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01/02/2009

De la censure en Amérique

Mon ami Luc, de l'Illustre Théâtre, m'a demandé de plancher sur la censure. Et il faut toujours renvoyer la censure (pouf, pouf).

Comme l'écrit Ado Kyrou, « le visage du cinéma est amour » et l'amour porte en lui une terrible charge de subversion. Dès les origines, le cinéma a été mal vu par nombre d'autorités dites morales. La puissance expressive des images en mouvement fait peur. En 1896 déjà, The kiss (Le baiser) de William Heise avec May Irwin et John C. Rice fait crier à la pornographie. Aux Etats Unis, terre de contrastes s'il en est, Hollywood sera vite considérée comme une moderne Babylone. Le cinéma attire l'argent à flots. Les acteurs deviennent des stars et jouissent d'une popularité inégalée, de revenus de plus en plus fastueux. Metteurs en scène et producteurs rivalisent de spectacles grandioses destinés à séduire un public toujours plus nombreux.

Des visions de plus en plus hardies prennent corps, comme celles des films d'Erich Von Stroheim qui montre un personnage de Greed (Les rapaces – 1924) joué par Zasu Pitts coucher avec son or de façon fort peu équivoque.

C'est dans ce contexte que les studios, pour répondre aux attaques en moralité à l'issue de plusieurs scandales de moeurs, décident au début des années 20 de s'auto-censurer. Ils font appel à William H. Hays, avocat et directeur de campagne du président républicain Warren G. Harding, pour diriger la Motion Pictures Producers and Distributors Association (qui devient en 1945 la Motion Picture Association of America ou MPAA.). L'association crée les bases de d'un code qui passera à la postérité sous le nom de code Hays et qui explique ce que l'on ne doit pas monter à l'écran. Et une fois le parlant arrivé, ce que l'on ne doit pas dire. La liste est longue.

Dans un premier temps, cette auto-censure n'empêche pas certains créateurs de poursuivre leurs idées. En mars 1930, le code devient officiel et les pressions plus fortes. Les réalisateurs et producteurs, pour peu que les seconds soutiennent les premiers, doivent batailler dur, à l'image de Howard Hawks pour son Scarface, qui devra, par exemple et entre autres, tourner trois fins différentes pour apaiser des censeurs visiblement au bord de l'apoplexie.

En juin 1934, un amendement oblige désormais chaque film à obtenir un certificat de l'association pour pouvoir sortir sur les écrans. On voit encore ce certificat sur nombre de copies de la période. Ancien journaliste et cul-béni, Joseph Igniatius Breen est chargé de faire respecter les règles et il sera particulièrement zélé dans son rôle faisant couper des scènes, en faisant retourner d'autres. L'histoire du code sera jalonnée de combats entre le Breen Office et les réalisateurs et producteurs, jusqu'à l'abandon du code en 1966. Pour donner une idée de la rigidité du code, il était impossible de monter un homme et une femme dans une chambre à coucher s'ils n'étaient pas mariés. Et la MGM dû payer une amende pour la fameuse ultime réplique de Rhett Butler – Clark Gable dans Gone with the wind (Autant en emporte le vent – 1939) : « Frankly my dear, i dont give a damn ».

Pour se consoler, on peut se dire que ces contraintes stimulèrent l'imagination des metteurs en scène comme leur combativité. Avec le recul, certaines scènes se révèlent d'un érotisme délicieux, d'autant plus subtil qu'il devait passer à travers les mailles de la censure comme le baiser de Cary Grant à Ingrid Bergman dans Notorious (Les enchaînés – 1946) de Hitchcock ou l'étreinte sous la pluie de John Wayne et Maureen O'Hara dans The quiet man (L'homme tranquille – 1952) de John Ford. Reste que ce système aura fait beaucoup de mal au cinéma américain, le maintenant dans une vision aseptisée de la vie qui trop souvent fait apparaître les films de cette période comme désuets.

Il est donc étonnant, et assez stimulant de découvrir ou redécouvrir les films de la période « pré-code », avant 1934. On s'aperçoit que Hollywood pouvait alors faire preuve d'audace, de poésie, d'érotisme vrai et d'humour noir. On retrouve ainsi des plans censurés comme ceux de King Kong (version 1933) où Kong croque et écrase indigènes et new-yorkais. Comme cette superbe baignade de Tarzan et Jane dans Tarzan and his mate (Tarzan et sa compagne – 1934) où Tarzan arrachant la robe de la belle, celle-ci évolue dans les eaux dans le plus simple appareil. On retrouve enfin les visions d'orgies de Von Stroheim de Queen Kelly (1929) ou Foolish Wives (Folies de femmes – 1921). On revoit avec émotion le Freaks (1932) de Tod Browning. Plus inattendu est la découverte de l'imaginaire d'un réalisateur connoté « familial » comme Cecil B. DeMille. Ses fresques épiques Sign of the cross ( Le signe de la croix – 1932) ou Cléopâtre (1934) sont traversées de visions mêlant érotisme et sadisme des plus hardies. Il faut voir la grande séquence des jeux du cirque dans le premier film, nous ne sommes pas si loin du Caligula de Tinto Brass.

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Thérésa Harris et Barbara Stanwick dans Baby Face

Au-delà de ces films très connus et qui, même dans leurs versions censurées sont devenus des classiques, il y a tout un tas de productions oubliées qui valent la peine d'être découvertes. Ainsi Baby face (Liliane, tourné par Alfred E. Green en 1933 est étonnamment moderne. On pourrait presque le comparer à Choses secrètes de Jean-Claude Brisseau. Lilianne, jouée avec charme et force par Barbara Stanwyck, est exploitée par son père dans un bar clandestin minable. Quand il cherche à la vendre à un client, ils ont une violente dispute qui se conclut par la mort du père qui se fait sauter avec son alambic. Liliane a une amie, noire et jolie, à laquelle elle semble très attachée. Elle fréquente aussi un vieil intellectuel décati qui lui fait lire Nietzsche et l'incite à partir, à se forger une carapace et à gravir les échelons de la société en utilisant ses charmes. Crânement, Liliane va se faire embaucher dans une grande société et passer d'homme en homme pour monter de poste en poste jusqu'au sommet. Sur un air de jazz, la caméra suit son ascension en gravissant les étages de l'immeuble de la société. Et Liliane avance, cynique, dure, impitoyable. Déterminée. La modernité du film tient à cette interprétation, ainsi qu'à la description sans fard de la société de l'époque, du milieu ouvrier sordide aux intrigues des cadres arrivistes. Green est plutôt direct en matière de sexe et de violence sociale. Le personnage de l'amie, jouée par Theresa Harris est également assez loin des clichés en vigueur façon Hattie McDaniel et leur relation est délicieusement ambiguë. A noter pour l'anecdote que l'une des multiples conquêtes de Baby Face est jouée par le débutant John Wayne, sous chef de bureau niais qui ne servira que de marche-pied.

Les films pré-code ont été remis au goût du jour suite à un documentaire produit par la Warner (rien ne se perd) et une programmation sur TCM. Plusieurs oeuvres ont également été éditées en DVD, autant de raisons de se plonger dans cette époque pleine de surprises et mesurer, une fois de plus, combien la censure peut être bête.

Photographie : Movie Morlock

Un article très détaillé sur Cinéma Classsic

31/01/2009

Clermont 2009

Comme chaque année, je m'offre une escapade au pays des courts-métrages et du jambon sec. Je serais donc du 30 janvier au 3 février au festival de Clermont-Ferrand pour la 31e édition. Vous pouvez cliquer sur l'affiche pour en savoir plus. Bien entendu je vous raconterais ça dès mon retour mais je vous ai laissé deux bricoles pour patienter. Joachim, si tu passes, donne moi un coup de fil.

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30/01/2009

Télépolis

Il était une fois une ville enneigée dont les habitants avaient perdu la parole.

Il était une fois une ville dans laquelle régnait l'omniprésente télévision dirigée par un autocrate à gros cigare.

Il était une fois une ville où les larmes d'une petite fille étaient comme une goutte de verre sur une photographie de Man Ray.

Il était une fois une chanteuse sans visage et son fils sans yeux.

Il était une fois un réparateur de télévision au chômage avec son verre de lunette brisé et sa photographie de famille déchirée.

Il était une fois une cicatrice à la main, héréditaire.

Il était une fois un homme-rat et de sombres sbires comme des ombres avec les mitraillettes de Scarface.

Il était une fois une belle infirmière blonde.

Il était une fois des machines infernales avec de gros boutons et de jolis cadrans désuets.

Il était une fois des hommes ballons, une drôle de lune, des chaussures à hélice, d'étranges gâteaux, de vieilles voitures...

(La suite sur Kinok)


Le DVD

13:38 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : esteban sapir |  Facebook |  Imprimer | |

27/01/2009

Derniers outrages

Candice Bergen est une bien jolie femme. Malheureusement, elle n'a guère eu de chance dans son expérience avec le western. Belle grande, fine, blonde et délicatement hâlée, avec un H comme Halimi, elle incarne une sensibilité et une intelligence qui font cruellement défaut aux personnage masculins qui l'entourent. On peut élargir cette constatation aux réalisateurs qui lui ont fait subir les derniers outrages : rudoyée, battue, les vêtements déchirés, plus ou moins violée, traînée à terre. Ralph Nelson, dans Soldier blue (Le soldat bleu - 1970) l'oblige en plus à supporter la mièvrerie de Peter Strauss dans un film qui montre la cavalerie massacrer les indiens à grands coups d'effets gore pour mieux parler du Viêt Nam et s'abîme dans le ridicule.

The hunting party (Les charognards – 1971) semblait prometteur mais ne vaut guère mieux. Réalisé par Don Medford qui s'illustra à la télévision et dans le troisième épisode des aventures de Mr Tibbs, le policier noir incarné par Sidney Poitier, c'est un de ces westerns qui louchent. Un oeil sur Sam Peckinpah (ralentis, jets de sang, violence exacerbée), un oeil sur le western italien (Tournage du côté d'Alméria, musique plutôt chouette de Riz Ortolani). La belle Candice y est la femme d'un gros propriétaire joué par Gene Hackman et subit ses assauts aussi brutaux qu'impuissants. Pour compenser, monsieur part à la chasse en train spécial, avec quelques amis, quelques prostituées et quelques fusils dernier cri à la portée exceptionnelle. Entre temps, madame, qui fait l'institutrice à ses heures perdues, se fait enlever par un bandit joué par Oliver Reed. Celui-ci a décidé... d'apprendre à lire. Pourquoi ? On ne le saura jamais vraiment mais il en a très envie. Pris en chasse par monsieur et ses amis dont l'épais mais moral Simon Oakland, le bandit fait décimer sa bande par les armes dernier cri mais ne renonce pas à sa soif de savoir. Bien sûr Candice manque se faire violer par un gars joué par L.Q. Jones (acteur chez Peckinpah, clin d'oeil), puis elle est prise rudement par le bandit. Mais comme le chante Brassens, « L'amour a bien des mystères » et Candice aimât le brigand.

Medford a du penser que sa situation de base le dispensait d'un scénario et d'un minimum de profondeur pour ses personnages tout d'une pièce. Erreur. Passé l'attaque au point d'eau plutôt efficace, massacres et embuscades se succèdent avec monotonie et j'ai fini par décrocher. A la fin (oui, je raconte la fin), reste madame, monsieur et le bandit dans le désert. Qu'est devenu le personnage de Simon Oakland ? Et le cheval de monsieur ? Ne cherchez pas. Candice a le visage élégamment brûlé par le soleil et les cheveux en bataille. C'est bien triste.

Heureusement que, sans déroger malgré tout aux brutalités habituelles, Richard Brooks lui donnera quatre ans plus tard un joli rôle dans Bite the bullet (La chevauchée sauvage) ou elle retrouvera Gene Hackman pour un film d'une tout autre tenue.

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Pourquoi tant de haine ? (capture DVD MGM)
Le DVD