Une décennie en ligne (13/11/2014)
10 ans. Commencer par vous remercier, lectrices et lecteurs, réguliers, occasionnels, historiques ou nouveaux venus. Vous m'avez fait l'honneur et le plaisir de passer régulièrement mettre de la vie et de l'action sur Inisfree, justifiant si besoin en était son existence.
10 ans. Cette fois je suis pile à l'heure. J'ai mis en ligne la première note d'Inisfree le 13 novembre 2004 à 1h55, c'était une époque où je pouvais veiller très tard. J'avais essayé quelques plate-formes avant de me décider pour la plus simple. C'était un article de Libération qui avait attiré mon attention sur ces nouveaux supports en ligne qu'étaient alors les blogs. J'ai été immédiatement séduit. Avec le site rudimentaire de mon association, je m'arrachais régulièrement les cheveux sur les subtilités du code html. Là, d'un coup, je pouvais maîtriser l'outil. Restait à en faire quelque chose. Jusqu'ici, ma cinéphilie chronique s'était exprimée timidement par une poignée de textes sur un site (défunt) L'Autre cinéma. Mais surtout, j'animais Bande à part, une émission hebdomadaire sur une petite radio locale depuis 1997. En 2004 je commençais à avoir envie d'autre chose et d'être plus libre par rapport aux contraintes de temps. Le temps ! C'est la grande affaire. Et déjà je me demandais dans ma première note si je tiendrais la distance.
10 ans, c'est aujourd'hui la réponse. 10 ans, une aventure, de nombreuses rencontres et un plaisir toujours bien là. Inisfree ressemble-t-il à ce que j'imaginais ? Je me demande si j’imaginais quelque chose de précis tant les notes de la première année tâtonnent. Petit à petit, Inisfree a pris une forme, celle d'un petit îlot vert sur l'océan Internet peuplé d'actrices italiennes girondes, de cavaliers solitaires, de baignoires, d'un marronnier, de metteurs en scène borgnes et de blondes mystérieuses. A l'aise avec ce format, je l'ai décliné pour mon projet d'histoire des salles de cinéma niçoises (Cher Nanni...) et il y a peu sur un projet autour de l'un de mes cinéastes fétiches, Sergio Corbucci.
10 ans. C'est aussi l'âge du blog de mon ami le bon Dr Orlof. Cet été, en suivant les festivités de son journal cinéma, j'ai retrouvé des souvenirs identiques tant nos blogs ont eu une histoire proche. Du coup j'hésite devant la répétition. Mais au diable ! Ma première note ne s'adressait à personne en particulier. Je suis alors parti en exploration et croisais les routes d'une admiratrice éperdue de Marilyn, de Ludovic Maubreuil avec ces premiers vrais échanges autour du couple au cinéma, du Contrechamps (défunt) de Sandrine Marques, puis de Pierrot, futur Dr Orlof qui posait la question de l'érotisme. Voilà des valeurs sur lesquelles nous pouvions construire ! Il y a eu les compagnonnages virtuels mais durables et marquants avec Joachim (365 jours ouvrables), Édouard (Nightswiming), Griffe (Notre musique devenu Préfère l'impair), suivis de véritables rencontres. Il y a eu ceux qui ont compté avant de passer à autre chose, comme dans la vraie vie, je pense à Ludo de Série Bis, à Julien « Casaploum » à Imposture, à Rom et à quelques autres dont je conserve les liens et espère que les textes ne disparaîtront pas dans les limbes. Il y a eu le renouvellement avec des gens comme Raphaël, Prince écran noir, Buster et FredMJG avec qui nous avons tant de goûts communs. Il y avait les imprécateurs comme le Stalker, Flingobis ou Zohiloff qui m'ont convaincu de conserver quoi qu'il arrive une certaine distance, du sang froid, et le goût pour l'argumentation plutôt que pour la dispute. Ce n'est pas que j'ai reculé devant un peu de polémique, au contraire, mais c'est encore une question de temps et les échanges sans fin qui finissent par des noms d'oiseaux demandent une disponibilité que je n'ai jamais eue. Cette tendance préfigurait ce qui se passe aujourd'hui sur les réseaux sociaux et qui me pose les mêmes problèmes.
10 ans. Ce qui compte toutes ces années, ce sont les groupes de passionnés avec lesquels se sont construits de longs dialogues. Ce côté collectif est ce qui m'a séduit le plus dans l'aventure blogesque. Il y avait le groupe de westerners de DVDrama avec Tepepa, Breccio, Flingobis, qui s'est transporté sur le forum Western Movies, il y a eu les amis américains avec Ray de Flickhead, Kimberley de Cinébeats ou Peter dont la série coffebreak inspirera mes joies du bain. Avec eux j'expérimentais les blogathons, concept que j'adore, où l'on se retrouve autour d'un thème, Hitchcock, Hawks, Angie Dickinson, les doubles programmes ou Gérard Courant (autre grande rencontre par la bande) à l'initiative du Dr Orlof, les questionnaires pointus de Ludovic, et les fameux "êtes vous..." d’Édouard. Inisfree proposera de plancher sur John Ford, Edwige Fenech, et Corbucci-Godard. Quatre noms qui donnent une bonne définition du cinéma tel que je l'aime et tel que j'aime le faire partager ici. Il y a eu encore la participation à Foco, à l'immense histoire croisée des Cahiers – Positifs d’Édouard, à Panoptique, à l'équipage d'Abordages de l'ami Jocelyn.
Trois aventures se dégagent par leur durée et parce qu'elles répondent à une aspiration profonde quoique non formulée : Kinok, la revue en ligne animée par Laurent Devannne (où je suis entré grâce à Orlof), Les Fiches du Cinéma pour lesquelles je collabore toujours (où je suis entré grâce à Griffe) et Zoom arrière à l'initiative d’Édouard où nous revisitons quelques 70 années de sorties françaises. Aspiration à se retrouver, au-delà de nos espaces personnel, sur un support collectif et peut être plus ambitieux. Une arlésienne qui n'aurait besoin que d'une petite étincelle pour donner un beau feu de joie.
Une dimension qui a été pour moi capitale dans ce principe d’échanges, c'est celle de l'écriture. Au bout d'un an, lisant régulièrement Cinématique, j'ai eu envie d'arrêter car je me trouvais trop mauvais. Un temps de réflexion, et j'ai préféré m'inspirer. Je n'ai depuis cessé de puiser dans ce que j'admirais chez mes collègues pour nourrir mon propre travail : l'organisation de Dasola, la fougue d'Orlof, la rigueur d’Édouard, les télescopages de Joachim, le style de Jocelyn, l'humour de Tepepa, la charte cinéphile du Dr Devo, la générosité de Frédérique, l'élégance de Ludovic, j'en oublie forcément. Je pense à la concision de Christophe et je me dis une fois encore que je fais trop long.
10 ans. Comme le notait le bon Dr Orlof, les choses ont beaucoup changé. 10 ans c'est long sur Internet. Les réseaux sociaux ont bouleversé l’écosystème des blogs cinéphiles tandis qu'apparaissaient de plus en plus de blogs qui parlent séries et films de super-héros, collés à l'actualité comme la moule à son rocher. Le dialogue cinéphile, parfois très nourri, a glissé sur Twitter et Face-de-bouc, Balloonatic étant une remarquable exception. J'ai tenté l'aventure derrière le masque transparent de John T. Chance. J'y ai fait de belles rencontres, mais ces espaces sont trop soumis à la dictature de l’instant. J'y ai vite retrouvé ces problèmes que j'avais avec certaines discussions, moi qui ne suis pas un rapide, moi qui aime et ai besoin de prendre mon temps. J'ai donc laissé tomber tout en maintenant le contact via mon association. Voilà, un grand merci encore à tous ceux qui sont cités au-dessus, et à ceux qui ne le sont pas mais le cœur y est tout pareil. J'ouvre une page « Livre d'Or » (en haut à gauche) et je publierais dans la semaine les contributions conséquentes. Inisfree garde ses portes grandes ouvertes pour dix nouvelles années et plus si affinités.
Vincent
01:55 | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : inisfree | Facebook | Imprimer | |
Commentaires
Grand fou ! Stakhanoviste ! (Mais où trouves-tu tout ce temps ?)
Quoiqu'il en soit Excellent anniversaire ! Et tiens bon la rampe :)
Écrit par : FredMJG | 13/11/2014
Cher Vincent,
Inisfree a dix ans ! C'est quelque chose. J'admire d'autant plus cette persévérance que moi-même je n'ai toujours pas réussi à me relancer. Mais j'étais là quand tu as contribué, avec quelques autres qui se reconnaîtront, à faire exister ce cercle mouvant de cinéphiles, inconnus les uns des autres, qu'on a appelé la blogosphère. C'était peu avant le triomphe de ces bizarres réseaux sociaux où l'on ne croise plus que ses amis. C'était donc encore l'aventure. Nous avons toi et moi toujours chaleureusement échangé, y compris sur des films ou des cinéastes qui nous divisaient. Car tu es trop indépendant pour te soucier de marquer un territoire et d’y poser ton drapeau, tu aimes trop le cinéma pour le réduire à un faire-valoir, tu ne sais que lui rendre les honneurs. J’ai pu me rendre compte à Nice, où tu as eu la gentillesse de montrer un petit film de moi, de la passion qui t’anime. A Nice toujours, que je traversai en vitesse quelques années plus tard, je me souviens que nous avons pris le temps de causer longuement, à une terrasse de café de la place Garibaldi, des défauts et qualités d’un petit Ford plein de beautés, « They Were Expendables ». On s'est peu vu, mais ce n'est pas l'envie qui me manque. Heureusement que tu écris ! Continue, j’y tiens.
Amitiés,
Griffe
Écrit par : Griffe | 13/11/2014
"Stakhanoviste " moi ? Regardez qui écrit, qui est sur tout les fronts tout en festivalant à tout va :) Merci et la bise.
Griffe, merci de ton message qui me touche. J'ai aussi apprécié nos trop rares rencontres et j'espère que l'on pourra réduire les délais pour les prochaines. "Notre musique" doit avoir à peu près le même âge je crois, et je sais que je lui dois beaucoup. Toutes mes amitiés.
Écrit par : Vincent | 13/11/2014
Bon, je ne vais pas m'étendre pour ne pas être redondant par rapport à ma contribution mais je te souhaite à nouveau un excellent anniversaire et une longue vie à ce havre de paix qu'est Inisfree. Je trouve le mot de Griffe très beau et très juste : inutile de dire que je partage totalement ses sentiments. Encore bravo et à très vite (on se retrouve en 1972 ;))
Écrit par : dr orlof | 13/11/2014
Mon cher Vincent,
FredMJG, Griffe et Dr Orlof -et tous ceux qui interviennent régulièrement sur Inisfree- expriment tellement bien leur plaisir à lire tes chroniques que je ne saurais le faire aussi brillamment qu'eux.
Je me contenterai donc de te remercier pour ces dix belles années de partage et de te renouveler mes vœux de longue et belle vie à toi et à ton blog.
Bises
Écrit par : MT | 13/11/2014
Doc, merci encore pour ta contribution qui me touche elle aussi beaucoup parce qu'elle montre qu'après que nos routes se soient croisées sur un sujet majeur (l’érotisme au cinéma !) nous avons évolué dans un bel ensemble et que nous avons même pu surmonter nos différences en "erg" :). A très bientôt en 1972. Amitiés.
Marie-Thé, ta discrétion t'honore, mais je n'oublie pas que tu es ma première lectrice (et qu'avant tu étais ma fidèle auditrice). Je me souviens aussi que c'est avec le portrait de Giuliano Gemma que je me suis retrouvé avec ce phénomène de commentaires qui a duré pendant des années et jusqu'à sa tragique disparition cette année. Bise.
Écrit par : Vincent | 13/11/2014
Vincent Jourdan de Cannes vient donc faire écho à Vincent Roussel de Dijon pour célébrer les 10 ans d'un blog de haute tenue cinéphile. Le journal du docteur Orloff et Inisfree sont des boites aux lettres que j'ouvre presque quotidiennement pour avoir des nouvelles des amis, souvent exclusivement cinéphiles mais des fois aussi un peu personnelles.
Je m'inquiète ainsi d'une absence d'articles qui dépasse la semaine. Parfois une seule photo (mais quelle photo !) postée me rassure, à défaut de me plonger dans un article dont je sais tirer toujours un argument ou deux auxquels je n'avais pas pensé et qui trouvent souvent rapidement leur place sur mon propre site. Faire et défaire un article, c'est l'avantage de la critique sur Internet.
Néanmoins l'orientation d'Inisfree, majoritairement axée sur le western et les grands cinéastes hollywoodiens (plus quelques européens... ) rend le dialogue virtuel exceptionnel. Si l'actualité DVD permet encore quelques points de rencontre, l'abandon presque total, sauf au moment du festival, du cinéma contemporain, est d'autant plus pénalisante que la télévision (et ses souvent beaux programmes) ne semble pas avoir sa place chez les Jourdan.
Heureusement qu'il reste Zoom arrière pour confronter régulièrement nos points de vue.Et puis, si je ne vais pas Cannes ou Nice suivre Regard indépendant, j'espère que tu reviendras à Caen présenter ton travail et ceux de tes amis cinéastes.
A dans moins de dix ans, assurément.
Écrit par : Jean-Luc | 13/11/2014
Merci de ton message, Jean-Luc. J''espère aussi revenir à Caen un de ces quatre. Pour le moment, je m'apprête à recevoir nos amis cinéaste normands pur une nouvelle série super 8 à laquelle ils participent toujours avec passion.
Tes remarques touchent juste et me rappellent combien mon rapport pratique au cinéma a changé depuis que ma vie a elle même évolué vers 2007. "L'accro aux salles obscures" a presque disparu, sauf à l'occasion de festivals. Je le regrette mais j'espère retrouver un équilibre d'ici quelques temps. La télévision, je ne la regarde jamais en effet, les possibilités du DVD et d'Internet m'offrant un choix déjà trop vaste. Je suis un enfant trop gâté :)Heureusement que le travail régulier sur les DVD avec les Fiches me donnent un peu de discipline. Amicalement.
Écrit par : Vincent | 14/11/2014
Très belle note, agréables souvenirs et remarques très justes. Merci Vincent.
Écrit par : Edouard | 14/11/2014
J'ai dix ans
Je vis dans la blogosphère où les grands
N'ont rien à faire, je vois souvent
Mais pas dans des Gaumont fiers, des géants (1)
Et des petits hommes verts (2)
Si tu m'crois pas hé
T'ar ta gueule à la récré
(1) Comme John Wayne
(2) Comme chez Spielberg
Bon anniversaire Inisfree!
Écrit par : Buster | 18/11/2014
Et puis retrouver les choses premières
La beauté d'Ava Gardner...
Merci Buster :)
Écrit par : Vincent | 18/11/2014
ça nous rajeunit pas ma bonne dame.
On est vraiment les dinosaures !
Écrit par : Pascale | 19/11/2014
Merci, ma bonne dame :) "Sur la route du cinéma" doit avoir à peu près le même âge non ? Même si on ne demande pas son âge à une dame !
Écrit par : Vincent | 20/11/2014
Je n'aurai QUE 9 ans dans trois mois :-)
Écrit par : Pascale | 12/12/2014
On va fêter ça alors, jeune femme :)
Écrit par : Vincent | 16/12/2014