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17/04/2023

Zoom Arrière n°7 : Les films de Jane Campion

La belle équipe de Zoom Arrière vous propose son septième numéro consacré aux films de Jane Campion, la réalisatrice de La Leçon de piano, première femme à recevoir la Palme d'Or au festival de Cannes en 1993.

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Pourtant, cet arbre remarquable cache une forêt riche et sensible. Jane Campion fait des films depuis plus de quarante ans et parmi eux plusieurs encore sont à découvrir ou redécouvrir. C’est le cas de ses nombreux courts métrages et de ses tout premiers longs, Two friends (1986) et Sweetie (1989) remarquables à plus d’un titre. C’est aussi le cas de Portrait de femme (1996), adaptation risquée mais réussie du roman de Henry James et dans lequel Nicole Kidman, à travers sa composition d'une femme empêchée et trahie, ne peut que saisir le spectateur.

De nouveau récompensée du prestigieux prix Lumière en 2021 pour l’ensemble de son œuvre, ainsi que par quelques autres prix pour The Power of the Dog en 2022, Jane Campion est une des cinéastes, si ce n’est la cinéaste, la plus honorée de notre temps.

Le septième numéro de Zoom Arrière revisite donc son œuvre : plusieurs courts, neuf longs métrages et une série commentés et analysés à travers plus de vingt-cinq textes. Certains de ces textes s’opposent, d’autres convergent. Tous se complètent. De façon générale et au milieu d’autres thèmes (une étude de la bande son et de la musique dans Bright Star, une représentation du XIXe siècle d’après ses films...), nous revenons sur le féminisme de la réalisatrice, ses héroïnes, leurs désirs et leur désillusion, leurs luttes surtout.

Une campagne de précommandes est lancée sur ulule, l'occasion de soutenir le projet et de compléter votre collection. vous pouvez également nous aider en faisant circuler l'information. Qu'on se le dise !

15/04/2023

Er Monnezza !

Lo trucido e lo sbirro (La Mort en sursis ou Le Clan des pourris, 1976) d'Umberto Lenzi

Pas toujours facile de s'y remettre, mais la belle série du bon Dr Orlof sur le cinéma italien m'a redonné des envies. Claudio Cassinelli en flic déterminé et Tomás Milián en petit truand romain dans un polar urbain italien des années 70, voilà qui est irrésistible.

C'est le programme proposé par Lo trucido e lo sbirro (littéralement : le meurtrier et le flic) signé par Umberto Lenzi. Lenzi, il faut le dire, ce n'est pas une épée. Après des débuts plutôt cinéphiles, passage au Centro Sperimentale de Rome, critique a Bianco e Nero, admiration pour Samuel Fuller et Raoul Walsh et court métrage sous l'influence de Pasolini, Lenzi devient un pilier du cinéma de genre. Las ! peplum, film de pirate ou de guerre, espionnage ou giallo, il passe le plus souvent derrière ses collègues plus doués, appliquant leur recettes sans ingéniosité. Ceci posé, force est de reconnaître qu'il est plus à l'aise dans le poliziottescho, polar à l'italienne, grâce à une mise en scène nerveuse et un goût pour l'excès dans la violence qui, parfois très complaisant, fonctionne bien dans le genre.

umberto lenzi

Bien sûr, Lenzi arrive après les fondateurs La polizia ringrazia (972) de Steno et La polizia incrimina, la legge assolve (Le Témoin à abattre, 1973) d'Enzo G. Castellari. Il emprunte aussi, sans vergogne, à Sergio Martino et son Milano trema, la polizia vuole giustizia (Polices parallèles en action ou Rue de la violence, 1973) et à son flic impitoyable façon Dirty Harry. Mais bon, Lenzi trouve sa voie dans la collaboration avec Milián, d'abord avec le très violent, sadique même, Milano odia, la polizia non può sparare (La Rançon de la peur, 1974) et son tueur psychopathe, Giulio Sacchi, personnage terrifiant qui marque les esprits.

Dans le film qui nous intéresse, Lenzi et son scénariste, Dardano Sacchetti, inventent Er Monnezza (littéralement : le déchet, l'ordure) dont le comédien cubain va faire une icône à succès. Monnezza, surnom du truand Sergio Marazzi, est un romain plutôt sympathique, perruque frisottée noire, barbe folle et yeux soulignés d'un trait noir, qui utilise le dialecte populaire romanesco, ou le turpiloquio, argot haut en couleur. Les dialogues percutants et la voix caractéristique du doubleur Ferruccio Amendola feront la fortune du personnage qui doit beaucoup à ceux que Milián a joué dans les westerns de Sergio Sollima et Sergio Corbucci, péons débraillés, en marge de la loi, mais d'une humanité chaleureuse. Comme un hommage, la dernière réplique du film de Lenzi reprend celle, culte, du Cuchillo de Sollima : « Er Monnezza se ne va ! ». Ce personnage, que Milián reprendra sous diverses formes, permet de glisser du polar pur et dur à la comédie et d'adoucir la violence intrinsèque au genre. Lo trucido e lo sbirro conserve un certain équilibre qu'il doit en grande partie à Claudio Cassinelli dans le rôle du commissaire Sarti. Impeccable comme toujours, Cassinelli joue ici un policier intègre que l'on a muté en Sardaigne, sans doute parce qu'il n'était pas assez souple, et qui est rappelé à Rome pour une sombre histoire d'enlèvement d'enfant. Sarti fait évader Er Monnezza et l'oblige à collaborer avec lui pour retrouver la trace des ravisseurs. Le personnage prolonge ceux que Cassinelli a joué pour Martino, Massimo Dallamano ou Luciano Ercoli, un flic tenace, un peu solitaire, aux limites de la légalité, mais plus nuancé, moins d'une pièce que ceux joués par Maurizio Merli ou Luc Merenda. Le duo Cassinelli/Milián fonctionne à merveille au cœur d'une intrigue aux multiples rebondissement où passent quelques figures bien typées du genre, incarnées par Henry Silva, Biagio Pelligra ou Robert Hundar. 

umberto lenzi

Lenzi manie la caméra avec nervosité et rythme, suivant ses personnages dans une Rome moderne, populaire et prolétaire, entre prison (scène d'ouverture où les détenus regardent un western!), cinéma de quartier, laiterie, terrains vagues, bars et rues prises sur le vif dans un esprit très néo-réaliste. Le film, comme tous les polars italiens de l'époque, est le reflet de l'actualité italienne des années de plomb, cette période de violences crapuleuses comme politiques, des angoisses et des dysfonctionnements du pays. L'enlèvement de l'enfant est symptomatique, comme les questions autour de la manière de faire respecter la loi et, si Lenzi y va avec de gros sabots, il n'en est pas moins efficace. Il est assez fascinant de voir aujourd'hui ce film en parallèle avec la série de Marco Bellocchio, Esterno notte, qui revient sur l'enlèvement d'Aldo Moro en 1978. L'un, avec ses limites de cinéma de genre (et de cinéma tout court), est comme le contre-champ de l'autre, avec toute l'ampleur de la reconstitution par Bellocchio d'une réalité que Lenzi capte en direct, presque sans y faire attention. Bien sûr, Esterno notte décortique la complexité des jeux de pouvoir à travers une mise en scène incroyable de maîtrise et d'invention là où Lo trucido e lo sbirro joue sur l'énergie du divertissement, mais c'est la gloire du cinéma populaire italien, à son meilleur, d'avoir su s'inscrire dans les préoccupations de son temps.

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12:24 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : umberto lenzi |  Facebook |  Imprimer | |