Comment ça va, monsieur Eastwood ? (11/12/2008)
Au départ, j'étais partit sur un texte à propos de Brian de Palma, une sorte de bilan de ma relation, un peu heurtée à son cinéma. Et puis il y a eu ce texte du bon Dr Orlof, plutôt virulent, et puis les débats qui se sont greffés autour, sur Cinématique, Nightswimming et Les objets gentils. Débats passionnés qui, après la pause sur le dyptique Iwo Jima, ont réactivé les polémiques et les critiques qui s'étaient élevées autour de Mystic River et Million dollar baby. De leur côté, les voix officielles passent avec un bel ensemble la brosse à reluire sur le récent Changeling (L'échange). Très bien, De Palma attendra, je prends le pouls de notre homme Clint
A la fin des années 70, Eastwood était un type assez infréquentable pour moi. Héros un peu facho d'un cinéma d'action sans finesse, on ne m'encourageait guère à aller le voir, d'autant qu'il était pour mon père le fils spirituel de John Wayne. Cela aurait dû me mettre la puce à l'oreille, mais je trouvais la comparaison exagérée. Pas attiré donc, je me souviens encore de mon recul devant l'affiche de The gauntlet (L'épreuve de force – 1977) façon héroïc fantaisy. Pauvre couillon, c'était une oeuvre du grand Franck Frazetta ! Néanmoins, j'appréciais quand même l'acteur, le Blondin de Léone et le Kelly de Brian G. Hutton. Mais ça s'arrêtait là.
J'ai franchi le pas à reculons, accompagnant un ami voir Sudden impact en 1983. Ce film était le premier (et le seul) de la série mettant en scène l'inspecteur Harry réalisé par Eastwood soi-même. Le choc a été profond. Voilà que je découvrais un film superbe, filmé avec élégance, des hommages discrets à Hitchcock et Welles, une héroïne atypique et diaphane, Sondra Locke, sa compagne d'alors, et un propos bien plus subtil que prévu au-delà des scènes imposées (la cafétéria) que j'avoue pourtant avoir trouvées jouissives. J'y suis retourné deux fois. L'année suivante, son rôle dans Tightrope (La corde raide) sous la direction de Richard Tuggle, achevait de renforcer cette idée qu'on m'avait raconté un peu n'importe quoi. Jamais John Wayne n'aurait joué un policier fréquentant les prostituées et jouant avec elles à des jeux sado-masos.
Take a hard ride (source : Clinteastwood.net)
Bird m'a définitivement convaincu. C'est aussi, je pense, ce film qui a a fait basculer la critique de son côté. A partir de ce film, il est devenu fréquentable et « sensible », « oscarisable » et « légion d'honneurisable ». Tout à été réévalué en bloc et les films à venir seront l'objet de toutes les attentions. Pour moi, ce film a d'abord été un choc esthétique. La traduction en images de la musique de Charlie Parker et plus largement de l'univers du jazz. Avec ce film, Eastwood m'a ouvert des portes. J'ai aimé sa façon de composer des images très sombres, des noirs profonds avec juste quelques touches de lumière. J'y retrouvais ce que j'aimais chez quelques maîtres du noir et blanc, les chef opérateurs Gregg Toland ou Joe August, les images des films d'Akira Kurosawa. Intellectuellement, sa vision du monde des musiciens noirs des années 40 contredisait tout ce que véhiculait son image grand public. Et je crois que cette contradiction, aujourd'hui encore irrésolue, est au coeur de l'intérêt que je porte à son cinéma.
Cette contradiction s'incarne bien dans la série des Dirty Harry. Réalisé par Don Siegel, le premier film en 1971 a fondé cette image « fasciste, raciste et machiste » selon Pauline Kael, provoquant la confusion entre l'acteur et son personnage. Avec arrogance mais non sans humour, Eastwood va répondre à travers les autres films de la saga. Dans Magnum force (1973) de Ted Post, il affronte sa caricature à travers un escadron de la mort composé de policiers d'extrême droite. The enforcer (L'inspecteur ne renonce jamais – 1976) de James Fargo l'oblige à faire équipe avec une femme et à s'allier à un noir. Sudden impact l'amène à remettre en question sa conception (ô combien) rigide de la loi quand il tombe amoureux d'une femme poursuivant une sanglante vengeance. L'ultime volet se moque du vedettariat mais est il est largement raté. Ces films, auxquels on peut ajouter le fondateur Coogan's bluff (Un shérif à New-York – 1969) de Don Siegel et The gauntlet qu'il réalise lui-même, dessinent un portrait plutôt convainquant de l'Amérique de l'époque. Tout autant que les films de Michael Cimino, Martin Scorcese ou William Friedkin. Une Amérique un peu paumée, en crise de ses valeurs, doutant de sa force et de ses idéaux, une Amérique qui ne reconnaît plus ses enfants, dont la violence fondatrice lui est retournée en pleine figure et surgit du plus profond du pays (Texas Chainsaw massacre de Tobe Hooper, c'est l'époque).
Les personnages joués par Clint Eastwood dans ces films ont deux expressions type : La colère froide (Make my day !) et ce petit air tordu de celui qui ne comprend pas. Ligne des sourcils en biais, mâchoire serrée, l'oeil incrédule, c'est son expression face aux institutions qui le lâchent, aux femmes ou aux noirs qu'il pense mépriser mais qui se révèlent des alliés dans un combat qu'il se croit seul à mener. C'est le regard d'un vrai misanthrope. Et ce qui me semble intéressant, c'est le regard que Clint Eastwood réalisateur, porte sur ce regard-là.
Alors, on me dit que le roi est nu ?
Josey Wales dans le western de 1976 est le plus réussi à ce niveau. Wales est un homme à qui l'on a tout pris et qui s'est transformé en machine à tuer. Mais au cours de son périple sanglant, il attire autour de lui une jolie bande de bras cassés. Un vieil indien, une jeune fille simplette, un chien errant... Si le regard de Wales sur cette humanité est méprisant (il crache régulièrement sur le chien), celui d'Eastwood est plein de tendresse et l'enjeu du film, c'est que Wales modifie le sien, fasse la paix avec les autres et avec lui-même. On retrouve ce genre de parcours dans Bronco Billy (1980), Honkytonk man (1982) et Million dollar baby (2004). Au coeur de ces histoires qui revisitent l'imaginaire américain (le western, la country, la route, la boxe), il y a d'abord la recherche d'une dignité et l'étude d'un rapport père-fille (dans Pale rider (1985) aussi, mais de façon plus tordue). Une idée, certes conservatrice, de la transmission de valeurs, elles aussi souvent conservatrices mais très américaines. Pas seulement pourtant puisque la transmission se joue aussi sur une histoire culturelle (la musique, le sport...). C'est pour cela que les lectures de Million dollar baby qui se focalisent sur le film de boxe (nous ne sommes pas chez Tarantino), l'euthanasie ou la description sociale de la famille de l'héroïne me semblent passer à côté de l'essentiel. Eastwood s'appuie sur les ficelles (certains diront les câbles) du cinéma de genre, western ou mélodrame, pour aborder ce qui l'intéresse profondément et qui est du registre de l'intime. Le virulent et au demeurant intéressant texte du Dr Macro à l'époque, ne voit pas ce qui se joue dans ce registre là et perd la cohérence de l'ensemble comme la beauté musicale de la mise en scène, inspirée comme souvent chez Eastwood par le jazz et la blues : variations, rythmes alternés, atmosphère, émotion à fleur d'image à travers l'utilisation des gros plans.
C'est peut être mon sentimentalisme fordien, mais ce cinéma me touche sans que je ne sente jamais manipulé. Il faut dire que je ne me sens presque jamais manipulé au cinéma. Comme l'écrit Jean-Baptiste Thoret dans un texte fort intéressant : « [...] La vraie question reste : que faire de la « part maudite » de la société, de ces pulsions violentes et désirs inavouables que chacun porte en soi, et qui sont parfaitement humains. Critiquer cette violence, c’est nier cette part violente ».
A côté de ce regard qui apprend à voir les autres, il y a celui qui voit le vide s'ouvrir devant lui. Celui qui est confronté aux conséquences de ses « désirs inavouables ». Arrogants, méprisants parfois, trop sûrs d'eux, certains héros eastwoodiens font l'épreuve de la tragédie. Pour moi, le personnage emblématique, c'est celui du réalisateur dans White hunter Black heart (Chasseur blanc, coeur noir – 1990). Progressiste, artiste aristocratique et flamboyant, inspiré de John Huston, John Wilson a un ego démesuré qui lui fait tout sacrifier à ses désirs de puissance. Au cours d'un tournage en Afrique, il a décidé qu'il devait tuer un éléphant. Il a beau envoyer paître de belle manière une sympathisante nazie, son obstination provoquera la mort de son guide indigène. Et la dernière scène du film le voit, hébété, le regard vide, prostré dans la voiture qui le ramène vers l'occident. Impitoyable. Ce sont des choses que l'on retrouve par exemple dans la relation père-fille du film True crime en 1999 quand il provoque un accident sur sa fillette. Ou encore dans le regard d'impuissance qui clôt A perfect world (Un monde parfait – 1993).
Source BFI
Ce regard a ses limites et les laudateurs d'Eastwood vont a mon sens un peu trop loin qu'ils essayent de trop faire parler la partie la plus délibérément commerciale de sa filmographie. Dans l'alternance systématique entre oeuvres personnelles et films d'action spectaculaires, les seconds sont rarement à la hauteur. S'il ne les avaient pas signés, je ne serais jamais allé voir Space cow-boys (2000) ou The rookie (La relève – 1990). Il y a aussi la gène que j'ai fini par ressentir à Unforgiven (Impitoyable - 1992), ou plutôt aux commentaires autour de ce film. C'est un western superbe, plutôt original, d'accord. Mais tout le discours autour de la démythification ne me convainc pas. Pas chez Eastwood. Comme je l'ai déjà écrit il y a quelques temps, le film emploie un procédé classique (qui ne me gène pas) qui consiste à bien enfoncer le héros pour qu'il se révèle d'autant mieux au final. Toute la philosophie de Will Munny tend quand même à la scène du saloon dans laquelle on retrouve l'image du Eastwood vengeur invincible, tenant la ville à sa merci. Et malgré tout ce qui a précédé, nous sommes dans des figures déjà largement explorées par Sam Peckinpah.
De tout cela, je retiens finalement un véritable cinéaste, au propos patiemment construit, à l'univers cohérent, au style plutôt classique. Malgré certaines réserves, ce sont des qualités précieuses et rares dans le cinéma d'aujourd'hui. Pourtant, je ne le rapprocherais pas des noms de la grande époque. Eastwood n'est pas Ford. Ford était un poète, un homme de doutes, de contradictions et de combats. Eastwood m'apparaît comme un homme de certitudes même s'il s'intéresse à ce qui lui est étranger. Son statut de star lui ayant permis de maîtriser mieux que quiconque sa carrière de créateur, c'est aussi un homme apaisé (ou alors, c'est bien caché). De ce point de vue, il se rapproche plus de Hawks mais il n'en a pas l'inventivité, le sentiment d'aisance suprême que donne l'auteur de Rio Bravo. Eastwood est un héritier, il maîtrise des acquits. Il est néanmoins vrai que certaines de ses mises en scènes sont un peu lourdes, un peu trop «posées» comme Mystic river ou Bridges of Madison County (Sur la route de Madison – 1995), certes impeccablement exécuté. Je le rapprocherais volontiers de son mentor, non pas Sergio Léone qu'il s'est attaché à ne pas imiter, mais Don Siegel. Le style carré des années 60/70. Peut être même à John Huston avec lequel il partage aujourd'hui le même visage aux rides magnifiques, Huston qui fut pas mal acteur lui même dans ses films et quelques autres.
Il me reste à avouer deux choses. Je n'ai toujours pas vu ses trois derniers films, ce qui m'ennuie quand même un peu par rapport à Changeling. Ce n'est pas que je ne voulais pas, mais ça m'est devenu difficile d'aller en salle. L'autre chose, c'est que j'ai toujours aimé quand Eastwood acteur prend son petit air méchant, qu'il a ce rictus mauvais, signe qu'il va faire parler la poudre. Ou cracher sur le chien.
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Commentaires
Je trouve votre avant-dernier paragraphe assez juste Vincent.
Sinon, si vous allez peu en salles, chosisissez bien, évitez l'Echange ;)
Écrit par : Ludovic | 11/12/2008
Fort intéressante hagio(filmo)graphie du sieur Clint, cher Vincent.
J'avoue, tout comme vous, ne pas avoir concédé une miette de temps aux trois derniers films qu'il a réalisés - sans compter Gran Torino, je me suis également donc arrêté à Million dollar baby.
Bien avant Bird, j'ai été convaincu du talent east(holly)woodien de réalisateur dès Honkytonk Man ; j'aime tout dans ce film : l'histoire, les personnages - avec ce risque de diriger et jouer avec son propre fils -, la musique... Et comme la création n'est qu'un éternel recommencement, je mets largement ce film au-dessus de son ersatz onze ans plus jeune, à savoir A Perfect World, auquel il manque la musique, la profonde rédemption et... Clint dans le rôle principal - aller chercher Kevin Costner, ne serait-ce pas une concession aux studios et à la "banka(dé)bilité" ; et que penser du rôle compassionnel et JiminyCricketed de traqueur au grand cœur qu'Eastwood réal' a donné à acting Clint (« Non, non ! Ne tirez pas ! » hurle silencieusement le public à la fin du film avant de laisser couler une larme - ou une rivière, selon son degré de "midinettisation" - comme il l'a fait en conclusion de The Bridges of Madison county).
Mais surtout, en ce qui concerne le Clint qui met une ville à sa botte, il n'aura pas fallu attendre Unforgiven : dans un film que vous omettez, l'impitoyable cow-boy avait déjà, devant et derrière la caméra, fait repeindre en rouge sang une cité de bois dans L'Homme des hautes plaines (High Plains drifter, 1973).
J’amalgame. Et j’en arrive à Clint Eastwood, maire républicain (sic) de Carmel-sur-Mer (Californie, environ 4 000 habitants), de 1986 à 1988. No comments.
Pour achever cette longue réaction, je vous soumets deux images (animées) de Clint Eastwood.
Lors d’une interview conviviale et compassée, un journaliste pose à Clint une question sur Sondra Locke ; masque méchant, réponse sèche et un regard de haine que je n’ai jamais vu dans aucun film. L’expression même de « Si ses yeux avaient été des fusils, elle serait morte ». Mais que lui a-t-elle donc fait, cette femme, pour déclencher une telle émotion ? Et comme ce Clint-là fait vraiment peur !
Enfin, plus plaisant, surtout si on lie cette séquence à la prestation, l’année suivante, de Johnny Depp (http://www.youtube.com/watch?v=AaJ34euHU00) : Clint bafouillant du français au micro des Césars, en 1998.
En conclusion : j’ai un problème avec Clint Eastwood. But, who cares ?
Écrit par : il Gatto | 11/12/2008
Clint Eastwood représente un peu pour moi ce que représente John Wayne pour vous. J'ai grandi avec ce type...Petit garçon, c'était mon héros. Puis je suis devenu sensible à son style, à son travail de cinéaste tout en continuant à révérer l'icône, sorte de dernier des Mohicans à Hollywood. Je refuse de le comparer à un cinéaste en particulier, c'est simplement l'héritier d'une tradition classique, un héritier dont la vision dénote une réelle singularité. Une singularité qui a déja été amplement commentée (individualisme, anarchisme, masochisme, nostalgie, pudeur, simplicité...).
Après le médiocre Créance de sang, ses films sont devenus plus solennels, plus fermés sur eux-mêmes, même si toujours plus maîtrisés. C'est un virage qui ne me réjouit guère mais Million dollar baby et Mystic river sont de telles réussites que je peux bien passer outre l'académisme un rien chiant de Lettres d'Iwo Jima.
P.S: la différence entre Impitoyable et les westerns de Peckinpah, c'est que chez Eastwood, il n'y a pas de fascination pour les hors-la-loi ni de complaisance dans la représentation de la violence. Peckinpah n'aurait jamais filmé une séquence comme celle où Schofield Kid perpétue son premier assassinat. Ses héros sont bien trop magnifiés pour ça.
Impitoyable est un western que je place au niveau de mes classiques préférés. Le seul reproche que je lui fais, c'est l'intégration du personnage de Richard Harris. Le discours semble prendre le pas sur le récit.
P.P.S: je vous trouve un peu dur avec Sur la route de Madison qui m'avait bouleversé mais je ne l'ai vu qu'une seule fois.
Écrit par : Christophe | 11/12/2008
Ludovic, je ne sais trop si j'aurais du temps pendant les fêtes, mais vous et quelques autres avez piqué ma curiosité. Je pense que malgré tout, il me faudra attendre un peu, histoire de ne pas avoir une vision trop faussée.
Cher chat, très juste la comparaison avec High plains drifter. Je n'ai pas parlé de certains de films pour ne pas faire trop long, mais il y a encore à creuser dans "Les proies" de Siegel et ses deux premières réalisations. Et puis il y en a encore quelque suns que je n'ai pas vus. Pour ce qui est de sa violence "réelle", ça ne m'étonne pas trop. je crois qu'il a pris l'habitude d'être respecté et craint. Ca fait partie du bonhomme et ça le protège sans doute. Ca n'en fait pas un homme aimable, c'est sûr.
Christophe, son œuvre m'a accompagné de manière trop chaotique pour qu'il représente la même chose que pour vous. Mais j'apprécie plus son cinéma que vous semblez le penser. J'ai marché à fond sur "Madison", c'est une belle histoire d'amour, simplement, je ne la trouve pas aussi extraordinaire qu'on le dit souvent. Sur 'Impitoyable", je ne suis pas d'accord. Peckinpah a filmé des morts terriblement poignantes (Angel, le gamin russe de "Croix de fer", Billy the kid et son cortège funèbre sur la musique de Dylan...). De son côté, Eastwood a joué et mis en scène des hommes violents, très violents, mais fascinants, comme Wales ou Munny. Je ne suis pas sûr qu'il y ait une grosse différence dans leur représentation de la violence. J'aurais tendance à penser que Peckinpah étale la violence parce qu'elle le dégoute. Chez Eastwood, c'est plus froid et l'on ne trouve pas chez lui d'équivalent à Cable Hogue ou au personnage de Warren Oates dans "Alfredo Garcia".
Écrit par : Vincent | 11/12/2008
Rien à voir je le crains (brûlez donc ce com après lecture ;)) mais j'aurais voulu savoir si vous m'autorisiez à user de vos lignes sur BUG dans mes humbles colonnes ?
Écrit par : mariaque | 11/12/2008
Ah! Ah! On met de l'huile sur le feu...Je profite donc de cette (très belle) note pour répondre à une petite phrase qui m'a un peu fait tiquer chez Ludovic, lorsque tu dis qu'Eastwood doit être pris en bloc et qu'il n'est pas possible d'aimer "Impitoyable" et de descendre "l'échange" (je résume grossièrement). Je crois que c'est ce qui m'a le plus surpris dans les réactions véhémentes qu'a suscité ma note : l'idée que Clint ne puisse désormais plus faire un seul mauvais film. Je suis moi-même plutôt partisan de la "politique des auteurs" et je préfère généralement trouver dans les films "mineurs" des cinéastes que j'aime ce qui peut encore leur ressembler plutôt que de taper dessus gratuitement (d'où ma relative clémence pour le médiocre dernier opus de Tim Burton). Ceci dit, on peut aussi envisager que d'immenses cinéastes se plantent royalement. N'en déplaise à Truffaut, on peut admirer Jacques Becker et estimer qu'"Ali Baba et les quarante voleurs" est un abominable nanar.
Eastwood a fait de très beaux films (de "l'homme des hautes plaines" à "million dollars baby") mais il lui arrive de se planter à moitié (je n'ai pas une grande affection pour "Impitoyable" et "Minuit dans le jardin du Bien et du Mal" ne tient pas les promesses de sa belle première partie) ou totalement ("le maître de guerre", "la relève"). "L'échange" relève selon moi de cette dernière catégorie...
Écrit par : Dr Orlof | 11/12/2008
Vincent, on ne s'est pas compris. Il ne s'agit pas de filmer une mort "terriblement poignante" mais de démythifier complètement l'acte de tuer.
la magie d'Internet c'est que je peux vous montrer la séquence précise à laquelle je faisais référence.
http://www.youtube.com/watch?v=5BppCSJZl_o
ça, ce n'est pas du Peckinpah. S'il fallait trouver une réminiscence, ce serait peut-être le Henry King de La cible humaine. Mais elle reste lointaine la réminiscence (les nombreux détails triviaux, essentiels au sens de la séquence, n'auraient pas eu leur place dans les années 50).
Écrit par : Christophea | 11/12/2008
Cher docteur, je pense que ma note montre assez que je n'aime pas Eastwood tout en bloc. Ne l'ayant toujours pas vu, je peux même imaginer que le dernier ne me plaira pas. Je suis donc d'accord avec que tu m'écris là, mais il me semble que ce dont je parle chez Ludovic, c'est d'un rejet plus global qui épargne quand même, finalement, un ou deux films. Ca ne me semble pas très cohérent, pas plus que de faire de grosses différences entre deux films traçant le même sillon. "Impitoyable" et "MDB" c'est un peu la même veine non ? D'ailleurs, tu as écris (de mémoire) que tu craignais de devoir revoir à la baisse certains films que tu avais aimé en regard du dernier. C'est bien qu'il doit y avoir un minimum d'homogénéité dans l'appréciation d'une œuvre. On pinaille un peu mais je crois que sur l'essentiel, on est d'accord, jusqu'à ce que j'aille voir ce fichu film...
Christophe, effectivement, je ne pensais pas à cette scène. Elle est très belle, quelle lumière ! pourtant, elle n'empêche pas la scène finale et une représentation de la violence bien différente de ce qui est dit ici. En soi, ça ne me gène pas et j'y vois aussi un héritage de ces films plus anciens qui interrogeaient la fascination de la violence et du meurtre par une génération plus jeune. "La cible humaine", "Le pistolero de la rivière rouge" et le méconnu "La première balle tue". Peckinpah, je ne sais pas, il y a quand même une proximité au niveau de l'idée dans tous ces meurtres de la version de Billy the kid ou dans le dialectique "Chiens de paille". Les héros de Peckinpah parlent peut être moins, mais ça se lit dans leurs yeux.
Écrit par : Vincent | 11/12/2008
Merci pour ce texte fouillé sur un réal' que j'aime beaucoup, sans avoir vu tous ses films. Le passage sur Bird donne vraiment envie de le voir! L'ambiguité du bonhomme et son parcours de réal depuis Un frisson dans la nuit (que je trouve très bon) l'a hissé à une place quasi-unique aujourd'hui, et sa renommé peut être un problème quand cela revient à encenser toutes ses réalisations. Moi aussi je me suis arrêté à Million Dollar Baby, bien que son dyptique guerrier traîne sur mes étagères depuis un certain temps (je fais une certaine résistance aux films de guerres). Je dois dire qu'avec le recul, j'ai plus apprécié la noirceur de Mystic River plutôt que MDB... L'échange est toujours au ciné près de chez moi et je devrais bientôt me décider à y aller!
Écrit par : Raphaël | 12/12/2008
Note très intéressante Vincent ! Je suis sur la même ligne que toi je pense. Notamment avec ce passage qui dit, en gros, qu'Eastwood contredit régulièrement son image publique avec ses films. Les défenseurs d'Eastwood, à mon avis, dont je fais partie, le sont peut-être pour cette raison. Leurs détracteurs le sont peut-être parce qu'ils ont exactement l'analyse inverse (sa mise en scène reflèterait plutôt ses positions d'homme publique, soutien des républicains, etc.).
Certains des derniers films peuvent être considéré comme mauvais (je comprends vraiment ceux qui n'aiment pas MDB et l'Echange ou Mémoire de nos pères), avoir de la réserve pour d'autres (Mystic River et Minuit, qui sont bons mais sans doute pas aussi bons qu'on le lit souvent). Je ne vois pas qui a décrété qu'on avait plus le droit de critiquer ses films. Mais ce qui me pose le plus question, et m'agace, c'est le rejet assez violent qu'il inspire depuis MDB. Les notes que j'ai lues dernièrement sur l'Echange, chez Ludo ou le Dr Orlof, ou encore certains commentaires sur ces notes, nous présentent le cinéma d'un Eastwood manipulateur, démagogique, grossier, manichéen, etc. Quand, comme moi, on y voit une critique assez virulente de l'Amérique de Bush (du danger de la démocratie en somme), on tombe un peu sur le cul : d'où vient cet écart incroyable qu'on peut avoir dans nos analyses ? Quel est cet élément qui dérange, qui déplaît ? Je crois que ta note est révélatrice de deux approches de son cinéma qui diffèrent radicalement, et qui ont sans doute une influence sur le regard que chacun lui porte.
Je crois qu'Eastwood est ambigu en fin de compte. Ses ambiguités ne seront jamais levées (et je ne pense pas qu'il y tienne). Dans un art, souvent l'ambiguité est une bonne chose
Écrit par : Julien | 14/12/2008
(Zut, j'ai oublié d'effacer un bout de phrase d'un truc coupé-collé juste après ce qui était mon dernier point. Je n'ai rien à dire sur "l'ambiguité dans l'art".)
Écrit par : Julien | 14/12/2008
Bonjour
Faites connaître votre blog sur France Blogs
http://www.franceblogs.net
Bonne continuation
Écrit par : France Blogs | 14/12/2008
Très intéressant texte!
Écrit par : tepepa | 15/12/2008
C'est gentil. France Blog n'est pas passé te voir ?
Écrit par : Vincent | 15/12/2008
Pour l'avoir revu hier en VF, je me demande si finalement Space Cowboys n'est pas son meilleur film... :)
Écrit par : tepepa | 17/12/2008
Tu vois mon ami, dans la vie, il y a ceux qui ont un révolver chargé et ceux voient Space Cow-boys (en VF). Toi, tu creuses :)
Écrit par : Vincent | 17/12/2008
Comme Tepepa, je pense que "Space cow-boys", dont j'ai un plutôt bon souvenir, est très supérieur à certains Clint (dont le dernier) surestimés...
Écrit par : Dr Orlof | 17/12/2008