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29/10/2013
Des visages, des figures
C'est un tout petit film. Cinq minutes filmées par Chris Hilson et montées par Thom Zimny, jointes à la lettre de remerciements que Bruce Springsteen a adressé à son public à l'issue de la tournée Wrecking ball. Hilson et Zimny ont travaillé sur les films des concerts de New-York, Dublin, Barcelone et l'impressionnant London calling – Live in Hyde Park de 2010. Ils savent de façon remarquable saisir la puissance du Boss et de son E-street Band sur scène. Le principe cette fois est tout simple. Des visages le plus souvent en gros plan de spectateurs pris lors des concerts sur l’interprétation habitée, comme toujours, de Dream, baby, dream de Suicide. Des visages au cœur de l'action. Figures de femmes et d'hommes, jeunes et vieux, des enfants, des couples, un groupe d'amis, toute la palette des réactions et surtout des regards. Des regards tournés vers cet homme au charisme unique qui chante, porté par ces regards et soutenu par ce groupe de musiciens, derrière, ce groupe que l'on verra plus tard, visage après visage encore. Un homme porté par sa foi, parce que Springsteen, c'est une histoire de foi. Foi dans la musique, sa musique qui puise à toutes les racines du rock. Foi au sens religieux aussi avec cette dimension issue du christianisme et ses symboles, l'eau du baptême qui coule en ouvrant le film, la posture christique du chanteur qui s'abandonne aux bras multiples de la foule, sa façon de jouer les prédicateurs de la grande épiphanie du rock and roll, la chanson elle même, psalmodiée avec ses nappes sonore, paroles simples reprises encore et encore, et puis les chœurs gospel vers la fin. Come on dream, baby dream...
Pourtant tout ce fatras religieux n'est pas ici ni gênant, ni réducteur. Il est sincère parce que direct. Ce jeu sur le rituel est le vecteur ouvert entre l’artiste et son public et une ferveur authentique répond à l'engagement total du chanteur. Et puis, quand même, toujours cette pointe d'humour et cette simplicité désarmante. Chaque plan de ce film pourrait être démagogique ou racoleur. Pas une seconde ne l'est. Chaque portrait choisi possède sa vérité, chaque personne pèse son poids d'humanité, et quiconque a assisté à un concert de Springsteen, à quelques pisse-froids près, a certainement ressentit cette émotion qui porte et transporte. Il y a dans ces regards l'essence du rapport entre le Boss et son public, cette façon qu'il a face à des foules impressionnantes, de s'adresser à chaque individu. De la même façon, chacun de ses portraits est le notre car nous partageons intimement la même foi. Ou pour faire moins illuminé, nous partageons la même chose avec la même intensité.
Souvent, dans les films de concerts, le public est réduit à une masse mouvante en vénération. Cette fois la caméra plonge dans la foule pour extraire un fragment d'expression qui traduit l'expérience personnelle du concert. Les visages sont beaux, cet homme qui retient ses larmes (il écoute The river ?), le couple âgé dont on peut deviner l'histoire, le petit geste de la femme aux long cheveux frisottés, la petite fille un peu perdue sur les épaules de son père, la joie du jeune couple qui danse... Et nous sommes avec eux, nous faisons partie. C'est cela, les beaux concerts, les beaux films, rendent beaux ceux qui les écoutent, qui les regardent.
A la fin, les plans sur les membres du groupe les unissent aux spectateurs tandis que le Boss remonte sur scène. Puis il y a ce beau plan large sur le groupe en symbiose. Et quand vient, tout à la fin, les visages des disparus, Danny Federici et Clarence Clemmons, et que le visage du grand saxophoniste se fond avec la silhouette de Springsteen qui avance sur scène, décidément, ces cinq minutes sont ce que j'ai vu de plus fort cette année.
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28/10/2013
Lou Reed (1942 - 2013)
09:36 Publié dans Cinéma, Musique | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : lou reed | Facebook | Imprimer | |
26/10/2013
Pertes et profil
Papy, je viens de désactiver mon profil Facebouque...
Tiens le coup, John, les quinze premiers jours sont les plus durs.
Photographie DR, source Le coin du cinéphage
22:11 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : john ford, john wayne | Facebook | Imprimer | |
22/10/2013
P comme pendaison
Jamais un seul instant nous ne sommes assis;
De ci de là, selon que le vent tourne,
Il ne cesse de nous ballotter à son gré,
Plus becquétés d'oiseaux que dés à coudre.
François Villon – La ballade des pendus
Deux minutes ! je n'aime pas assister à une pendaison le ventre vide.
« Tiens, la civilisation » annonce Cameron Mitchell à Clark Gable dès la première minutes des Implacables (The tall men), beau western de Raoul Walsh, en désignant un pendu au milieu d'une nature somptueuse filmée en CinemaScope. Il doit y avoir un vieux fond morbide chez les réalisateurs, car à y réfléchir deux fois après avoir tourné sept fois sa langue dans sa bouche, les scènes d'exécution sont légion sur les écrans. Capitales, officielles ou sommaires, elles excitent l'imagination visuelle et constituent autant de morceaux de bravoure comme écrit ce cher Luc Moullet. Il y a le mouvement de la foule lyncheuse, le décorum du cérémonial militaire ou civil, les sentiers de la gloire pour l'exemple, le frisson de la mort, l'implacabilité du destin. C'est beau ! C'est répugnant ! C'est émouvant ! C'est fascinant ! C'est effrayant ! C'est tout ce que l'on aime au cinéma, non ?
De toutes les formes d'exécution, j'oserais dire que la pendaison tient la corde. C'est juste une impression mais vous pouvez vérifier par vous même. On fusille pas mal, on décapite un peu. Électrocution et bûcher sont plus rares sauf dans les biographies de Jeanne d'Arc ou de Giordano Bruno. L'empalement reste exceptionnel et exotique comme la crucifixion ou le jeté aux crocodiles, et puis tous ces supplices marrant que l'on voit dans les films de Tarzan. La pendaison offre plus de possibilités : du haut d'une tour, en ombre chinoise, dans un grenier, en série comme dans True grit, depuis une cage de fer histoire de renforcer l'abjection, haut et court à une potence ou au premier arbre venu comme dans d'innombrables westerns, par surprise, interminable comme chez Lars Von Trier ou Richard Brooks, clinique comme chez Nagisa Ōshima , en place publique, à travers une verrière, à un crochet de boucherie dans l'une de ces maisons où il faut jamais entrer, il y a le choix.
Et puis le pendu est photogénique, dynamique avant, décoratif après. Comme l'avait bien décrit maître François bien avant que le cinéma ne soit, il a la langue pendante, les yeux exorbités, le cheveu fol, la bouche tordue, un vautour délicatement posé sur son épaule, l'œil picoré par un corbeau, ô traumatisme de jeunesse devant Excalibur ! Le pendu aime à osciller sous la brise après de terribles convulsions. C'est tout autre chose que le fusillé bêtement recroquevillé ou le simple tas de cendre dans lequel on peine à reconnaître la pucelle d'Orléans. Les bottes de l'aîné se balancent sous le soleil d'Almeria après que le jeune frère ait mordu la poussière, l'harmonica entre les dents. Le sang coule lentement le long de la chemise de nuit blanche de la première victime particulièrement soignée de la Talm Akademie. La corde se tend et s'effiloche au dessus de la rivière du hibou. Elle conserve une marque indélébile sur le cou de Glyn McLyntock car parfois, à la pendaison, on survit.
Mais la pendaison peut avoir un côté farce, c'est l'une des bases de la relation entre Blondin et Tuco dans Le bon, la brute et le truand, aimablement pastichée par Sergio Corbucci qui juche Franco Nero sur un tonneau dans Companeros ! Et l'on pourra même y trouver matière à gaudriole à la façon des amants de La chair et le sang qui cherchent un pendu frais afin de déterrer la mandragore L'herbe aux pendus qui revigore. Les petits coquins.
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19/10/2013
Petra Haden goes to the movies
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17/10/2013
Élégance
Mississippi Gambler (Le gentleman de la Louisiane). Un film de Rudolph Maté (1953)
Texte pour Les Fiches du Cinéma
Honneur aux armes - Respect au maître
Mark Fallon est un joueur professionnel dans la Louisiane du début des années 1850. Il opère sur ces splendides bateaux à aubes qui glissent, légendaires, sur le fleuve. Aristocrate d'esprit sinon de naissance, il impose une vison honnête du jeu, ce qui ne manque pas de lui attirer de solides inimitiés, mais aussi la fidèle amitié de Kansas John Polly. Fallon rencontre la belle et farouche Angélique Dureau, dont il tombe amoureux sans la savoir promise à un banquier ami d'enfance, de son frère Laurent qui va lui vouer une haine tenace, et de son père Edmond, gros propriétaire de la Nouvelle-Orléans, qui sera lui séduit par les qualités du jeune homme.
Élégance, voici le maître mot de ce beau Mississippi gambler (Le gentleman de la Louisiane) que réalise Rudolph Maté en 1953. Élégance formelle, élégance des personnages et des sentiments décrits. Élégance des costumes et des maintiens, du moindre geste et du plus petit accessoire. Chaque plan du film, soigneusement composé et filmé par Irving Glassberg en un Technicolor à tomber est du velours pour les yeux. Je serais curieux de savoir comment se passait le travail entre Glassberg et Maté qui fut, avant de passer à la mise en scène, un très grand chef opérateur. Plusieurs fois oscarisé, ce qui ne veut pas forcément dire grand chose, il a travaillé pour Ernst Lubitsch, Fritz Lang, Orson Welles, Carl Dreyer, King Vidor et reste à jamais derrière les images de Rita Hayworth retirant les longs gants noirs de Gilda. Avec cela, j'ai un faible pour le cinéma de Maté dans le registre de ce que l'on appelle les petits maîtres américains des années quarante et cinquante. Des réalisateurs qui contribuent à porter les derniers feux du cinéma hollywoodien classique, le plus souvent dans le registre du cinéma de genre, film noir, western, aventures, fantastique... Ils évoluent à la frontière entre série A modeste et série B confortable. On y trouve des personnalités attachantes comme Hugo Fregonese, André de Toth, Jacques Tourneur, Joseph H. Lewis ou Allan Dwan au si bel automne de sa longue carrière. Après des années au sommet de son art de directeur de la photographie, Maté passe donc à la mise en scène avec entre autres deux superbes films noirs D.O.A. (Mort à l'arrivée – 1949) et Union station (Midi gare centrale – 1950), la science-fiction catastrophe de When worlds collides (Le choc des mondes – 1951) et quelques excellents westerns comme The violent men (Le souffle de la violence– 1955) où Barbara Stanwyck reprend son rôle de femme fatale entre Glenn Ford et Edward G. Robinson , génial en patriarche paralysé. Tous ces films ont en commun leur économie de moyens, leur efficacité, le goût des situations compliquées et tendues à l’extrême, et une beauté plastique que l'on attend forcément d'un ancien directeur de la photographie. Ce qui nous ramène à la question initiale des rapports de travail entre Maté et Glassberg. Peut être que tout simplement et en grand professionnel, Maté laissait Glassberg faire son boulot tranquille.
Le résultat est là sous nos yeux éblouis. Mississippi gambler se situe à la Nouvelle-Orléans dans une Louisiane complètement idéalisé, rêvée. C'est un paysage de grandes bâtisses blanches à colonnes, de ces immeubles typiques avec balcons et frises, de majestueux bateaux à aubes glissant sur le « Old'man river » dans la clarté lunaire. Robes à crinolines, larges chapeaux, calèches aux lignes légères, fracs et hauts-de-forme, fines épées et verres de cristal, et puis encore les gants en dentelle que porte si sensuellement le personnage joué par Julia Adams. Formes, couleurs et textures sont rendus avec une infinie délicatesse. On aura beau jeu de souligner l'absence quasi totale des noirs dans cette histoire, comme de la moindre allusion à l'esclavage. Pas même l'image cliché du petit noir dansant au son d'un harmonica sur un quai. La Louisiane de Mississippi gambler est une abstraction, l'expression visuelle de cette élégance au cœur du film. Reste pourtant l’extraordinaire séquence de la danse vaudou. Les héros du film vont s'encanailler avec naturel dans le quartier créole et assistent à la performance de Gwen Verdon, chorégraphe, épouse et collaboratrice de Bob Fosse, dansant un poulet blanc à la main au milieu de mâles superbes et torses nus. Célébration païenne des corps mise en parallèle avec les sentiments réprimés du couple vedette, cette scène est un joli moment de cet érotisme suggéré mais intense dont le Hollywood encore corseté par le code Hays était capable. Avec élégance.
Le récit met en scène une succession de gestes nobles de la part de personnages mus par de nobles passions. La frère faible et la banquier lâche exceptés. Chacun réagit de façon à la fois inattendue et espérée, ainsi des délicats rapports père-fille à l'ombre de la mère disparue, ainsi l'amitié amoureuse entre Fallon et Ann Conant dont il a provoqué le suicide du frère, ainsi cette scène émouvante où Fallon vient annoncer la mort du fils au père agonisant, mort provoquée par une bagarre entre Fallon et Laurent, jaloux. A ce moment, Edmond met au dessus des liens du sang le sentiment de filiation qu'il a pour Fallon, fils de cœur qui est le véritable détenteur des valeurs de l'aristocrate. En filigrane, Mississippi gambler est le portrait de rapports sociaux idéalisés qui sous l'apparence (l'aristocratie sudiste) exaltent des valeurs typiquement américaines communes à tous : compétence (armes, jeu, décoration), courage physique et moral, accomplissement personnel. Les héros sont des hommes et des femmes libres et entreprenants. L'estime que chacun peut porter à l'autre dépasse les barrières de classe, ce qui rend passionnant le rapport entre Fallon et le père fondé sur ce respect des compétences, comme ceux entre Fallon et Kansas John Polly ou Ann Conant. Seuls comptent la droiture et le respect de la parole donnée, ce qui crée des situations dramatiquement passionnantes. L'argent est un moyen, pas une fin et Fallon sait le perdre avec une désinvolture délicieuse.
Pour porter cette noblesse de sentiments, il fallait une distribution de grande classe. Elle l'est. Tyrone Power est le héros parfait dans la lignée de ses compositions en capitaine de Castille, en pirate du Black Swan (Le cygne noir – 1942), capitaine King ou Zorro (détail amusant, il croise dans ce film un second rôle joué par Guy Williams qui sera le fameux Zorro de Disney pour la série télévisée). Il est encadré d'un duo de charme, Piper Laurie piquante façon Scarlett O'Hara en Angélique Dureau, et la délicieuse et délicate Julia Adams personnifiant Ann Conant dont j'ai déjà évoqué toute la sensualité qu'elle a à porter des gants arachnéens. Le reste de la distribution est tout simplement parfait, de John McIntire, pour une fois dans un rôle très sympathique, lui qui fut un si beau salaud pour Anthony Mann, à Paul Cavanagh qui prête sa distinction à Edmond Dureau. Enveloppé de la partition enlevée de Franck Skinner, Mississippi gambler est une manière de chef d’œuvre, l'élégance sur pellicule.
Photographies : © Universal
07:22 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : rudolph maté | Facebook | Imprimer | |
15/10/2013
W comme Washington
Il y a quelque temps, devenu depuis un temps certain, j'avais eu cette idée d'un petit dictionnaire de détente pour cinéphiles, hommage respectueux au Dictionnaire superflu à l'usage de l'élite et des bien nantis du regretté Pierre Desproges. Sur le coup, plusieurs articles vinrent très vite sous ma plume, d'autres un peu moins vite, et d'autres enfin pas du tout. Le projet resta au cimetière des idées inachevées, jusqu'à ce que je visse les affiches publicitaires pour le White house down de Roland Emmerich. Je l'ai pris comme un signe, vous le comprendrez en lisant le texte ci-dessous dont seules les deux dernières phrases a été rajoutée en 2013.Voici donc, commençant vers la fin en toute logique, un premier article du Petit dictionnaire cinéphile de détente.
W comme Washington (État de, ville de, George ...)
Quand j'étais à Washington, les femmes servaient le café aux officiers, madame !
George, le général, ayant été peu exploité au cinéma, ce que l'on pourra trouver étrange mais c'est comme ça, je m'en tiendrais à ce qui est devenu la capitale fédérale des États Unis d'Amérique après avoir été un charmant coin de campagne, ce qui est le lot de toutes les capitales, fédérales ou non. La ville de Washington est donc célèbre pour sa boulangerie tenue par M Ladkhal, libanais d'origine par son papa et qui fait d'excellents croissants aussi bons que ceux de Paris, ce qui ne laisse pas d'étonner dans un pays qui mange aussi mal. Je vous laisse vous étonner. Voilà, pas plus. Washington est également connue pour son Obelix, hommage au regretté René Goscinny, sa statue de Henry Fonda assis sous laquelle méditent les congressmen à la recherche d'une idée noble, ce qui n'arrive pas tous les jours, et d'une piscine assez grande pour les concerts de rock protestataires et aquatiques. C'est également là qu'habite le président du pays au lieu-dit "La maison blanche". Le bâtiment, en forme de n'importe quoi genre machin, mais sobre, est ainsi nommé parce qu'au plus fort des guerres indiennes du XIXe siècle, les sioux mirent la main sur tous les stocks de peinture de guerre disponibles et qu'il ne resta, restirent, restèrent, qu'il n'y avait plus que de la peinture blanche pour rafraîchir la façade. D'où le nom.
Longtemps, au temps béni de l'âge d'or du western, Washington était couramment utilisée comme une sorte d'Olympe, bienveillante ou maléfique selon le cas, lointaine toujours. C'est de Washington que l'homme blanc à langue fourchue brisait le traité avec ses frères rouges, c'est de Washington que le grand père blanc à tête d'Edgard G. Robinson venait fumer le calumet de la paix et réprimander le méchant colonel ou général belliqueux sous le regard du noble lieutenant qui avait fait son possible pour que cela s'arrange. C'est aussi à Washington qu'écrivait l'officier au cœur d'or (en trois exemplaires) pour reprendre du service, et de Washington que le jeune et fringuant officier débarquait pour prendre ses fonctions et séduire la belle qui portait un ruban jaune. Belle époque.
De part la présence de la Maison Blanche, White House en VO non sous titrée, la tranquille cité de Washington est devenue au cinéma la piste d’atterrissage favorite d'un tas de créatures curieuses, ce qui ne laisse pas d'étonner quand on pense que sa superficie est ridiculement résiduelle par rapport à la surface totale de notre planète. Je vous laisse vous étonner et je pose la question : A-t'on déjà vu un extra-terrestre débarquer dans la brousse congolaise ailleurs que dans un roman d'Emmanuel Dongala ? Et à Cuers dans le Var ? Non bien sûr, seul Washington est mentionné sur les cartes de la galaxie. Et qu'ils viennent pour tout casser à grand coups d'effets spéciaux de George Pal ou numériques dernier cri, pour s'inquiéter de la prolifération atomique ou pour conseiller le président sous la forme de l'ange Gabriel, les créatures issues de l'imaginaire fiévreux des scénaristes débarquent toujours entre la piscine, l'Obélix et White House.
Ce bâtiment souffre en particulier de la rancune tenace d'un travailleur immigré, cinéaste de son état et allemand d'origine (Ach ! La rancune gross malheur) répondant au nom de Roland Emmerich, comme mon tailleur d’ailleurs. Enfant, le petit Roland s'en vint visiter Washington avec son papa, sa maman et sa tata Hilde. Cette dernière, plutôt gourmande, voulait absolument goûter les croissants de M Ladkhal, mais le magasin n'est pas facile à trouver. Essayez, vous vous en rendrez compte. Mais pas question de discuter avec tata Hilde. Le temps de mettre la main sur les croissants, l'heure des visites de la Maison Blanche était passée et le petit Roland, qui avait entendu dire que l'on pouvait jouer sous le bureau du bureau ovale et présidentiel, en fut fort marri. Son père essaya bien d'argumenter avec le service d'accueil mais « no way » comme on dit là bas. Le vol de retour étant le lendemain matin, l'enfant fit bernique et conçut un traumatisme qui l'amena, une fois parvenu à maturité, notion relative au vu de son œuvre, à faire subir dans ses films les derniers outrages à la noble maison : désintégrée par une soucoupe volante, engloutie par la neige et finalement aplatie par un porte-avions. Dans les milieux autorisés, on s'émeut de cette inflation destructrice et l'on s'interroge sur le projet prochain du terrible teuton. Au vu de la campagne d'affichage pour le dernier opus du terrible teuton en question, les milieux autorisés avait bien raison. Voilà t-il pas qu'il envoie les commandos de féroces barbares à l'assaut de la jolie maison !
07:00 Publié dans Petit dictionnaire cinéphile | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dictionnaire, roland emmerich | Facebook | Imprimer | |
13/10/2013
La Louisiane des gentilhommes
Jolie série de photographies promotionnelles pour le film The Mississippi gambler (Le gentilhomme de la Louisiane - 1953) de Rudolph Maté. © Universal.
18:49 Publié dans Curiosité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rudolph maté | Facebook | Imprimer | |
05/10/2013
Jour de colère
A day of fury (24 heures de terreur). Un film de Harmon Jones (1956)
Texte pour Les Fiches du Cinéma
Patrick Brion ouvre son introduction à A day of fury (24 heures de terreur) dans l'édition Sidonis, par une remarque qui m'a fait grand plaisir. « On me reproche », dit-il en substance, « mon enthousiasme pour les séries B oubliées. Mais regardez la première scène du film de Harmon Jones ! ». Merci monsieur Brion, vous à qui je dois une large part de mon éducation de cinéphile. C'est vrai qu'elle est belle cette première scène de Harmon Jones et que ce modeste western de série B est estimable en tout points et vaut bien des œuvres dont la renommée a mieux traversé les vents du temps.
Efficacité, goût plastique, sens de l'espace et du suspense, simplicité, cette première scène s'organise autour d'un décor de roches encaissées et d'une cascade. Un cavalier, puis un autre en sens inverse. Une embuscade. Le premier cavalier sauve la mise au second en abattant son adversaire à travers sa veste. Quasiment aucun dialogue, mais une situation forte aux retournements surprenants et des regards qui créent le mystère. Le premier cavalier répond au curieux nom de Jagade (Titre alternatif du film aux USA). Un carton introductif nous a parlé des hommes de l'Ouest vivant par le colt et que la civilisation a repoussé toujours plus loin. C'est un des grands thèmes du western que l'on retrouvera de John Ford à Sergio Leone. Jagade est l'un de ces hommes et s'il est là, ce n'est pas par hasard. Face à lui, Allan Burnett est un marshal, grand, droit et intègre. Il doit se marier dans la journée mais comme il fait bien son boulot il était partit traquer un truand avant. Très vite se nouent les fils du drame : la promise, la belle Sharman Fulton, est l'ex-maîtresse de Jagade. Et ce dernier, en sauvant le marshal, en fait son obligé. Débarquant dans la petite ville bien nommée de West-End, Jagade entend régler un compte obscur en bouleversant sa tranquillité. On pense par moments au principe de High plains drifter (L'homme des hautes plaines – 1973) de Clint Eastwood. L'union de l'homme de la loi et de l'ancienne fille de saloon est symbolique de l'évolution de la cité : de l'Ouest sauvage et libre à la civilisation policée mais refoulée et hypocrite. Jagade va faire éclater ce mince vernis. Du coup la confrontation avec Burnett est inévitable.
Le scénario de James Edmiston (c'est son premier) et Oscar Brodney (vieux routier hollywoodien qui a signé l’adaptation pour l'écran de Harvey (1950) avec James Stewart et son lapin) développe cette situation séduisante avec brio et la mise en scène de Harmon Jones l’orchestre de main de (petit) maître. Le film multiplie les confrontations et les coups de théâtre, faisant varier avec subtilité les rapports de force jusqu'au règlement de comptes final. Sa force, c'est une belle galerie de personnages dont les évolutions sont assez travaillées pour les rendre attachants. Du moins intrigants. Ainsi le prêtre qui va prendre la tête dune bande de lyncheurs avant de prendre conscience qu'il a renié les préceptes de sa foi et va se ressaisir de belle façon. Ainsi l'institutrice à la fois fascinée et répugnée par les manières de Jagade au point d'en perdre la raison. Ainsi ce jeune garçon impulsif qui admire trop le pistolero et fera les frais de n'avoir pas compris qu'il n'était qu'un pion dans son jeu.
C'est toute la ville qui est prise dans ce jeu et Harmon Jones a l'intelligence de ne pas en révéler toutes les motivations. Quel est ce fameux compte que Jagade a à régler avec West-End ? Domine-t'il vraiment Sharman quand il arrive à lui faire remettre sa belle robe rouge, emblème de son passé ? Le réalisateur cultive l’ambiguïté et focalise sur l'affrontement entre Jagade et Burnett qui cristallise les choix de tout le monde. Il y a ceux qui apprécient le vent de liberté que fait souffler l'homme de l'Ouest sur la ville, cette ville où l'on s'ennuie car le saloon est fermé le dimanche et les filles ont été chassées de la ville. Il y a ceux qui sont prêt à tout pour conserver cette tranquillité au prix d'un ordre moral étouffant. Et il y a ceux qui voient voler en éclat leurs arrangements de bons bourgeois aimant à s'encanailler (ou à trafiquer) sous une façade respectable. Ce ne sont pas les moins dangereux. Mais ils sont une arme pour Jagade qui est bien renseigné sur les turpitudes des uns et des autres. Joueur d'échecs chevronné, il manipule au point que l'on ne sait plus que penser de lui. Fin psychologue, il sait faire ressortir les pulsions les plus personnelles de chacun : le désir refoulé de l’institutrice, les doutes du prêtre, la violence du jeune Billy. La force du marshal, c'est de conserver la tête froide au milieu de toutes ces passions libérées, lui qui semble bien étranger à ce panier de crabes et le seul à posséder une intégrité véritable.
Efficace, Harmon Jones arrive à concilier ce minimum psychologique à la rapidité de la série B et à l'action inhérente au genre. Il limite les décors à quelques lieux clefs (Le saloon, l'église, la grange), à l'exception de la première scène. Il orchestre les mouvements d'un lieu à l'autre, accompagnant les mouvements des personnages ou de la foule, chacun de ces mouvements correspondant à une nouvelle montée dramatique. Harmon offre de belles scènes, inventives au niveau visuel comme la découverte impressionnante du corps pendu dans la grange où celle qui voit Billy chassé du saloon pour aller à sa perte. La photographie de Ellis W. Carter qui a beaucoup travaillé pour le cinéma de genre, en particulier le fantastique, est soignée sur les scènes nocturnes. Il y a de belles compositions avec un sens de l'espace remarquable (la première scène, le duel final) fonctionnant sur les différences de niveaux et les oppositions géographiques (l'église est quasiment face au saloon). Utilisation poétique de la couleur aussi avec cette fameuse robe rouge, une manière qui fait penser un peu à la façon de faire dans le Johnny Guitar (1953) de Nicholas Ray. L’interprétation est à la hauteur même s'il n'y a pas de vedette d'envergure. Elle est dominée par Dale Robertson en Jagade, veste de peau et regard intense, opposé à la stature massive de Jock Mahoney en Burnett. Mahoney, cascadeur fameux, sera plus tard un aimable Tarzan. Ici, il est parfait de présence et de force tranquille. Le duo fonctionne parfaitement avec entre eux la belle Mara Corday, héroïne du Tarantula (1955) de Jack Arnold, croisée chez King Vidor dans le superbe Man without a star (L'homme qui n'a pas d'étoile – 1955) avant de terminer sa carrière pour Clint Eastwood. Mara Corday donne la profondeur nécessaire à son personnage avec beaucoup de classe. La robe rouge, quoi ! Les seconds rôles sont impeccables, en particulier John Dehner dans le rôle du prêtre tenté par la violence, Sheila Bromley en tenancière entre deux âges dont les joues reprennent un peu de rouge avec la venue de Jagade, et Dee Carroll dans le rôle difficile mais original de institutrice Miss Simmons. Coïncidence, elle a un tout petit rôle dans Tarantula.
Anti-héros fascinant annonçant tant le western dit moderne que le western italien, Jagade incarne le vieil Ouest, violent mais vivant, qui doit une nouvelle fois, la dernière, s'effacer devant la marche de la civilisation. A day of fury est une œuvre à découvrir, jolie pièce d'une collection Sidonis de plus en plus impressionnante pour les amateurs du genre. Et comme le dit Patrick Brion, ce n'est juste un caprice de vieux cinéphile.
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Photographies DR Universal
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03/10/2013
1958 en 10 (autres) films
1959 est bientôt là et Zoom Arrière vient de fêter son premier anniversaire. Voici néanmoins et pour votre plus grand plaisir (j'espère), dix autres films de 1958 qui s'est vu dominer par d'indéniables chefs d’œuvre signés Welles, Sirk, Mann, Walsh, Bergman et quelques autres. Belle année de cinéma encore, qui a vu également Sinbad ferrailler avec le squelette animé par Ray Harryhausen, un ascenseur récalcitrant sur un air de Miles Davis, les vikings comme si vous y étiez, Gene Kelly dans le monde de la mode, un inédit fort sensuel de Bergman, Moïse ouvrant la mer rouge, une partie de pêche mémorable, le retour du baron chirurgien sous les traits de l'élégant Peter Cushing, Robert Mitchum traquant le sous-marin teuton (dans un autre film la même année, c'est Clark Gable qui est dessous), et Glenn Ford en éleveur de moutons habile au six-coups. Photographies DR piquées un peu partout.
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