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31/12/2009
Moisson rouge (Slightly scarlet)
Bouquet final du coffret, Slightly scarlet est un manifeste esthétique en forme de film noir aux couleurs vibrantes. Une série noire installée au sein des décors d'un mélodrame de Douglas Sirk. Étrange destinée que celle de ce film, un projet que Dwan a pris avec des pincettes, dubitatif qu'il était sur le matériau de départ, un roman de James Cain, l'auteur d'Assurance sur la mort (adapté par Billy Wilder) et du fameux Le facteur sonne toujours deux fois (adapté par Luchino Visconti, Tay Garnett et Bob Rafelson). Le roman est mauvais nous dit-on, aussi Dwan et son scénariste Robert Blees se sont employés laisser l'intrigue de côté pour développer les personnages, leurs actions et pulsions, et faire du cinéma. D'où une œuvre atypique, maniant l'abstraction (La ville imaginaire de Big City, les décors inattendus, les éclairages expressionnistes), mêlant le classique à l'audacieux, le romantisme au maximum d'érotisme permis à l'époque, pour un film construit sur des oppositions fortes, sur le rythme syncopé d'un morceau de jazz. Mal exploité par un studio en pleine déconfiture, le film est un échec, mais cela lui vaudra paradoxalement son statut de diamant noir, de perle rare, de film culte selon l'expression consacrée et ici assez justifiée.
Plus que cela, Slightly scarlet est la synthèse du style né de l'association Bogeaus / Dwan et des hommes et femmes réunis autour d'eux. Slightly, c'est le soupçon de, la touche de, cela se murmure, cela exprime la légèreté, la classe et l'élégance, le suggéré, le cool. Scarlet, c'est tranchant, sec comme une gifle ou un baiser rageur. C'est l'écarlate de la passion, le rouge du sang qui bat aux tempes ou qui coule des blessures, l'éclat des chevelures rousses luxuriantes.
Dwan retrouve ici deux de ses acteurs fétiches, John Payne et Rhonda Fleming, pour une histoire délibérément complexe d'étreintes, de frôlements, de manipulation, de coups et de chaleur. Au-delà de l'apport de Cain, le film brasse quelques grandes figures du film noir. Les deux soeurs June et Dorothy, jouées par Fleming et Arlene Dahl, avec leur rivalité amoureuse, leurs névroses sexuelles (Dorothy, qui sort de prison, est kleptomane, nymphomane et un brin masochiste), rappellent les soeurs Sternwood de The big Sleep (Le grand sommeil – 1946) de Howard Hawks. L'ambiance de corruption municipale et les rivalités entre notables et gangsters ramènent à La clef de verre écrit en 1931 par Dashiell Hammett et les manipulations du héros Ben Grace (tout un programme) à La moisson rouge (1929) du même Hammett, deux romans qui inspirèrent Kurosawa, Leone ou les frères Cohen pour Miller's crossing (1990). A cette prestigieuse série, on ajoutera le Kiss me deadly (En quatrième vitesse) de Robert Aldrich sortit un peu avant qui partage avec le film de Dwan le goût du rythme saccadé et l'efficacité dans la représentation de la violence et du sexe, et puis bien sûr, le seul film proche en termes esthétiques, le superbe Party Girl (Traquenard) de Nicholas Ray sortit en 1958 qui utilise remarquablement la couleur au sein du genre.
Mais ceci nous éloigne de Slightly scarlet qui est avant tout œuvre de style, de style et encore de style. La voiture bleue de Ben Grace, le coupé crème de June, l'intérieur lumineux au jardin luxuriant des deux soeurs, La demeure aux éclairages gothiques de Solly Casper, le roi de la pègre, la villa sur la falaise avec ce plan toujours répété de la voiture qui glisse dans le virage, les grandes ombres déployées par John Alton (il est ici à son sommet) dans les grands espaces des décors de Van Nest Polglase, les shorts courts de June et Dorothy, leurs décolletés, le grand aquarium, le foulard bleu de Dorothy qui met en valeur ses cheveux et ses yeux capiteux, et toujours les touches de rouge à travers les bouquets de fleurs, il n'y a pas d'images anodines dans le film. Une nouvelle fois, Dwan met en scène un trio, un homme et deux femmes ici, et toujours cet enjeu sous-jacent mais capital, quelle est la part de vérité dans les sentiments exprimés par l'homme ? Par quels chemins se débarrassera-t'il de ses instincts contradictoires (argent, pouvoir) pour finir entre les bras féminins ? John Payne reste merveilleusement ambigu et son Ben Grace ne trouve sa rédemption morale que par une épreuve physique, douloureuse, semblable à celle du personnage de Cornel Wilde dans Passion. Il faut avouer qu'il a fort à faire, ses pulsions d'ascension sociale se trouvant en butte aux désirs des deux soeurs, l'un des couples les plus sensuels vu sur un écran hollywoodien. À 70 ans, Dwan a l'érotisme flamboyant et filmer une belle jambe ou une lèvre frémissante lui inspire les images les plus émouvantes. Pour avoir ainsi embelli le cinéma et le monde qu'il en soit ici remercié.
Chronique pour Kinok
Photographie : Henning Sebastian Jahre
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30/12/2009
Rhonda au bain (Tennessee's partner)
Tennessee arrive devant la porte de la duchesse et stoppe en l'entendant chanter. Elle prend son bain dans une de ces belles baignoires sabot de l'Ouest, environnée d'étoffes, levant haut une jambe parfaite. Tennessee ne cherche pas à entrer, il reste là sur le seuil avec un sourire étrange, un peu félin. Dedans, la pièce est plongée dans une douce lumière dorée qui fait miroiter l'abondante chevelure rousse répandue sur les épaules. Tout autour, les rideaux verts sombre, les tentures, les serviettes, composent un écrin soyeux d'où ressortent l'ovale du visage pris de trois quart dos, la courbe de l'épaule et la finesse des mains. Si Tennessee n'entre pas, c'est qu'il a du tact mais aussi qu'il savoure par avance le spectacle qu'il connaît bien. Lui et la duchesse sont amants. Ils sont aussi en affaire, elle qui dirige la maison de rendez vous la plus huppée de la ville (où l'on reconnaîtra si l'on est attentif la débutante Angie Dickinson), lui qui est joueur professionnel et assure discrètement la sécurité. C'est le premier couple admirable de Tennessee's partner. Deux figures types du western, deux clichés transformés en êtres sensibles, uniques. Pour mesurer l'art et la sensibilité de Dwan, il suffit de comparer ce couple à ce que fera John Sturges deux ans plus tard dans Gunfight at OK Corral avec le couple Burt Lancaster / Rhonda Fleming, pestant de se voir imposer l'actrice par le producteur Hal Wallis, arguant que son personnage ralentissait l'action. Sturges est un âne, visiblement incapable de détourner une contrainte à son profit. Dwan en utilisant les ressources de Fleming, en privilégiant de tels temps calmes, fait de son couple l'un des plus beaux de l'histoire du western. Et sans sacrifier l'action.
Le second couple est tout aussi original. C'est celui formé de Tennessee et de son partenaire, Cowpoke, le cow-boy un peu rustre joué par Ronald Reagan dans l'un de ses meilleurs rôles. Deux hommes et une femme, combinaison chère à Dwan comme à Howard Hawks, compliqué ici de la femme que Cowpoke doit épouser (le mariage du titre français), jouée par la belle Coleen Gray, diaphane fiancée de John Wayne dans Red river (1946) de Hawks, vue aussi chez Tourneur, Fregonese et Kubrick. Joli personnage double qui cherche à manipuler le naïf Cowpoke. Contrairement à Hawks, Dwan s'amuse à jouer sur l'ambiguïté de la relation masculine, ce qui nous vaut quelques scènes étonnantes, surtout dans le contexte de l'époque, et quelques échanges à double sens : « Je ne sais pas où coucher / Tu restes avec moi » ou l'excellent « Tu devrais te marier / Mais il faut épouser une femme ! ». Donc Cowpoke sauve la vie de Tennessee et c'est désormais à la vie à la mort entre les deux hommes. La chambre qu'ils partagent à un moment est baignée de la lumière sensuelle de John Alton, Cowpoke, torse nu et avantageux, est langoureusement lové dans ses draps tandis qu'il écoute son ami. On se croirait chez les deux sœurs de Slightly scarlet. La force du cinéma de Dwan réside dans de telles scènes et dans ce qu'elles irradient sur l'intrigue du film de série, solide histoire de western avec mine d'or, meurtre, manipulations et cavalcades. Mais son enjeu profond est le conflit entre amitié virile et amour hétérosexuel, entre une vie sans attaches, adolescente, et une vie de responsabilités, d'engagement. Un conflit qui ne se résout que par le déchirement. A la fin, il y a un plan admirable où l'on voir Tennessee rejoindre la Duchesse, le pas lourd, les épaules voûtées. Il monte lentement la pente et le temps est comme suspendu. Un moment unique juste avant le classique happy end. Sur le côté, un massif de fleurs rouges, comme la signature de Dwan et Alton.
Chronique pour Kinok
Photographie source : Film noir photos (vous pouvez la découvrir avec une plus grande résolution)
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29/12/2009
Sweet Virginia (Pearl of the south Pacific)
Le cinéma hollywoodien a manifesté un goût certain pour l'aventure exotique située dans les îles paradisiaques du Pacifique sud. Plages bordées de cocotiers, sympathiques tribus locales vêtues d'élégants paréos colorés, mise à l'eau des canots effilés sous les yeux des villageois, lagons paisibles recelant perles rares protégées par de gigantesques pieuvres, élégantes maisons de bambou et de palme, sensualité moite, rites païens, aventuriers avides de richesses ou de rédemption. Toute une imagerie qui exprime au son de mélodies hawaïennes l'idée du paradis perdu traversant les oeuvres de Ford, Murnau, Ludwig, Thorpe, Robson, Malik et ici Allan Dwan.
Bien que son réalisateur confesse n'avoir pas aimé le film (« une catastrophe complète »), Pearl of the south Pacific est une agréable découverte. Ses naïvetés et son côté kitsch sont transcendés par un scénario habile écrit par Jesse L. Lasky Jr, la beauté de la mise en scène et surtout l'érotisme véhiculé par l'éclatante Virginia Mayo. On retrouve dans ce film un schéma qui nourrit cette série de films, une relation homme-femme dans laquelle se mêlent manipulation et amour vrai. L'évolution de l'aventurier Dan Merrill de son avidité pour les perles noires vers son désir de la belle Rita Delaine se complique du propre parcours de Rita dont la conscience s'éveille au contact de la civilisation harmonieuse préservée par Tuan Michael et l'amour que lui porte son fils, Georges (comme vous ou moi). Une combinaison qui rappelle celle de Cattle Queen of Montana, d'autant que Lance Fuller joue à nouveau l'amoureux exotique et transi tandis que le triangle se complique de la jalousie de la belle Momu promise à Georges, du fait que Rita et Dan sont d'anciens amants et que Rita a séduit de son côté le rustique Bully Hague pour monter l'expédition. Ici, rien des implications érotiques du quintet n'est éludé. Seul point faible du film, l'interprétation masculine manque de relief. David Farrar joue un Bully d'une pièce et Dennis Morgan est un héros solide mais un peu pâle. Son Dan Merrill rappelle le personnage joué par John Wayne dans Wake of the red witch (Le réveil de la sorcière rouge – 1948) d'Edward Ludwig, film qui possède également un lagon à perles gardé par une pieuvre géante. Mais Farrar est loin d'avoir le charisme du Duke.
C'est le genre de détail qui ne trouble pas Dwan qui reporte toute son attention sur Virginia Mayo. Virginia... du premier plan qui montre ses longues jambes descendant l'escalier du bateau à ses poses alanguies, jouant de l'accordéon sur le pont comme Rita Hayworth chez Welles, de ses poses provoquantes, épaules et seins en avant, à son troublant déshabillage nocturne, tout le film est une ode sensuelle à sa beauté. Et qui ne manque pas d'humour quand la belle se fait passer pour une missionnaire avec sa longue robe rose et blanche. Dwan l'enveloppe de mouvements caressants, la peint aux couleurs chaudes de John Alton dont le travail est particulièrement inspiré. La visite nocturne de Momu puis de Bully est une splendeur visuelle faite de noirs et de bruns profonds où percent des éclats de lumière qui révèlent la ligne d'une jambe ou le modelé d'une épaule.
Chronique pour Kinok
Affiche source : Movie posters
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28/12/2009
Un soupçon de rouge (Escape to Burma)
Robert Ryan cavale dans la jungle Birmane. Accusé du meurtre du fils du Sawbwa, le potentat local, il a des soldats à ses trousses. Barbara Stanwyck élève seule des éléphants dans la jungle. Cattle queen of Burma, elle règne sur une propriété vaste et splendide, est bonne pour les pachydermes et bienveillante pour les indigènes. Ryan débarque dans la demeure de Stanwyck. Comme il n'y a personne, il fait comme boucle d'or dans le conte et se sert un solide whisky avec l'élégante désinvolture d'un John Payne dans Slightly Scarlet. Moment magnifique, temps mort, suspendu, le monde lui appartient. Au retour de Stanwyck, tout se passe bien, il est retenu à dîner et on lui prépare une chambre. C'est Hollywood. Art de vivre, art de recevoir, art de filmer. Ryan, grand, superbe, l'allure d'Indiana Jones pour nos plus jeunes lecteurs, réveille la femme de chair et de sang à peine assoupie chez Stanwyck. Du bruit dans l'obscurité de la nuit tropicale, elle se lève vivement et traverse l'immense chambre en faisant voler à la lumière de la lune sa chemise de nuit. C'est la lumière de John Alton. Plus tard, ce sera une étreinte dans la jungle moite et sensuelle. Envolée musicale de Louis Forbes.
Sur ce débarque un policier anglais, joué par David Farrar. Il porte le nom d'un manteau (Cardigan). Il est censé régler cette histoire avec tout le tact britannique. Stanwyck manque de le faire écraser par un de ses éléphants. Pas touche à mon homme. Mais le poison du doute s'est insinué dans la passion. Ryan mentirait-il ? Ne se sert-il pas d'elle et de ses sentiments ? Comme Reagan dans le film précédent, Ryan joue l'ambiguïté, sa virilité s'embarrassant peu d'explications. Il est d'un bloc et il faut tout entier le prendre ou le laisser. Fuite dans la jungle, étrange ménage à trois, retournements de situation, menottes, singes et une nuit dans un temple façon Fritz Lang. Escape to Burma a été tourné dans les décors loués de la superproduction The conqueror (Le conquérant), navet à grand spectacle de Dick Powell qui fit jouer à John Wayne Gengis Khan avec des moustaches tombantes. Voyez le tableau.
Dwan a une autre classe et conserve, en Technicolor, le charme des jungles de studio des années 30 qui dégageaient une vraie poésie. Fatiguée, Stanwyck s'allonge avec abandon sur les dalles du temple antique. Plaisir intense de l'aventure avec le piment de deux mâles à ses côtés. La magie de Dwan et du film est de ces moments là, quand les péripéties comptent pour du beurre et que les enjeux se situent entre elles, dans les frémissements de l'héroïne, les mouvements félins de Ryan, l'attention porté à un plan comme celui de l'enfant messager. Charme d'une interprétation sans faille, d'un rythme soutenu, de mouvements enveloppants. Atmosphère des nuits bleutées de studio. Poésie ludique quand Dwan et Alton parsèment leurs images de touches de rouge, un foulard, une poignée de rubis, de multiples fleurs de la jungle, un coussin. Rouge du sang qui roule dans les veines et de la passion qui serre les coeurs.
Chronique pour Kinok
Photographie source : capture DVD Carlotta
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27/12/2009
Femme à poigne (Cattle queen of Montana)
Un western de série classique selon son scénariste Robert Blees, Cattle queen of Montana ne dévie pas de son programme et c'est dommage. Je le tiens pour le film le moins intéressant de la collection avec son intrigue tarabiscotée à base de complot, trafic d'armes, vol de terre et de bétail par un gros rancher avide, bons et mauvais indiens, poursuites et traquenards. Cattle queen of Montana a des airs de western de série des années 30 et 40, Technicolor en plus. S'il reste plaisant à suivre il n'en est pas moins désuet. Les éléments plus plus intéressants sont peu ou mal exploités comme l'amour filial de Sierra Nevada Jones (Barbara Stanwyck) qui donne une si belle scène apaisée et nocturne ou la relation entre Jones et Colorados, le bel indien pacifiste, qui évacue trop systématiquement l'aspect sentimental et sexuel. La question du racisme est finalement peu utilisée alors que les pistes esquissées (l'arrivée en ville de Jones et Colorados) semblaient prometteuses. La représentation des indiens n'évite pas les ridicules de l'époque (ils parlent un mauvais anglais, même entre eux). Si Barbara Stanwyck fait montre de conviction en Sierra Nevada Jones, son personnage n'a pas l'envergure de ses compositions similaires chez Anthony Mann, Rudolph Maté ou Samuel Fuller dans le genre femme forte maniant le six-coups et le fouet. Et puis sa relation avec le personnage joué par Ronald Reagan manque trop de nuances pour qu'elle fasse ressortir une fragilité que l'on trouvera dans Escape to Burma.
Reagan, parlons-en. Raide, trop limité dans ses expressions, il manque de présence et échoue à donner du relief à un personnage qui aurait pu être passionnant d'ambiguïté. Reagan n'a ni l'élégance décontractée de John Payne, ni l'autorité de John Wayne. Du coup, j'ai l'impression que Dwan en a profité pour équilibrer le personnage de Colorados, mais la composition de Lance Fuller tout en noblesse façon Jeff Chandler manque aussi de nuance. Côté méchants, le problème est le même, ni Gene Evans côté blanc, ni Anthony Caruso côté indien ne sortent des clichés. On trouvera son plaisir dans les apparitions de Jack Elam en second couteau.
Restent quand même de jolies choses, la préparation de la première attaque nocturne au son d'une mélodie à l'harmonica, les beaux décors naturels du Montana dont Dwan capte le grandiose tranquille, écrin de verdure et de montagnes indifférent à l'agitation des hommes, de belles compositions de John Alton, essentiellement dans le camp indien avec le conseil de la tribu et des plans larges en extérieur où il joue de nouveau avec des rouges éclatants. Le film est suffisamment rythmé, enchaînant les rebondissements feuilletonesques pour offrir un bon moment, un de ceux que l'on passait, enfant, allongé devant le poste de télévision sur la moquette.
Chronique pour Kinok
Photographie source : Notre cinéma
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26/12/2009
La vengeance est à moi (Passion)
Peut être le film le plus étonnant de la série, Passion ne relève d'aucun genre précis, se situant dans la Californie du début du 19e siècle sous domination espagnole. Celle de Zorro. Sorte de western décalé où l'on s'appelle par son nom complet comme au théâtre, Gaspar Melo ou Juan Obreon. Passion est une histoire de vengeance bien carrée qui surprend toujours dans ses développements. Ainsi l'intrigue sentimentale est maintenue au second plan et n'interfère jamais avec le mouvement général du film tout en l'enrichissant constamment. Dwan allie les ressorts du mélodrame (le bébé que l'on croit mort mais qui a été sauvé) et un finale impressionnant au cœur de montagnes enneigées en proies à la tempête (sans doute la tornade du titre français) toutes choses semblants sorties du cinéma muet, avec des éclairs de violence, une sauvagerie des sentiments et un traitement visuel de plusieurs personnages secondaires qui ne dépayseraient pas l'amateur de western italien. Les visages de Lon Chaney junior, Rodolfo Acosta et Frank DeCova !
La performance de Cornel Wilde, tout aussi possédé par son obsession que dans The big combo (Association criminelle - 1955) de Joseph H. Lewis, permet à Dwan de construire le film sur le parcours tragique de Juan Obregon que le chagrin de la destruction de sa famille a transformé en implacable machine à tuer. Au couteau. Son parcours mental se traduit par l'évolution du décor qui passe de la ferme bucolique, la plaine élégiaque et paisible, image du bonheur au début du film, au sommets escarpés, la montagne âpre et couverte de neige, secouée de vent glacé, où les hommes se poursuivent à pied, ayant abandonné leurs chevaux, bravant les parois trop raides acharnés dans leur désir de meurtre. Le mouvement puissant du film qui progresse en son centre par de larges ellipses compense les éventuelles interrogations géographiques et les curiosités d'un scénario où un personnage fuit en haute montagne sans prendre le temps se s'habiller en conséquence. Détail qui n'émeut pas Allan Dwan.
Passion empoigne et transporte. Une nouvelle fois, les schémas de la série B sont sublimés par l'invention constante de Dwan, son sens des temps de pause, sa sensibilité aux moments tendres comme la dernière nuit entre Juan et sa femme, la délicatesse des scènes avec John Qualen ou l'intelligence du personnage du policier, attachant car difficile à situer, jouer par Raymond Burr. Il y a surtout cette idée superbe qui fait jouer par Yvonne DeCarlo le double rôle de la femme aimée et de sa soeur, garçon manqué mais fille si réussie, à l'oeil de feu et à la culotte moulante. Elle passe avec aisance par toute une gamme d'expression qui font de Rosa/Tonya l'un des personnages féminins les plus fascinants de la riche galerie de portraits du réalisateur. L'éveil de sa sensualité est aussi l'espoir pour l'âme tourmentée du héros blessé.
Chronique pour Kinok
Photographie : capture DVD Carlotta
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25/12/2009
Les cavaliers de l'apocalypse (Silver lode)
Premier film de la collaboration entre Dwan et Bogeaus, Silver lode est tout simplement l'un des westerns les plus forts des années 50, âge d'or du genre s'il en fût. La scénariste Karen de Wolf et Dwan qui remania le script au tournage ont construit une mécanique impeccable qui allie l'intensité du thriller hitchcockien au drame sentimental, l'excitation de l'action pure à la parabole politique. Ce dernier point est d'autant plus remarquable qu'il n'est jamais revendiqué, glissé comme en contrebande pour reprendre la notion chère à Martin Scorcese. Souvent comparé à High noon (Le train sifflera trois fois – 1952) de Fred Zinnemann, Silver lode le surclasse sur tous les points en substituant la pureté classique de la mise en scène de Dwan à l'emphase démonstrative, une tension palpable à un suspense artificiel et la finesse des personnages à des figures le plus souvent allégoriques.
La plus grande réussite du réalisateur est peut être sa façon de rendre les mouvements collectifs, comment il montre la petite communauté changer de sentiment vis à vis de Dan Ballard, le héros faussement accusé, de l'estime à la suspicion puis à la lâcheté, la violence et la pulsion de lynchage. Comme Ford, Wellman ou Ray, Dwan montre comment une foule de braves gens peut se transformer en meute sauvage. Et bien sûr, il donne à son méchant, l'extraordinaire Dan Duryea, le nom de McCarthy, patronyme du sinistre sénateur-inquisiteur de la chasse aux sorcières, alors qu'il aurait pu s'appeler Georges comme vous ou moi. Finement, Dwan livre un large spectre d'attitudes, de la fidélité à l'hésitation jusqu'à l'abjection, et jamais les personnages ne sont l'illustration de ces attitudes mais celles-ci naissent de la mécanique du récit, de la mise en scène qui définit ce qu'ils voient, ou ce qui leur est dit. Le suspense naît de l'avance que Dwan donne au spectateur et parfois de ce qu'il dissimule ou entretient d'ambiguïté. C'est ainsi que Ballard a bien un passé trouble. C'est ainsi que l'un des cavaliers (quatre comme ceux de l'apocalypse), joué par le sympathique acteur fordien Harry Carey Junior, est saisi par le doute et donne à Ballard comme au spectateur un moment d'espoir vite réduit à néant.
Autre aspect à mon sens remarquable, la façon dont Dwan intègre la symbolique à la mise en scène. L'action est concentrée en une journée, le 4 juillet, jour de la fête nationale américaine. Tout se déroule au cœur d'une petite ville pavoisée aux couleurs de l'Amérique. Les quatre cavaliers arrivent le jour du mariage (pilier du système) de Ballard et le récit trouve son climax au sommet du clocher d'une église (autre pilier), autour de la cloche (symbole fondateur américain très puissant). Ces éléments sont insérés dramatiquement, offrant un contre-point ironique quand on voit Ballard s'enfuir entre les guirlandes rouges et bleues et ramper sous les tables décorées portant l'inévitable tarte aux pommes (encore un pilier). Il faudrait encore citer les puissantes compositions de groupe, contrastant avec les larges plans où Ballard fuit dans les rues désertées, les superbes mouvements de caméra, l'utilisation du plan séquence et de la profondeur de champ, la splendide ouverture avec le groupe d'enfants effrayés et les sabots des chevaux, une introduction dont il me plaît de penser qu'elle a inspiré Sam Peckinpah 15 ans plus tard pour le début de The wild bunch (La horde sauvage – 1969). Il faudrait encore dire l'excellence d'une distribution homogène, la composition habitée de John Payne, homme tranquille qui voit le sol se dérober sous ses pas et exprime une authentique terreur combattue avec l'énergie du désespoir, la beauté complémentaire des actrices Lisabeth Scott et Dolorès Moran avec sa combinaison rose à rayures. Il faut définitivement voir Silver lode.
Chronique pour Kinok
Affiche source : Movie posters
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22/12/2009
Sale temps pour la saison
Avec celle de Dominique Zardi, il y a eu trois disparitions qui me semblent mériter quelques lignes, Ainsi va la gloire du monde, comme on dit par chez nous.
Fin novembre, c'est l'espagnol Paul Naschy qui a cassé sa pipe. De son vrai nom Jacinto Molina, il a incarné le cinéma fantastique et d'horreur espagnol pendant une trentaine d'année, en particulier par son interprétation du loup-garou Waldemar Daninsky. Il avait débuté comme figurant dans les superproductions américaines tournées en Espagne par Nicholas Ray pour Samuel Bronston au début des années 60. Mais on l'aura vu aussi en Napoléon, Dracula, le Cid, Mister Hyde, la momie ou Fu Manchu. Son goût pour les interprétations hautes en couleur et le travestissement lui auront valu le surnom de Lon Chaney Espagnol. Naschy était également producteur, réalisateur et scénariste. (Un site dédié)
Pour rester dans le fantastique, saluons comme il se doit la mémoire de Dan O'Bannon, compère de John Carpenter sur Dark Star (1974). O'Bannon a collaboré aux titres essentiels de la science fiction des années 70 et 80, à commencer par Star Wars (1977) de Georges Lucas où il travaille sur les effets spéciaux, et Alien (1978) de Ridley Scott pour lequel il écrit le scénario avec Ronald Shusett. O'Bannon aura travaillé avec Moebius, John Badham, Paul Verhoeven, Tobe Hooper et Alejandro Jodorowsky pour l'adaptation cinématographique jamais concrétisée du roman Dune de Frank Herbert. Il est également partie prenante du dessin animé Heavy Metal en 1980 pour l'épisode du bombardier envahi par les morts vivants, seul moment de pure terreur du film, bien dans l'esprit des bandes dessinées des années 50. Il passera deux fois derrière la caméra, la plus notable étant Return of the living dead (Le retour des morts vivants) en 1985, comédie horrifique et rock and roll qui tient plutôt bien le coup.
Tout à fait autre chose avec Bob Willoughby, photographe, l'un des plus importants créateur d'icônes hollywoodiennes. On lui doit quelques images célébrissimes commes celles d'Elisabeth Taylor ou d'Audrey Hepburn. C'est lui qui photographia John Wayne dans les années 70 dans un style des clichés du 19e siècle, Ann Bancroft en manteau panthère, Polanski, Edwards ou Preminger sur leur plateaux de tournages. Son talent ne se limitait pas au cinéma puisqu'il a immortalisé quelques uns des plus fameux jazzmen, de Louis Armstrong à Chet Baker. En 2004, une exposition lui avait été consacrée à Nice. C'est peut être pour cela qu'au moment où j'écris, il n'y a que le journal local qui a parlé de sa disparition. Il faut dire qu'il s'était installé dans la région.
Photographie : couverture du livre de l'exposition niçoise, collection personnelle.
15:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : jacinto molina, paul naschy, dan o'bannon, bob willoughby | Facebook | Imprimer | |
17/12/2009
Allan Dwan
" ... nous frappent d'emblée la douceur du ton, la fluidité de la narration, l'importance accordée aux temps morts, l'élégance avec lesquels nous sont décrits les élans du coeur, les sentiments et les passions" (Bertrand Tavernier dans Le western – collectif 10/18 - 1969)
Bien que son nom soit aujourd'hui un peu oublié, Allan Dwan, né en 1885 au Canada, est l'un des réalisateurs fondateurs du cinéma hollywoodien aux côtés de Dark W. Griffith, Raoul Walsh ou Cécil B. DeMille. L'importance de son oeuvre force le respect puisque l'on parle de plus de quatre cent films entre 1911 et 1961. Paradoxalement, l'essentiel de cette filmographie datant des temps du muet, elle est à peu près complètement perdue. Régulièrement un festival spécialisé comme celui de Pordenone exhume une oeuvre rare. Après un apprentissage auprès de Griffith soi-même, il devient l'un des grands de l'usine à rêves et dans les années 20 dirigeant les versions de Robin des bois ou du Masque de fer avec Douglas Fairbanks. Dwan est l'image même du réalisateur artisan, travaillant sans trêve ni repos pour les grand studios sans toutefois abdiquer, comme on le voit trop souvent, un sens artistique quasi instinctif, et manifestant un attachement viscéral à son travail. Plus que cela, il est l'un de ceux qui explorèrent et définirent les possibilités du nouveau moyen d'expression qu'était alors le cinéma et contribuèrent à transformer l'attraction foraine en art spécifique. D'où la pureté de son langage. Chez Dwan, un arbre, une voiture, un visage de femme, un geste, a la clarté de l'évidence, la beauté de ce qui est vu comme pour la première fois.
Pour le grand public, Dwan est avant tout le metteur en scène d'un excellent film de guerre, Sands of Iwo-Jima (1949), qui offrit à John Wayne l'un de ses rôles emblématiques et une première nomination aux oscars. Pour le reste sont essentiellement connus des films de fin de carrière, ceux des années 50, une superbe série de films à petit budget réalisés pour la RKO (Le mythique studio de King Kong (1933) et Citizen Kane (1941) ) sous la houlette du producteur Benedict Bogeaus qui venait de remettre en selle Jacques Tourneur. Il faut donc saluer comme il se doit la sortie du coffret des éditions Carlotta qui reprend sept films marquants sortis entre 1954 et 1956.
Aventures exotiques, film noir, western surtout, nous sommes dans le cinéma de genre. Petits budgets, tournages rapides, décors récupérés (avec quelle habileté !), nous sommes dans l'économie de la série B. Cette période est marquée par la collaboration entre Dwan et Bogeaus. En 1953, Dwan est producteur pour la dernière fois avec Woman They Almost Lynched (La Femme qui faillit être lynchée). Il confessera à Peter Bogdanovich son peu de goût pour la phase de production, l'organisation, la préparation. Ce qu'il aime, c'est le tournage. Benedict Bogeaus entoure Dwan de techniciens talentueux à commencer par le directeur de la photographie John Alton, un maître du noir et blanc qui a notamment travaillé sur les premiers films noirs d'Anthony Mann et signé les images magnifiques du Big combo (Association criminelle) de Joseph H. Lewis en 1955. Alton se révèle très créatif en Technicolor, de par son utilisation de la couleur rouge, de ses noirs profonds et de ses effets de contre-jour sculptant dramatiquement l'ombre et la lumière. La richesse de sa photographie compense l'étroitesse des moyens. Dans le même esprit, le directeur artistique Van Nest Polglase tire le maximum des décors souvent loués ou récupérés, sachant rendre inoubliable tel décor de temple, l'appartement des soeurs de Slightly scarlett ou la petite ville pavoisée de Silver lode. Le monteur James Leicester donne à tous ces films leur tempo vif, jamais plus de 90 minutes, tout en ménageant les respirations et pauses qui font l'originalité des constructions de Dwan. Il intègre parfaitement les audaces dans l'utilisation du plan séquence et structure la tension qui se dégage de Silver lode (qui respecte les trois unités du théâtre classique) ou de la sublime scène de jeu de Tennessee's partner. Le travail du musicien Louis Forbes est peut être le moins original. Forbes illustre de manière classique, se coule dans le style du film (un peu jazz pour Slightly scarlett, des orchestrations très western, de l'exotisme quelque peu kitsch) sans nous offrir de thème marquant.
Côtés acteurs, pas de véritables stars sauf peut être Barbara Stanwyck, mais une galerie d'acteurs solides dont le jeu parfois limité mais toujours sobre vieillit finalement très bien. L'acteur emblématique de cette série c'est John Payne, élégant et déterminé, quelque part entre James Stewart pour l'intériorité et l'expression des blessures du passé et Robert Mitchum pour l'attitude et l'économie gestuelle. Cornel Wilde, Robert Ryan ou Dennis Morgan tirent le meilleur de personnages assez classiques, faisant ressortir leurs zones d'ombres. Même Ronald Reagan donne ici son maximum. Mais chez Dwan, il faut aller chercher l'originalité vraie chez les femmes. On sent combien il soigne chacun des personnages féminins, offrant à Yvonne De Carlo, Virginia Mayo, Barbara Stanwyck, Arlene Dahl et évidemment la seconde plus belle rousse de Hollywood, Rhonda Fleming, des rôles inoubliables, parfois complexes (un double rôle étonnant pour Yvonne De Carlo dans Passion) qui en font, sauf pour Silver lode, le pivot du film. Cinéaste sensuel, Dwan parsème ses films d'images délicieusement érotiques, des jambes nues de Virginia Mayo dans le premier plan de Pearl of the south Pacific aux épaules de Rhonda Fleming dans son bain, visions qui pourraient nous amener à croire à l'existence d'un dieu de bon goût. Mais je m'en tiendrais au talent d'Allan Dwan.
Les sept films du coffret Carlotta chroniqués sur Kinok (et que je publierais en feuilleton pour les fêtes)
Le coffret (cadeau de Noël d'un goût très sûr)
Photographies : capture DVD Carlotta et If Charlie Parker was a gunslinger...
Escape to Burma sur Baloonatic
Slightly scarlet chez Christophe
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16/12/2009
Le petit chauve
Il était le motard, le porte-flingue, l'employé, le serveur, l'homme de main, le second voire le troisième couteau. Il était un ceci, un cela. Avec son visage inoubliable, ses grands yeux tout ronds comme sa boule à zéro, il marquait parfois plus un film que ceux qui en étaient les vedettes, au point que l'on se disait : "Tiens, c'était le film où Dominique Zardi faisait...". Voilà. Bien sûr, les univers de Mocky et de Chabrol, pour lequel il composait des chansons, mais aussi toute la comédie populaire des années 60 aux années 80. Il a tourné avec tout le monde ou presque, de Hunebelle à Jeunet en passant par Godard, Balducci et Sautet. Plus de trois cent films, on ne compte plus. J'aurais un petit pincement, la prochaine fois que je regarderais derrière Stéphane Audran ou Louis de Funés.
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