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29/03/2008

Alcazar et Daumesnil

Le temps est venu, avec les bourgeons, de se pencher à nouveau sur l'oeuvre de Luc Moullet. Il ne m'est pas possible, amis lecteurs, de vous éviter quelques souvenirs d'enfance à l'évocation du film Les sièges de l'Alcazar, tourné en 1989. A ceux qui baillent déjà à l'annonce d'un accès de nostalgie mal contrôlé, je leur suggère d'attendre la prochaine note tout en passant visiter l'un des nombreux liens sur la gauche.

Sinon, ami lecteur fidèle et curieux, je te dirais que je suis né à Paris, là où tout commence et tout finit, place des fêtes pour être précis, lieu principal du Panique de Jean Duvivier avec Michel Simon. Mais j'ai passé mon enfance dans le tranquille 12e. Là, j'ai pris l'habitude le jeudi, puis le mercredi, après-midi, de poser mes fesses dans l'un des fauteuils de la salle de cinéma Le Daumesnil sur l'avenue du même nom. Il y avait également l'Athéna, plus près de la porte Dorée, mais c'était un cinéma plus sérieux, celui que fréquentait mes parents. Il y avait également une salle boulevard de Reuilly dans laquelle j'ai vu mon tout premier film, Astérix et Cléopâtre, le dessin animé de Goscinny et Uderzo de 1969. Cette salle a vite fermé au début des années 70 et si quelqu'un se souvient d'elle, à commencer par son nom par exemple, ça me ferait plaisir.

Mais restons au Daumesnil. Si ma mémoire ne me trahit pas, il y avait deux tarifs, des sièges assez raides qui se rabattaient et l'ouvreuse qui passait à l'entracte avec son panier d'osier crissant plein de confiseries. Le programme changeait presque toutes les semaines. On y passait beaucoup de secondes exclusivités et de reprises. C'est là que j'ai découvert, en vrac, Sergio Léone, Jacques Tati, Walt Disney, les films avec dinosaures et 2001. Ce n'était pas toujours évident d'y aller et je me souviens d'avoir dû saboter la chaîne de mon vélo pour couper à la promenade hygiénique au bois de Vincennes et filer voir Le bon, la brute et le truand. Si jeune et déjà perverti.

Petit, je n'étais pas grand. Et j'ai toujours détesté avoir quelqu'un devant moi. Seule solution à l'époque, se mettre dans les deux premiers rangs, ou alors assis sur le bord du siège que je laissait levé, option peu confortable. S'emparer de la place idéale, devant et au centre est un combat sans cesse renouvelé. C'est donc à cette dure école que j'ai appris à regarder les films très prés de l'écran, la meilleure façon de faire comme ne l'ignorent pas les âmes de bon goût. Je ne me souviens pas par contre si le Daumesnil avait un écran publicitaire. Ni s'il avait une décoration particulière. Ca, je le voyais ailleurs, dans la jolie salle du Trianon, petit cinéma de Poix de Picardie où vivaient mes grands parents maternels et dont j'ai des souvenirs proches. En fait, en écrivant ces lignes, je me rends compte que je n'ai aucune image précise de cette salle. Mais les sensations sont toujours là, l'attente, l'excitation, les affiches, les photographies à l'entrée, le mal aux fesses et l'émerveillement. Je me souviens des premières parties, de ce documentaire sur les casques bleus tout rayé et des publicités pour les bonbons en vente dans cette salle. Ensuite j'ai quitté Paris et puis j'ai grandit.

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Pourquoi je vous raconte tout ça ? Parce que j'ai tout retrouvé dans le film de Luc Moullet. Alcazar et Daumesnil, même combat. Même type de salle, même genre de programmation, presque les mêmes fauteuils, les mêmes publicités et les mêmes bandes annonces. La même caisse, la même ouvreuse et le même crissement d'osier. Parce que je suis l'un de ces gamins des trois premiers rangs. Attendri je suis. Et je savoure cet attendrissement. Ceci étant, le film de Luc Moullet ne se limite pas à cette reconstitution nostalgique même s'il lui doit une large partie de son charme. Le jeu de mot du titre donne la tonalité de l'ensemble : une douce ironie. Les sièges de l'Alcazar c'est le portrait de Guy qui écrit dans les Cahiers du Cinéma, cinéphile maniaque et fiévreux, épris du cinéma de Vittorio Cottafavi. Il tombe sous le charme de Jeanne, critique à Positif, engagée à gauche et qui ne jure que par Antonioni. Outre la description détaillée et vivantes des séances à l'Alcazar, le film porte un regard amusé sur les empoignades de cinéphiles, desquelles l'auteur a quelque expérience. C'est également un pastiche des films des débuts de la Nouvelle Vague avec ses scènes dans les cafés où l'on est assis côte à côte sur les banquettes de moleskine, les intrigues amoureuses, les jeunes filles volontaires, l'arrière plan politique (l'Algérie ici) et les ellipses radicales. On pense à Bande à part et un ange passe.

Le film mêle ainsi souvenirs d'enfance et de jeunesse. La période où le cinéma fait rêver et celle où il fait réfléchir. Comme à son habitude, Moullet obtient un maximum d'effets avec un dispositif minimal. Décor dépouillé, accessoires essentiels et évocateurs, nous sommes loin des reconstitutions hautes en couleur de Fellini. Mais Moullet en reste proche par l'esprit, par la multiplication des péripéties, les situations cocasses (la bobine manquante), et une galerie de visages réjouissants : Dominique Zardi en directeur-projectionniste pragmatique, Micha Bayard en caissière-ouvreuse impitoyable, Jean Abeillé en commissaire et Luc Moullet soi-même en percepteur. Guy est joué par Olivier Maltinti que l'on reverra chez Moullet dans ses deux derniers longs métrages, Jeanne par la jolie Élisabeth Moreau dont c'est l'unique film et c'est la séduisante Sabine Haudepin, petit parfum truffaldien, qui incarne sa copine, celle qui cherchera à lui souffler Guy.

Le film est disponible dans le coffret regroupant 6 films de Luc Moullet sortit chez Blaqout, qui saura trouver une place dans toutes les DVDthèques de bon goût. D'un format atypique, 58 minutes chrono, il est assez peu diffusé mais je ne désespère pas de le montrer à Nice un de ces quatre. Dans une salle de quartier.

Photographie : Les films d'ici

21:56 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : luc moullet |  Facebook |  Imprimer | |

28/03/2008

L'homme qui rit

Forcément, quand on pense à Richard Widmark, on pense à son rire. Son rire de psychopathe, son ricanement de hyène, celui qui accompagne son jeté de paralytique dans l'escalier de Kiss of death (Le carrefour de la mort), le film de Henry Hathaway qui le révélera au grand public et lui vaudra une nomination à l'oscar. On aura beaucoup parlé de ce film sans forcément aller plus avant dans la personnalité d'un acteur remarquable. Dommage.

Avec le rire, il y a le rictus, une façon unique de tordre sa bouche qui lui donnait l'air d'un canard hargneux, un côté Daffy ou Donald, un côté assuré, trop sur de lui et toujours proche de l'explosion. C'est là que réside l'essence de son talent d'acteur, comme John Wayne avait sa démarche, car ce rictus, il l'a conservé dans tous ses rôles, des sales types puis des bons gars quand il assurera la transition avec le magnifique polar d'Elia Kazan Panic in the streets (Panique dans la rue) en 1950. Ce que son rictus laissera deviner de tourments intérieurs donnera tout leur poids à ses personnages pour Jules Dassin ou Samuel Fuller. Et quand il passe au western, car c'est l'un des très grands acteurs du western, ce type qu'il a construit donne aux films dans lesquels il joue une étonnante modernité. Je le vois un peu comme James Stewart à la même période. Il laisse entrevoir des fêlures secrètes, une véritable douleur. Dans Warlock (L'homme aux colts d'or) tourné en 1958 par Edward Dmytryk, il est blessé à la main de la même façon que Stewart dans The man from laramie (L'homme de la plaine) tourné deux ans avant par Anthony Mann. Et sur les deux visages, il y a la même expression de souffrance. Une expression que l'on retrouve dans son rôle de Comanche Todd pour Delmer Daves dans The last wagon (La dernière caravane) ou quand il est tué à coup de baïonnettes dans le finale d'Alamo.

Alamo, le film obsession de John Wayne. Ravi que Widmark ait accepté le rôle de Jim Bowie, Wayne fait publier une page dans la presse spécialisée : « Bienvenue à Alamo, Dick ! ». Peu sensible à cette bruyante démonstration, Widmark fait répondre : « La prochaine fois, appelez moi Richard ». Vexé, le Duke répliqua qu'il n'y aurait pas de prochaine fois. Pourtant, leur couple de jouisseurs bagarreurs fonctionne pleinement face au raide et aristocratique Travis joué par Laurence Harvey. Colérique, enthousiaste, lyrique, violent, cabochard, héroïque, Widmark donne une superbe interprétation. Et puis ce film est pour lui l'occasion de rencontrer John Ford. Avec finesse, Ford va lui confier des rôles, deux rôles, plus proches de la personnalité réelle de l'acteur. D'une certaine façon Widmark prend le relais de Wayne dans l'univers fordien, aux côtés de James Stewart dans Two rode together (Les deux cavaliers) en 1961 puis dans Cheyenne's autumn (Les cheyennes), ultime western du maître en 1964. Il y est l'homme intègre, le militaire forte tête capable d'humanité et de parole, ultime porte parole masculin (avant Ann Bancroft) du réalisateur.

Widmark pouvait aussi jouer le calme et la douceur de la nostalgie. C'était rare mais c'étaient de beaux moments. Il avait des gestes plein de grâce, même quand c'étaient des gestes d'emportement. Il faudrait encore citer cet étrange film The Bedford incident (Aux postes de combats) réalisé par James B. Harris et qu'il produisit, un film de guerre froide pas très loin du Folamour de Kubrick. Et puis Madigan (Police sur la ville) tourné par Don Siegel en 1968, peut être son dernier grand rôle, l'un de ses plus marquants, celui du policier Madigan, dont sa vie s'écroule autour de lui au coeur d'une ville qui le broie. Blessé grièvement lors du finale, il s'écroule dans l'entrée d'un appartement minable, Alamo de pacotille. La douleur était déjà sur le visage dès les premiers plans du film. Une douleur qu'il conjurait d'un éclat de rire sarcastique.

A lire les hommages sur Noir of the week, Cinebeats et le forum western movies.

27/03/2008

Le deuxième cavalier 1914-2008

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