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17/06/2010

Fast times at Ridgemont High

Qui n'a jamais vu Phoebe Cates, fantasmée par Judge Reinhold, sortir telle une nymphe en bikini rouge d'une piscine, au ralenti s'il vous plaît, l'oeil allumé de luxure, susurrer « Hi Brad, you know how cute I always thought you were », puis s'avancer, au ralenti toujours, sur Moving in Stereo de The Cars tout en dégrafant son haut par devant, n'a jamais rien vu au cinéma.

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Fast times at Ridgmont High est une oeuvre inédite en France à ma connaissance mais qui vaut le détour. Ne serait-ce que pour cette scène. C'est le premier long métrage d'Amy Heckerling qui fera plus tard Johnny Dangerously (1984) ou Look who's talking (Allô maman, ici bébé! - 1989) et sa suite. C'est aussi le premier scénario de Cameron Crowe, qui adapte son livre enquête sur un collège américain, avant Jerry Maguire (1996) et son bouquin d'entretiens sur Billy Wilder. Fast times at Ridgmont High suit une dizaine d'adolescents en dernière année de collège, sur une année scolaire. Il s'inscrit dans la grande tradition du film adolescent, entre Américan Graffiti (1973) de Georges Lucas, Animal house (Américan Collège - 1978) de John Landis et les films de John Hughes jusqu'à la série American pie. Sexe, rock and roll, filles et voitures en surface, Fin de l'adolescence et noeud de l'existence en filigrane. Une lignée de films populaires, parfois très beaux, parfois délirants, souvent de grosses farces pas trop légères. Pour être franc, si je prends un peu de recul, le film d'Amy Heckerling à la mise en scène carrée mais sans relief, à la structure assez lâche, n'a ni la dimension mythique du film de Lucas, ni la finesse de caractère de ceux de Hughes. Mais il a pour lui d'avoir saisi quelque chose de son époque. On y voit un Rubrik's cube, on y joue aux Space Invaders et à Pacman, les filles s'habillent comme Pat Bénatar (!), les garçons s'exercent à draguer sur une effigie de Debbie Harry et les fast food branchés font penser à ceux de Tarantino mais c'est montré sans dimension nostalgique car c'est pris dans l'instant. On peut dire que le film a pris, avec le temps, une dimension sociologique susceptible de toucher, même en France, ceux qui avaient 17 ans en 1982.

C'est aussi un film assez franc et décontracté quand il aborde le sexe et la drogue (douce), sans fausses audaces ni pudibonderie. Il y a notamment un nu émouvant de Jennifer Jason Leigh dont c'est l'un des tout premiers rôles au cinéma. Elle aussi. L'atout majeur de Fast times at Ridgmont High réside dans sa distribution : une très belle collection de jeunes acteurs promis à un destin glorieux. Phoebe Cates, j'en étais tombé amoureux en 1984 quand elle apparu dans le Gremlins de Joe Dante. Elle aurait pu être une grande actrice si elle n'avait épousé Kevin Kline et suspendu sa carrière. Délurée, assurée, ses grands yeux noirs sont inoubliables. Jennifer Jason Leigh montre l'étendue de son talent dans le rôle de la copine de Cates, naïve, passant de garçon en garçon. Elle a le rôle le plus complexe du film et les moments les plus graves, en particulier les jolies scènes de son avortement, traités sans pathos, dans toute leur froide banalité (Les questions d'argent, la lâcheté du garçon, l'hôpital, la souffrance intime, le réconfort fraternel). Au rayon des grands moments, les deux filles offrent une leçon technique de fellation au restaurant universitaire, à l'aide de carottes qui valent leur pesant de cacahuètes. Avant de devenir le faire-valoir d'Eddie Murphy, Judge Reinhold joue ici le grand frère de Leigh, un personnage pas trop sympa, difficile à saisir, bénéficiant de quelques scènes gratinées dont le fantasme sur Cates. Nicolas Cage, portant encore le nom de Coppola et Éric Soltz y font de la figuration intelligente et Forrest Whittaker campe, bien avant Charlie Parker, un footballeur cartoonesque de sa lourde démarche caractéristique.

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Mais la véritable vedette du film, c'est Sean Penn comme vous ne l'avez sans doute jamais vu. Il est Jeff Spicoli, jeune surfer planant en permanence, flottant dans un nuage de marijuana, rêvant de vagues et de belles filles, se faisant livrer des pizzas en cours, bête noire de son professeur d'histoire incarné par l'excellent Ray Waltson. Spicoli bénéficie de répliques authentiquement cultes et évoque une version adolescente du Dude personnifié par Jeff Bridges pour les frères Cohen. C'est quelque chose qu'il faut avoir au moins une fois dans sa vie. Enfin, pour ne pas être devenus aussi connus, Robert Romanus et Brian Backer n'en sont pas moins remarquables. Le premier en particulier joue un personnage de petit prétentieux fragile avec ce qu'il faut d'humanité pour qu'il ne soit pas complètement détestable. A noter pour l'anecdote une apparition de Pamela Springsteen, la soeur du Boss.

Curiosité assez excitante, le film arrive par éclairs à saisir quelque chose de ce moment si bref, juste avant l'âge adulte. Il bénéficie d'une bande son assez formidable avec The Cars, on l'a dit, Jackson Browne, Tom Petty and the Heartbreakers, Led Zeppelin, Eagles, The Go Go's et la géniale Wooly Bully deSam the Sham & the Pharaohs. Rien que ça ! En outre Fast times at Ridgmont High se trouve assez facilement pour une poignées de figues. Pas d'excuses pour manquer le bikini rouge de Phoebe.

Photographie (bas) : 20/20 Filmsight