La mare aux canards (15/02/2011)

Natalie Portman veut danser la reine cygne dans le ballet de Piotr Ilitch Tchaïkovski. Elle passe une audition avec le grand maître Vincent Cassel qui joue comme Michael Douglas dans Chorus line (1986) de Richard Attenborough. Natalie est affublée d'une mère, jouée par Barbara Hershey qui la couve comme une enfant (papier peint avec oiseaux, peluches et rose bonbon), un peu comme la maman de Carrie (1976) de Brian De Palma. Mal assurée (comprendre sexuellement), Natalie est en proie à des hallucinations comme dans l'hôtel de Shining (1980) de Stanley Kubrick. D'ailleurs c'est fou comme la tête de la maman essayant d'entrer dans la chambre de sa fille fait penser à celle du bon Jack. Natalie va se décoincer un peu, c'est à dire griller une cigarette, aller dans un bar, danser sur de la techno et se faire rouler une pelle par le grand maître, nec plus ultra de la direction de danseuse.  Puis elle ira jeter ses peluches dans le vide ordure. C'est pas malin et puis on le voit venir. Dans le même temps, son corps subit d'étranges métamorphoses. C'est la meilleure idée du film, mais surtout si l'on se prend à rêver à ce qu'en aurait fait David Cronenberg il y a vingt ans.

Darren Aronofsky, décidément, je ne marche pas. Il filme sa danseuse comme il filmait son catcheur et plus avant ses junkies, caméra en mouvement perpétuel, collée au corps, collée au visage, étourdissante, fatigante. Quiconque a vu Tout près des étoiles, le documentaire consacré aux ballets de l'Opéra de Paris, réalisé par Nils Tavernier en 2000 sait que la danse ce n'est pas de la tarte. Impossible de croire qu'une danseuse du niveau du personnage de Black Swan puisse se comporter de cette manière quand elle se décide à sortir une veille de première, quelles qu'en soient les raisons. Impossible de retrouver dans l'image sombre de Matthew Libatique, terne, granuleuse et que d'un point de vue personnel je trouve laide, la folie des couleurs de The Red shoes (Les chaussons rouges - 1948) véritable chef d'œuvre technicolorisé du film de danse réalisé par le duo Michael Powell et Emeric Pressburger. Impossible de retrouver la démesure sainement vulgaire de Showgirls (1995) de Paul Verhoeven avec la sublime Elizabeth Berkley. Là, on avait un véritable film furieux, même si ce n'était pas du classique, avec cette énergie de la danse, cette sublimation du corps dans la danse, sans même parler de l'érotisme. Natalie Portman, nous dit-on, s'est entraînée dur, elle a souffert sans doute et du coup, elle est nous dit-on encore favorite pour les Oscars. Cela ne saurait m'étonner. Mais à aucun moment je n'ai sentit autre chose qu'un travail consciencieux, à aucun moment je n'ai ressentit qu'elle était une danseuse sublime, la danseuse sublime qui est le rôle. Aronofsky ne m'a pas montré cela. C'est filmé trop vite, trop près, ça bouge trop. Ça passait mieux avec le catcheur.

Que dire de la dimension fantastique du film ? Un moment je me suis dit que nous pourrions aller vers un giallo fantastique façon Argento. Tu parles... Aronofsky utilise les procédés du film d'horreur, mais contrairement à ses modèles cités ci-dessus, il ne joue que l'instant et la surprise. Black Swan est un festival de petits chocs « bouh fais moi peur » avec entrées dans le champ inopinées (ma voisine n'arrêtait pas de sursauter à côté de moi) et souvent gratuites, un jeu entre réalité et hallucinations digne d'un épisode de Freddy et, pour faire bonne mesure, une pesante symbolique des miroirs déclinés à toutes les sauces. Et notre homme n'oublie pas sa marque de fabrique, nous avons droit à plusieurs scènes de vomissement dans les toilettes. Comme dans ses films précédents, il cherche à passer en force, cinéma de l'épate et de l'esbroufe qui veut entraîner le spectateur dans son mouvement chaotique (jolis jumpcuts) histoire d'oublier qu'il nous raconte, plutôt moins bien, une histoire trop bien connue.

Pour un avis complètement différent

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