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08/06/2008

Petits bonheurs cannois

Plaisir des retrouvailles. Je n'avais pas imaginé que Wong Kar-wai serait là pour la présentation de la version « redux » de Ashes of time (Les cendres du temps), nouvelle version de son film de chevalerie datant de 1994. C'est un film qui a eu des tas de problèmes et, à priori, Wong Kar-wai n'était pas satisfait du résultat. Quand Thierry Frémeaux a appelé le chef opérateur Christopher Doyle, je me suis dit qu'il était là en représentant. Puis son montés les acteurs Carina Lau, l'un des Tony Leung et Charlie Young qui semble peu connue du public bien qu'elle ai été l'héroïne de l'inégalable The lovers de Tsui Hark. J'ai commencé à comprendre qu'il était là. Wong Kar-wai est arrivé sous les ovations comme une rock star, costume noir, lunettes noires, impassible et décontracté. Il faut vous dire qu'en 1989, pour mon second festival de Cannes, j'étais allé voir sur les recommandations de Starfix un premier film venu de Hong-Kong, intitulé As tears goes by qui était présenté à la semaine de la critique. Son metteur en scène était venu à la fin de la projection, un peu raide, un peu timide, jeune, un costume bien sage. Et je m'étais demandé comment un gars aussi banal avait pu réaliser un film comme celui que je venais de voir, violent et passionné. Réponse, Wong Kar-wai n'est pas un gars banal.

Plaisir du soulagement avec le court métrage My rabitt Hoppy de Anthony Lucas après quatre ou cinq autres courts terriblement pénibles.

Plaisir des retrouvailles (bis). Réjouissant le segment du film Tokyo réalisé par Léos Carax, bien qu'il soit présenté comme « un film de merde ». Pour ceux qui aiment le cinéaste et se désolent, comme moi, qu'il ne tourne pas plus souvent, le retrouver avec une oeuvre aussi libre et drôle fait plaisir. Quand on voit Denis Lavant sortir d'un égoût, un oeil blanc, une barbiche rousse mal taillée, les ongles démesurés, dépenaillé, hirsute, semblable à l'Opale de Jean Renoir ; quand on le voit déambuler dans une grande artère de Tokyo sur la musique de Akira Ifukube pour Godzilla, le film fondateur d'Ishiro Honda et terroriser la population en balançant les béquilles d'un handicapé ou léchant l'aisselle d'une jeune fille, on ne peut qu'être aux anges.

Je n'ai jamais été spatialement aussi près de Steven Spielberg. Environ 300 mètres.

Amazone aux yeux verts.jpg
Tu m'emmènes à Cannes l'an prochain / Heu... 

Plaisir de cinéphile. Le film le plus rare du festival, et l'un des plus beaux, ce fut la restauration sous l'égide de Pierre Rissient de Gamperaliya (Changements au village), un film Sri-lankais de 1965 réalisé par Lester James Peries. Mon premier film du Sri-Lanka. Rissient pour le présenter a eu des accents lyriques : « C'est comme découvrir Griffith ». De fait, le film est une splendeur visuelle, fresque à la fois historique, sociale et humaine et une oeuvre d'une grande délicatesse. Gamperaliya nous entraîne dans un monde qui semble très lointain, un sentiment de dépaysement du même ordre que celui dégagé par les films de Kurosawa ou Mizoguchi. En même temps, il dégage un parfum d'humanité très proche. La scène finale est un grand moment de la représentation du couple au cinéma et j'essayerais de revenir là dessus. A la fin du film, les yeux encore humides, je me suis rendu comte que j'étais assis juste devant l'équipe de Positif avec Michel Ciment, N.T. Bihn et Claire Vassé, je crois. Je suis rentré chez moi tout guilleret.

Le geste de Harrison Ford pour mettre ses lunettes juste avant le début de la projection. Souvenir de celui de John Wayne dans She wore a yellow ribbon.

Plaisir de parler de cinéma toute la journée avec des amis, des inconnus dans les files d'attente et Joachim que je rencontrais pour la seconde fois après Clermont Ferrand. Le dernier samedi, dans le décor déserté déjà du village de tentes de l'esplanade Pantiéro, nous finissions la clairette de Die du Conseil Général tout en passant en revue les films du festival avec deux amis chers. Douce et profonde fatigue, décontraction, soulagement d'arriver à la fin, regret d'achever une période de joyeuse désorganisation de vies assez réglées. Promesse de remettre ça bientôt. Nous nous sommes empoignés sur certains films, nous sommes défoulés sur quelques valeurs sures (Dumont, Egoyan, Van Sant, Haneke encore). Mes amis ont fait leurs pronostics et je les ai écoutés sagement car je n'avais vu de la compétition que Gomorra de Mattéo Garrone. Puis sous un ciel sombre, je suis partit voir Indiana Jones dans une salle « normale ».

Plaisir de fouiller une heure dans les affiches et les photographies des vendeurs spécialisés.

Plaisir de rentrer chez soi quand c'est marre. Et puis plaisir du coup de fil d'un ami qui a des places pour la séance de 22h00. Vous en reprendrez bien encore un peu ? J'aurais donc terminé l'édition 2008 avec The good, the bad, the weird (Le bon, la brute et le cinglé) de Kim Jee-Woon, hommage coréen à qui vous imaginez, sorte de bouffonnerie virtuose, un poil trop longue mais assez défoulatoire.

Plaisir le dimanche de filer au festival du Cinéma Brut de Mouans-Sartoux.

Photographie : collection personnelle, l'un de mes achats de cette année. Tall in the saddle (L'amazone aux yeux verts– 1944) de Edwin L. Marin avec John Wayne et la belle Ella Raines (c'est pour elle que j'ai acheté cette photographie).

12:36 Publié dans Festival | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cannes 2008 |  Facebook |  Imprimer | |