines de grève. Et cette femme. Qui reste là. Et qui crie. Elle dit qu'elle rentrera pas, qu'elle y foutra plus les pieds dans cette tôle... Les années ont passé. L'usine est fermé. Mais je n'arrive pas à oublier le visage de cette femme. J'ai décidé de la retrouver. Parce qu'elle n'a eu droit qu'à une prise. Et que je lui en dois une deuxième. »

Le site du film Reprise auquel je dois toutes ces informations

Un article de Dominique Memmi

Le DVD 

26/05/2008

Joli mai : En Bretagne

Parmi les nombreuses exhumations de documents qui auront jalonné ce mois de mai se trouvent quelques petites perles. Des films qui évoquent, loin des grand évènements parisiens, de leur violence et de leur caractère spectaculaire, le quotidien du mouvement. Voici par exemple un documentaire de Jack Maupu mis en ligne par la cinémathèque de Bretagne. Dépêchez vous, il n'est supposé rester en ligne que jusqu'à la fin du mois. Jack Maupu est un cinéaste amateur, membre du Club Nantais de 1962 à 1970 dont il fut président de 67 à 70. Il a tourné en 8mm avant de passer au 16mm. Ses films montrent mai 68 à Nantes puis à Paris et St Nazaire. Dans ses films, ses personnages ressemblent à mes parents bien plus que les étudiants du quartier latin. Jack Maupu est décédé en 2004.