Cannes séquence 1 (20/05/2012)
De rouille et d'os
Il est entendu qu'un réalisateur digne de ce nom refait toujours le même film. De rouille et d'os est dans l'exacte continuité des précédents films de Jacques Audiard. Sans surprise mais sans déplaisir, on retrouve un personnage masculin un peu frustre, peu bavard, très physique, violent si nécessaire mais avec un bon fond. Le Ali joué par Matthias Schoenaerts avec une certaine intensité voire une intensité certaine, fait suite aux personnages incarnés par Vincent Cassel ou Tahar Rahim. Sans surprise mais sans déplaisir, on retrouve un personnage féminin marginalisé par un handicap comme l'était le personnage d'Emmanuelle Devos avec sa surdité, et qui va le surmonter en aidant le héros à trouver sa rédemption. C'était également le parcours de la pianiste chinoise jouée par Linh Dan Pham dans De battre mon cœur s'est arrêté (2005). Marion Cotillard est cette fois Stéphanie, une dresseuse d'orques du Marineland d'Antibes victime d'un accident qui la laisse amputée des deux jambes. Je me souviens avoir découvert cette actrice dans La Surface de réparation (1998) un court métrage de Valérie Müller. Elle y dansait joliment sur un classique rock and roll. Chez Audiard, elle a un joli moment du même genre sur sa chaise roulante puis un étrange ballet avec un orque devant une vitre, poésie un peu naïve, un peu grand bleu, mais quand même convaincante. Sans surprise mais sans déplaisir, on retrouve aussi la façon particulière dont Audiard investit les genres, le film noir, le film de prison, le mélodrame ici, jouant sur leurs codes sans les subvertir, respectant un certain premier degré ce qui est irritant pour certains, mais pratiquant un léger décalage par injection d'un travail d'arrière-plan documentaire, les expulsions d'immigrés de leur logement, l'univers carcéral, des combats de boxe clandestins ici, chose étonnante dont moi qui habite la région je n'avais jamais entendu parler. Admettons. Le plus intéressant dans De rouille et d'os est certainement ce portrait en creux d'une Côte d'Azur plus moche que nature, lumière solaire mais blanche, aveuglante. Sans surprise mais sans déplaisir, on retrouve la mise en scène maîtrisée jusqu'à l'exubérance de Jacques Audiard, calculée dans tous les coins et recoins du cadre, dans le tempo de la moindre seconde. Un rythme soutenu au risque de la rigidité, allant jusqu'à des ellipses à la limite de la compréhension. Pourquoi Stéphanie se décide-t'elle à appeler Ali ? Comment évolue le beau-frère d'Ali visiblement bien calmé à la fin après l'avoir menacé d'un fusil ? Audiard se soucie peu de répondre aux questions suscitées par son final mené au pas de charge. Reste que cette mise en scène précise et fébrile lui permet d'éviter les principaux pièges de son histoire d'amour traitée sans pathos, aussi simplement et avec la force de l'évidence des réplique de son héros d'une pièce. Audiard est OP, sans surprise mais sans déplaisir. Et vice versa.
17:52 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : jacques audiard, cannes 2012 | Facebook | Imprimer | |
Commentaires
Pas vu, mais l'analyse est fine et les rapprochements thématiques avec les autres film d'Audiard sont d'une telle évidence... Sur ceux que j'ai vu (Un héros très discret, Sur mes lèvres, De battre mon coeur s'est arrêté), Sur mes lèvres reste au-dessus.
Écrit par : Raphaël | 26/05/2012
C'est vrai, c'est barbant les films trop réussis, on ne sait plus que dire :-)
Écrit par : tepepa | 27/05/2012
Bonjour à tous les deux. Raphaël, j'ai une préférence pour "De battre..." et un bon souvenir trop lointain du héros discret.
Tep', ce n'est pas hélas un problème qui s'est trop posé cette année à Cannes :)
Écrit par : Vincent | 28/05/2012
Sans surprise et sans déplaisir donc,
c'est déjà pas mal !
Écrit par : Pascale | 09/08/2012