Les 10 salopards - Partie 2 (14/10/2010)

L'histoire fourmille d'ordures en tout genre, dictateurs, tyrans, inquisiteurs, chefs de guerre et de milice, dont le cinéma s'est emparé avec gourmandise. L'une des figures les plus gratinées est celle de l'empereur Caligula. Oderint, dum metuant. Les épisodes de son règne, réels ou légendaires, sont connus. Rien n'égale le portrait qu'en a donné Malcolm McDowell dans le Caligola (1979) de Tinto Brass. McDowell, déjà, rien que de voir son visage de poupon pervers, les poils du dos se hérissent. Ici, lâché en liberté, il promène son rictus en forme de sourire sadique dans les décors opératiques de Danilo Donati. Il faut l'avoir vu, nu sous l'orage, arpenter les terrasses de son palais, le pouce levé, criant à la face du ciel qu'il est Dieu. Il faut l'avoir vu.

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De Caligula à Messaline, il n'y a qu'un pas que je m'empresse de franchir. L'impératrice scandaleuse a inspiré pas mal de monde mais la plus vicieuse selon moi est celle de Belinda Lee dans le Messalina, venere imperatrice (1960) de Vittorio Cottafavi. Grande, féline, sublime, les mains longues et dansantes, elle séduit puis frappe, retorse et sans pitié, usant de tous ses charmes pour frayer sa voie dans ce monde d'hommes. Elle retourne ainsi de son œil de biche l'officier joué par le juvénile Giuliano Gemma, venu pour la tuer, puis à l'issue d'une nuit que l'on imagine torride, le fait exécuter. Ah ! Mante religieuse.

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Des salauds ordinaires, Jean Yanne en aura joué de bien beaux. Pour Maurice Pialat bien sûr, Godard aussi. J'aime tout particulièrement sa composition en Paul Decourt dans Que la bête meure (1969) de Claude Chabrol, un spécialiste. Il est l'homme que vous aimerez haïr. Bourgeois parvenu, garagiste vicieux qui tripote sa bonne, macho, égoïste, dur avec les faibles et faible avec les forts, fort en gueule, prétentieux et violent, il est évidemment lâche. Il a fuit après avoir renversé le fils de Charles Thénier (Michel Duchaussoy) qui le traque et finit par le retrouver pour découvrir quel bonhomme atroce il est.

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Dans le film de cape et d'épée à la chinoise, on ne s'embarrasse généralement pas de nuance quand il s'agit des méchants. Le méchant est très méchant, vicieux et redoutable jusqu'à la moelle. Doué en art martial, personne ne lui résiste, sauf le héros. Et encore, c'est pas toujours facile. A ce jeu, Ku Feng aura personnifié une jolie galerie de salopards fourbes pour, entre autres Chang Cheh. Il porte souvent la moustache et la barbe, surtout la moustache longue à trois poils qu'il caresse avec volupté tout en méditant de noirs desseins. Dans San duk bei do (La rage du tigre – 1971), il est Long Zi-Yhi dont l'apparence de vieux sage dissimule une technique perverse: il amène les chevaliers qu'il combat à se trancher le bras, jouant sur une botte secrète et leur sens extrémiste de l'honneur. C'est ainsi qu'il coince Lei Li, ce qui ne lui portera pas bonheur puisque le manchot compensera son handicap par un coup avec trois épées. Encore raté.

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Le méchant est finalement assez rare dans le cinéma de John Ford. Sa profonde humanité le retenait peut être de s'étendre sur des portraits de terribles canailles (sauf si elles sont sublimes). Il nous aura pourtant donné un méchant des plus mémorables avec Liberty Valance dans le film qui se demande qui l'a tué. Valance, c'est Lee Marvin et il incarne sans trop de nuance tout ce que Ford pouvait détester: violence sadique, désir d'humilier, attaques contre les principes démocratiques américains et la liberté de la presse. Valance est l'homme primitif et la face sombre de l'homme de l'ouest qui s'oppose à la figure de Tom Doniphon joué par John Wayne. Deux routes possibles pour des hommes grandis dans un pays encore libre et sauvage. Mais là où Doniphon a construit sa ferme et vit selon des règles plutôt chevaleresques, Valance a laissé s'exprimer ses instincts les plus vils et s'est vendu aux grands propriétaires. Il est le redoutable valet.

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Dans le cinéma de genre à la française, son visage à la Lee Van Cleef, œil sombre et fine moustache, en ont fait l'incontournable sbire. Traître idéal, exécuteur des basses œuvres, homme de main et de tous les coups fourrés, Guy Delorme n'a cessé de mettre des bâtons dans les roues des héros personnifiés par Jean Marais et Gérard Barray, se délectant à enlever leurs douces dulcinées. Immanquablement, à l'issue d'un duel acharné, il finissait par tomber de la muraille ou du toit, embroché en beauté. Difficile d'isoler un rôle plutôt qu'un autre, ce paragraphe est un hommage à sa carrière d'affreux sublime.

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Photographies : Camp academy , Notre cinéma , Allociné (collection Christophe L.), HKcinemagic, LEFT of cyber-center, Tout le ciné.

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