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17/09/2005

Le territoire des morts

La critique française se sent visiblement à l'aise avec les morts vivants de Georges Romero. Elle y plaque un discours post 11 septembre, alimenté par la réplique : « We do not negotiate with terrorists! » du personnage de Kaufman, joué par Dennis Hooper. Je pense que nombre d'entre nous aiment cette image que l'Amérique nous envoie d'elle-même. A la vision du film, cela ne m'a pourtant pas paru si essentiel. Bien moins que dans La Guerre Des Mondes de Spielberg par exemple.

Cet aspect y est bien sûr, mais le coeur reste le discours social, une lecture politique moins nationale, plus large, dans la continuité des trois oeuvres précédentes : La Nuit des Morts Vivants, Zombie et Le Jour des Morts Vivants. Outre les peurs fondamentales liées à la mort et les valeurs attenantes (respect des morts, famille, enchaînement des générations) que véhiculent les morts vivants, Romero me semble s'être toujours attaché à décrire avec humour une certaine aliénation sociale engendrée par nos modes de vie occidentaux. Quel symbole plus fort que celui du centre commercial de Zombie ? Les morts y reviennent parce que c'est tout ce dont ils se souviennent de leur vie passée. Dans Le Jour des Morts Vivants, on assiste à la dégradation des relations sociales entre vivants (militaires et scientifiques ce qui n'aide pas) tandis que l'on essaye de recréer ces mêmes relations avec les morts. Ces tentatives vouées à l'échec se feront certes avec de la musique classique, mais surtout avec des objets aussi symboliques qu'un rasoir et un téléphone pour se terminer par un revolver.

Aujourd'hui, le quatrième film nous montre une nouvelle fois les morts vivants attirés irrésistiblement, non seulement par la chair fraîche, mais par un nouveau symbole de la "belle vie" occidentale : le bulding rutilant de Kaufman avec son conseil d'administration, ses riches désoeuvrés et son...centre commercial. Il n'est pas innocent, je suppose, que chacun des zombie se distingue par des vêtements qui traduisent son métier et trimballe jusque dans la mort ses outils de travail et les gestes qui vont avec (couperet du boucher, clef du mécanicien, pompe du garagiste, tondeuse du jardinier.). Aliénation par le travail mon cher Marx ! Tous ces morts qui marchent ne semblent chercher qu'à reproduire grotesquement une organisation sociale basée sur cette valeur. Là où Romero est subversif en diable, c'est que cette reproduction des comportements des vivants est totalement inutile : a quoi bon aller au centre commercial ? A quoi bon travailler ? Et les héros des films, tous, n'ont qu'une envie, se trouver un coin tranquille pour se laisser vivre. Le summum étant le final délicieux du Le Jour des Morts Vivants avec son héroïne enceinte sur une plage des Caraibes. Et que dire de la façon dont il traite l'argent, le sacro-saint dollar ! Ah, Romero, vous me faites plaisir.

Georges Romero fait partie de cette génération de cinéastes arrivés entre la fin des années soixante et le début des année soixante dix qui ont démarré dans leur coin avec des tout petits films d'horreur ayant largement contribué à révolutionner la représentation de la mort et de la violence au cinéma. Je pense à John Carpenter, Tobe Hooper, Wes Craven, Bob Clark. Leur cinéma se caractérise par une esthétique et des ressorts de série B combinée à cette vision sociale acide et un sens visuel très graphique. Leurs personnages se définissent avant tout par ce qu'ils font sans trop de psychologie. Les choix musicaux visent à l'efficacité. Le rythme est soutenu avec des montages serrés ce qui donne des films courts allant à l'essentiel. Avec les changements de Hollywood dans les années quatre vingt, il leur a fallu se soumettre où rester en marge. Carpenter est peut être celui qui s'en est le mieux tiré tandis que Craven et Clark rentraient dans le rang. Romero aura payé son intégrité de longs silences entre ses films. Aujourd'hui, il est ironique de voir ainsi saluer son retour. Mais il est plaisant de voir qu'il n'a rien renié de ses façons de faire. Land of the Dead est un film de genre de grande classe qui me fait penser aux derniers films de John Carpenter, Los Angeles 2013 et Gosts Of Mars en particulier. C'est fou ce que le camion blindé de Roméro ressemble au train de Carpenter. Juste un bemol pour terminer : Romero aurait pu se fouler un peu plus avec le personnage d'Asia Argento, elle restera la moins intéressante de ses héroïnes.

 

Le DVD 

Commentaires

Punaise je l'ai toujours pas vu Land of the dead...Il faut que je me bouge. J'ai vu Zombie il y a tres tres longtemps il faudrait que je le revois, avec un regard plus critique qu'à l'époque. j'ai bien aimé le remake dawn of the dead, je m'attendais à une débauche de gore un peu lassante et finalement je l'ai trouvé vraiment interessant...
tout comme ta note...trés intéressante.

Écrit par : marie | 18/09/2005

Esthètique grande classe, rythme fou, histoire bien linéaire, Land of the Dead est un pur chef d'oeuvre du père des zombies. Je trouve aussi qu'il y a beaucoup de Carpenter là-dedans, musique, plastique de la violence. Il est bon de se défouler sans mauvaise conscience, comme avec Ghost of Mars ! Ces deux films ont beaucoup en commun, et je crois que Carpenter apparaît (en tout cas son caricature zombie, lors de l'attaque de Cholo).
Votre remarque sur l'aspect plus social que politique est juste Vincent, jusqu'à un certain point. Ce film brille par son non conformisme, son humour noir et une grande sympathie. Le mythe du zombie s'y prête parfaitement. Là ou le Vampire (et c'est pour cela que le films de vampire sanglant marchent moins bien, sauf quand c'est Big John qui s'y colle, mais bon) est intime, hérité du XIX, le zombie est bien un mythe de notre époque : social, de masse, le ton de son discours est la dérision, largement hérité des années 50-60 et ce courant nouveau qui à traversé la jeunesse et ses formes d'expression (comix et musique en particulier), est bien, la contestation sociale.

Mais Land of the Dead n'en est pas resté ici, et c'est ici que la politique survient. Et faire le parallèle avec La Guerre des Mondes nous entraîne dans une dynamique de discours à n'en plus finir, qui pourrait se terminer par des épithètes extremistes et regrettables, comme : "film d'anarchiste, flamboyante liberté du cinéma de série Z", et "film de propagande, à la botte des néo-fascites, et de tous les Mr K. du monde". Mais tel n'est pas le propos.
Le monde infernal de Land of the Dead ploie sous le manque de politique, parce que ses dirigeants sont d'incroyable parvenus mal dégrossit : à voir l'irresistible "Je suis maudit" de Mr K. suivi d'un bon gros "Fuck" - peut-être est-il originaire du Texas ? Ses classes dirigeantes se sont coupées de la masse, pour mieux l'exploiter : "je leur ai donné du pain est des vices", dit plus loin Kaufmann, parce que aujourd'hui, les hommes ne sont plus que des données numéraires, dans un monde ou les monstres font preuve de plus de compassion que le dernier des humains.

Écrit par : js | 19/09/2005

Ce qui m'a frappé dans les divers entretiens donnés par Romero, c'est sa façon de presque toujours botter en touche sur les aspects purement politiques de ses films. A commencer par son choix récurrent de héros noirs et en particulier sur la politique d'actualité (le 11 septembre, l'Irak...). Pour moi, ça signifie qu'il a une vision plus large et que ses paraboles zombiesques sont plus critique d'un mode de vie qu'un commentaire politique.
Anarchiste, je ne sais pas. Manque de politique dans ces mondes livrés au chaos, je suis d'accord avec vous. Ses héros humains cherchent à reconstruire quelque chose de plus paisible mais ils ne donnent pas vraiment de piste "politique" et ils sont tiraillés entre individualisme pur, instinct de survie et une dose de conscience collective (c'est flagrant dans le dernier film). Ca me semble la grosse différence avec le Spielberg ou l'instinct balaie tout.

Écrit par : Vincent | 20/09/2005

C'est pas grand chose mais ca fait du bien: enfin je ne suis pas seul à trouver que Ghost of Mars a de la classe!

Dr Devo.

Écrit par : Dr Devo | 24/09/2005

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