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30/01/2011

Premiers plans

28/01/2011

Le mille-feuilles glacé de Gérald Hustache-Mathieu

Le cap du second long métrage est souvent difficile à négocier pour le jeune metteur en scène. Gérald Hustache-Mathieu s'en tire les doigts dans le nez avec le délicieux Poupoupidou et avec Sophie Quinton. J'avais dit en son temps tout le bien que je pensais d'Avril (2006), son premier long métrage, bien que conscient des manques d'un film un peu trop sage, s'appuyant un peu trop sur les acquis de l'extraordinaire, n'ayons pas peur des mots, La chatte andalouse (2003). Parmi ces acquis, un univers un peu décalé, un ton délicat, un humour pince sans rire et une sensualité tranquille. Et puis Sophie Quinton. Surprise, Poupoupidou part dans une nouvelle direction, révélant une cinéphilie vaste et éclectique chez le metteur en scène qui compose son film de multiples strates très référencées. Pourtant l'effet d'accumulation n'empêche nullement l'affirmation de son univers personnel, ici renouvelé, cohérent, séduisant, jouissif même comme chez un Quentin Tarantino. Et puis toujours Sophie Quinton.

gerald hustache-mathieu

Nous voici donc dans les pas de David Rousseau joué par Jean-Paul Rouve (dont je connais très mal le travail), un écrivain en panne d'inspiration pour ses thrillers qui se retrouve au beau milieu de nulle part. En l'occurrence Mouthe, dans le Jura, la ville nous dit-on la plus froide de France. Là, il remédie à sa panne en enquêtant sur la mort mystérieuse de Candice Lecoeur, starlette locale dont le destin semble rejouer celui de la star des stars : Marilyn Monroe. L'argument est tordu mais séduisant et Gérald Hustache-Mathieu trouve un équilibre dans une composition minutieuse et une mise en scène précise, ludique, jouant sur les effets de collage, de mise en abyme et de reflets dans les miroirs.

A un premier niveau, le film emprunte aux univers de cinéastes contemporains, assez en vogue, adeptes de l'étrange : David Lynch pour le visage dans la neige de Candice, la scène à la morgue et l'hypersensibilité auditive du héros ; Atom Egoyan pour l'enquête décalée et l'atmosphère ouatée ; et puis surtout aux frères Coen, Fargo (1996) et Barton Fink (1991) en tête avec son hôtel bien bizarre, et même une scène de bowling avec ralentit façon Big Lebowski (1998). On retrouve dans cette veine le goût des situations incongrues, des objets inattendus, une bande sonore stimulante et un plaisir évident dans la caractérisation des personnages secondaires.

A un second niveau (suivez le guide), on trouvera quelque chose du cinéma français, empruntant cette fois plus des procédés de mise en scène, comme les jeux avec l'autoradio qui rappellent des choses que faisait Claude Chabrol, l'atmosphère neigeuse du Truffaut de Tirez sur le pianiste (1960) avec son goût pour les détectives amateurs, et pas mal de trucs venus de la Nouvelle Vague canal historique, que ce soit l'utilisation de la voix off, les ellipses sèches du montage, les jeux sur le son et l'utilisation du hors champ (l'accident de voiture).

Un troisième niveau est moins évidemment mis en avant, qui mêle des références venues du grand cinéma classique hollywoodien (matrice des deux autres niveaux par ailleurs). L'enquêteur amoureux d'une morte, c'est bien sûr Dana Andrews fasciné par la Laura d'Otto Preminger. Le récit fait par le cadavre renvoie à Billy Wilder, et l'on cite littéralement All about eve (1950) de Joseph L. Mankiewicz.

Ce dernier point permet de comprendre l'originalité du travail d'Hustache-Mathieu. Ce n'est pas un plaquage mais un subtil jeu de renvois. Quand Denner parle à Candice du personnage d'Ève Harrington (rappelons pour ceux qui ne connaissent pas ce chef d'œuvre qu'il s'agit d'une jeune femme ambitieuse qui manœuvre pour supplanter une grande actrice), Sophie Quinton est devant son miroir dans sa loge et interroge justement son reflet, celui qui la confond avec Marilyn et qui, en elle-même, est en train de supplanter la jeune fille de Mouthe. La citation dépasse ici le clin d'œil pour révéler quelque chose du personnage. A ceci se rajoute le fait que le film de Mankiewicz est l'un des premiers rôles de Monroe où elle incarne une jeune actrice ambitieuse et un peu naïve (nouvel effet miroir). Et l'ensemble se situe dans le contexte où Denner et Candice rejouent sans le savoir la relation entre Arthur Miller et Monroe, le premier faisant l'éducation intellectuelle de la seconde. Finement, Hustache-Mathieu fait se tenir l'homme sur le pas de la porte, à l'orée de l'univers déjà Schizophrène de Candice-Marilyn, en proie à un trouble de la personnalité que son entrée va renforcer. Ouf ! Et puis tout cela avec la belle lumière de Pierre Cottereau sur le visage de Sophie Quinton.

gerald hustache-mathieu

Nous pouvons passer au quatrième niveau, l'ossature du film, le parallèle avec le destin de Marilyn. C'était sans doute la partie la plus délicate à gérer. Bien que les étapes en soit connues du grand public, Gérald Hustache-Mathieu reste constamment clair, revisitant les évènements au filtre de sa propre fantaisie, comme avec la scène des photographies pour le calendrier ou l'apparition avec la robe-sac de patates. Si l'épisode avec le président de région aux initiales JFK et à l'accent américain n'est pas tout à fait convaincant, la superposition Monroe/Quinton fonctionne magiquement. Les tout premiers plans où l'actrice rejoue la fameuse séance avec le photographe Bert Stern (elle s'y dévêt sous des voiles transparents et colorés) imposent d'entrée le principe du film et troublent délicieusement comme au temps de Linda Kerridge dans Fade to black (1980) de Vernon Zimmerman. Le regard amoureux du réalisateur sur son actrice fétiche nous donne un portrait rare qui ne dit cette fois rien d'autre que leur relation propre.

C'est là que Poupoupidou trouve son essence, avec un dernier niveau d'autocitation qui pourrait passer un peu vite pour de la prétention. Mais cela me semble d'abord un retour sur un parcours partagé, avec son actrice mais aussi avec les spectateurs du début, ceux qui ont fait le succès de ses courts métrages. Voir Sophie Quinton virer ses cheveux blonds et paraître en rouquine, vêtue de la veste de Peau de vache (2001) pour nous donner des nouvelles du taureau Pablo, cela m'a fait sauter de joie dans mon fauteuil.

Il se dégage de Poupoupidou une belle générosité, que ce soit dans le rapport de jeu établi avec le spectateur, dans la façon de filmer son héroïne ou dans l'attention apportée aux personnages secondaires, l'étrange peuplade de Mouthe : Clara Ponsot en réceptionniste amoureuse, Guillaume Gouix en beau gendarme adepte du tir à l'arc et la belle Arsinee Khanjian que l'on a plaisir à retrouver en psychiatre pas trop équilibrée. Générosité d'une belle pâtisserie, légère mais riche de surprises, alliance de saveurs fraîches voire glacées, avec une touche subtile de Sophie Quinton qui laisse une douce chaleur aux joues.

Photographies : copyright Diaphana (source Allociné)

Enthousiasme partagé chez Pascale

26/01/2011

Deux ou trois choses que je sais d'eux

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"Quand la légende devient les faits, imprimez la légende". La maxime fordienne semble avoir inspiré Emmanuel Laurent pour le documentaire Deux de la vague. Non que son récit du mouvement de la Nouvelle Vague française raconté à travers celle de la relation entre François Truffaut et Jean-Luc Godard ne prenne des libertés avec les faits. Il est par ailleurs écrit avec Antoine de Baecque auquel on doit deux remarquables biographies de l'un comme l'autre cinéaste, (Celle sur Truffaut rédigée en collaboration avec Serge Toubiana). Mais, comprimé en 90 minutes de film, ce récit fait la part belle à une manière d'histoire officielle à visée didactique qui s'en tient aux grandes lignes de cette aventure artistique et humaine : les années de la critique aux Cahiers du Cinéma, les premiers courts métrages, Les 400 coups et la révélation cannoise en 1959, le choc A bout de souffle en 1960, Belmondo, Jean-Pierre Leaud, la Cinémathèque d'Henri Langlois, 1968, la rupture et ses fameuses lettres, "Probablement personne ne te traitera de menteur, aussi je le fais.", "Je n’ai plus rien éprouvé pour toi que du mépris...". Tout ceci est aujourd'hui bien connu. Je me suis étonné que Laurent et de Baecque n'aient pas pu (voulu ?) creuser plus avant. En choisissant d'arrêter le parallèle à 1973 (Les deux hommes ne se parleront plus), le film reste en surface de la légende.

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Photographie : blog Translatable images (tournage de Farenheit 451)

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