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22/12/2006

Western de Noël

C'est marrant comme les sujets s'imposent sur ce blog, plus que je ne les choisis. Cela fait bien trois mois que je travaille à un texte sur les quelques films français que j'ai vu cette année et boum, me voici irrésistiblement saisi du besoin d'aborder un film que je n'ai pas vu depuis des années. C'est Three godfathers (Le fils du désert) réalisé en 1948 par John Ford. Et oui encore, et un western, encore. Mais je n'y peux rien. Je suis tombé sur ceci et dans le morceau John Ford's medley, j'identifie la chanson The streets of Laredo utilisée dans ce film. Aussitôt les images remontent. Le fils du désert est l'un de mes plus vieux souvenirs de cinéma à la télévision. Cinq ou six ans peut être. J'avais été marqué par cette image de la marche finale du héros joué par John Wayne, dans le désert. C'est le soir, un vent lugubre souffle, l'atmosphère est quasi fantastique (d'autant que je voyais le film en noir et blanc alors qu'il a été tourné en Technicolor). Et pendant un moment, le personnage est accompagné des fantômes de ses amis morts (Pedro Armendariz et Harry Carey junior) qui marchent en surimpression et l'encouragent à tenir bon. J'aimais bien les films avec des fantômes quand j'étais enfant.

Une dizaine d'années plus tard, le film avait été choisi pour rendre hommage à Wayne quelques jours après sa disparition. C'était un mardi sur France 3 et j'avais encore une télévision noir et blanc. Je me souviens encore des mots de la présentatrice : « John Ford, John Wayne, une amitié qui nous donnera des joies pendant longtemps encore ». Elle ne croyait pas si bien dire ou je ne croyais pas si bien comprendre. Car ce film est un film d'amitié autant qu'un film sur l'amitié.

 

D'amitié parce que Ford l'entreprend sous le coup de la disparition, en septembre 1947, de Harry Carey, avec lequel il avait ses début dans le cinéma et le western à la fois en 1917 avec la série Cheyenne Harry. Après l'échec de The fugitive (Dieu est mort), Ford veut revenir à son genre de prédilection et envisage un remake de Marked men qu'il avait réalisé en 1919 avec Carey. Ce film avait été porté à l'écran en 1916 par Edward LeSaint, déjà avec Carey et fera l'objet de trois autres versions, 1929 par William Wyler, 1936 par Richard Boleslawski et 1973 par John Badham avec Jack Palance. Bref, Ford pleure son ami et interrompt le projet. Il réalise Fort Apache puis revient à la charge mi-1948. Le film sera dédié à Harry Carey « Brillante étoile au firmament des premiers western ». Ford engage son fils pour le rôle du Kid et réunit l'essentiel de sa troupe d'acteurs. Aux côtés de John Wayne il y a Pedro Armendariz, Ward Bond, Mildred Natwick, Hank Worden, Jack Pennick, Francis Ford, Jane Darwell, Mae Marsh et Ben Johnson dans un (tout) petit rôle. Laurence Stallings et Franck S. Nugent au scénario, Richard Hageman à la musique qui donne la part belle aux ballades authentiques, Winton C. Hoch à la photographie, un film entre amis donc, même si Ford mena une nouvelle fois son monde à la dure.

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Repensant à ce film, je me rends compte à quel point les westerns de Ford sont éloignés, souvent, des images classiques du western. La subtilité avec évidence qui plait à Tepepa dans les propos de Wilder. Trois petits truands ratent un vol de banque et s'enfuient dans le désert. Perdus dans une tempête, ils découvrent une femme enceinte dans un chariot abandonné. Ils doivent l'accoucher. Elle meurt. Ils se retrouvent avec le bébé sur les bras. Tentant de traverser le désert, deux d'entre eux meurent mais le troisième arrive à rejoindre une ville. La ville s'appelle New-Jerusalem et nous sommes dans la nuit du 24 décembre. Oui, en fait de western, Le fils du désert est une parabole biblique, un conte de Noël, une comédie, une tragédie, une méditation sur l'amitié, la foi et la paternité. C'est un film sans « méchants » où le shérif est surnommé « Sweet » (doux ou biquet en VF) et où le final est une grande réconciliation façon Capra grand cru. Avec de tels éléments, on pourrait s'attendre au pire mélo moralisateur. Mais Ford transcende ces données de base par la foi qu'il met dans son histoire, dans ses personnages et dans ce subtil équilibre qu'il conserve entre réalisme et poésie, entre humour et drame, entre morale et humanité. L'Art de Ford, c'est ce passage de la séquence de l'accouchement, dramatisée par la tempête qui fait rage autour du chariot bâché, la fragilité donnée à la mère épuisée (Natwick) et les effets quasi expressionnistes de lumière et de cadrages, à la séquence apaisée, très drôle, où les trois pieds-nickelés doivent prendre en charge les besoins du bébé. Il faut avoir vu John Wayne dans la photographie un peu plus bas, avec cet air perplexe qui lui va si bien, se demander comment baigner l'enfant et Pedro Armendariz proposer de l'enduire de graisse à chariot. Ces ruptures de ton, maîtrisées et surtout toujours justifiées par l'action et la dynamique des personnages, c'est ce qui fait que l'on fait corps avec le film et que l'on accepte qu'il nous emmène sur les terrains les plus périlleux, en l'occurrence cette variation sur l'histoire des rois mages. Et lorsque Wayne découvre un âne annoncé par les pages d'une bible feuilletées par le vent quelques instants auparavant, il n'y a pas de surprise mais de la simple poésie. Joyeuses fêtes de Noël.

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Le film par Scott McGee sur TCM

De très belles photographies sur Rouge

The streets of Laredo sur l'Hispaniola

la chanson est interprétée par The sons of the pioneers, groupe fétiche de John Ford.

Le DVD

Photographies : The poster palace et capture d'écran DVDbeaver

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