L'autre (26/09/2009)

J'ai une délectation pour l'argument critique qui consiste à reprocher à un réalisateur de ne pas avoir « filmer l'autre ». On l'a servi, tout fumant, tout fumeux, à quelques cinéastes qui, au tournant du siècle, ont fait de leurs convictions, leurs colères, leur engagement, le moteur de leur cinéma. Je pense à des gens comme Robert Guédiguian, Ken Loach, Bertrand Tavernier ou Youssef Chahine. Chahine, gloire du cinéma égyptien, cairote, new-yorkais, parisien, citoyen du monde, cinéaste, cinéphile, africain. Quel serait donc cet autre qui donne son titre à El Akhar, l'un de ses derniers films, tourné en 1999 avant sa disparition en 2008 ? Chahine avait précisé sa pensée dans un entretien pour le magasine l'Express. A la question « Qui est l'autre ? », il répond : « Celui qui me menace sans parvenir à m'effrayer. Celui qui me donne l'occasion de l'aimer. J'aime l'autre dans sa différence, parce que sa différence me plaît. Depuis cinquante ans, mon message ne varie pas: paix, partage, partenariat... »

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Tout ce qui fait peur mais qui fait partie de nous. Voici qui rappelle le fameux « Rien d'humain ne m'est étranger » de Térence. El Akhar est construit comme une fable aux motifs shakespeariens (Il y a du Roméo et Juliette là-dedans), qui met en scène de multiples couples qui sont autant de variations sur l'altérité. Mère et fils, frère et soeur, mari et femme, riches et pauvres, américains et égyptiens, hommes faibles et hommes intègres, islamistes et musulmans, musulmans et chrétiens, argent et bonheur, amour et haine, mêlés comme dans les doigts du pasteur Harry Powell. L'autre est très proche.

(La suite sur Kinok)

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