Films noirs (21/04/2009)
C'est la saison des listes. Après les années 70 et les années 80, Julien me propose de plancher sur une liste de mes films noirs préférés. Déjà, ce n'est pas facile de définir le genre. Il est plus mouvant que, disons, le western. Il pose pas mal de questions comme celle ci : l'oeuvre de Hitchcock relève-t'elle du film noir ? Vertigo (1958) ou Rear window (Fenêtre sur cour - 1954) incitent à dire oui, mais quelque chose me souffle que c'est un peu à part. On pourrait s'en tenir à l'âge d'or américain du genre entre Underworld (Les nuit de Chicago - 1928) de Joseph Von Sternberg et Touch of evil (La soif du mal - 1958) de Orson Welles, mais ça me semble réducteur. La peinture sociale d'une société, l'ambiance urbaine moderne, le crime, le brouillard, les flics verreux, la femme fatale, le détective, les bas fonds, tout ceci irrigue un courant important du cinéma français. On ne finit plus de découvrir le film noir asiatique qui a influencé radicalement le genre. Et puis les italiens qui ont exploité toutes les pistes tout en inventant un genre à part entière, le giallo. Si l'on veut ouvrir, ça va se compliquer, mais je peux essayer de définir ce que représente le film noir pour moi avec ces titres :
Les canoniques
Laura (1944) Otto Preminger
The big sleep (Le grand sommeil -1946) Howard Hawks
The killing (L'ultime Razzia - 1956) Stanley Kubrick
Underworld USA (Les bas fonds de New-York - 1961) Samuel Fuller
The Asphalt Jungle (Quand la ville dort – 1950) John Huston
Kiss me deadly (En quatrième vitesse - 1955) Robert Aldrich
The roaring twenties (Les fantastiques années 20 – 1939) Raoul Walsh
Gun crazy (1950) Joseph H. Lewis
DOA (1950) Rudolph Maté
The big heat (Règlement de comptes – 1953) Fritz Lang
Les modernes
Bring me the head of Alfredo Garcia (Apportez moi la tête d'Alfredo Garcia – 1974) Sam Peckinpah
Gloria (1980) John Cassavetes
Scarface (1983) Brian De Palma
The Cotton club (1984) Francis Ford Coppola
Year of the dragon (L'année du Dragon – 1985) Michael Cimino
Reservoir dogs (1992) Quentin Tarantino
Miller's crossing (1991) Frères Coen
The funeral (Nos funérailles – 1996) Abel Ferrara
Goodfellas (Les affranchis – 1990) Martin Scorcese
Q & A (Contre-enquête - 1990) Sidney Lumet
Source : filmbug
Du monde entier
Once upon a time in America (Il était une fois en Amérique – 1984) Sergio Leone
Panique (1946) Julien Duvivier
La sirène du Mississipi (1968) François Truffaut
Time and tide (2001) Tsui Hark
Bande à part (1964) Jean Luc Godard
Quai des orfèvres (1947) H. G. Clouzot
Tengoku to jigoku (Entre le ciel et l'enfer - 1963) Akira Kurosawa
Koroshi No Rakuin (La marque du tueur – 1963) Seijun Suzuki
Hana-Bi (1997) Takeshi Kitano
Arrivederci amore ciao (2006) Michele Soavi
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Commentaires
Merci Vincent pour cette belle liste. Je vois que nous n'avons pas exactement en tête la même chose quand nous parlons de films noirs car même dans ta liste des canoniques, je ne suis pas d'accord : Laura n'est pas vraiment un film noir, seule la présence du détective peut nous laisser croire le contraire : je rapproche Laura d'un film qui traite du crime, une sorte de thriller classique si tu veux. La fin est heureuse, la plupart des personnages sont des bourgeois, etc.
La plupart des modernes que tu cites sont ce qu'on appelle des "néo-noirs", c'est-à-dire des films qui puisent leur inspiration, ou qui rendent directement hommage, aux noirs des 40's à fin 50's. Je te l'ai écrit chez moi, en commentaire, le contexte politique est primordial au genre (l'influence du maccarthysme, dans Asphalt Jungle par exemple, la lointaine prohibition, la 2de GM, la guerre froide).
Bref, foin de ces petites précisions d'apothicaire, j'ai noté The roaring twenties que je n'ai pas vu, d'un cinéaste que j'adore et le Suzuki. Merci de t'être prêté au jeu et d'être allé au-delà du cadre que j'avais fixé, ta liste n'en est pas moins intéressante, au contraire.
Écrit par : Julien | 22/04/2009
The Big Sleep ! Ce film raté à cause d'un mauvaise scripte ;-)
Écrit par : il Gatto | 22/04/2009
Euh,... "petit cours accéléré de cinéma" ;-) ou "tentative d'éclaircissement du genre (le polar)"...
Dans les listes ci-dessus, il y a un certain nombre de titres qui sortent vraiment de la catégorie "film noir". En fait, il y a trois genres nettement distincts, bien que très proches :
- le film "policier" : le personnage principal est un agent de la force publique (policier) ou un privé (détective). Il doit enquêter sur un crime (généralement, un meurtre), et il s'agira de découvrir le ou les coupables, afin de les arrêter. Les films d'Hitchcock relèvent de ce genre. On peut mentionner le film de procès comme un "sous-genre" du film policier : typiquement Anatomy of a murder (Preminger).
- le film criminel : il s'agit de suivre les actes et la trajectoire d'un ou plusieurs criminels. Le films de gangsters en est une déclinaison : l'intrigue décrit la progression - souvent la "chute" - d'un malfrat (de préférence, son élimination), ou montre les codes du "milieu" (la mafia italienne ; les yakusas). Si on prend De Palma : Scarface est un film de gansters et Carlito's way est un film noir. En France, on peut penser à Touchez pas au grisbi (Jacques Becker) ou Bob le flambeur (Jean-Pierre Melville), qui ont reconnu l'influence du film noir amércain sur leurs films. Entre parenthèses, le film de braquage pourrait être une sous-catégorie du film de gangsters...
- le film noir : le détective ou le policier (représentant clairement les forces du "Bien") qui bascule du côté du "Mal". A la fin, leurs repères moraux ont vacillé, ils ne savent plus trop qui ils sont.
Bon courage à tous...
Écrit par : le père Delauche | 22/04/2009
A travers ma liste, je donne ma propre conception du film noir, qui n'est sans doute pas celle habituellement admise, et qui, en outre, inclut les séries TV :
1. Blade Runner de Ridley Scott (avec la voix off)
2. The Wire (série)
3. Les Soprano (série)
4. Collateral de Michael Mann
5. Breaking Bad (série)
6. Pulp Fiction de Quentin Tarantino
7. Guet-Apens de Sam Peckinpah
8. Le cercle rouge de Jean-Pierre Melville
9. La cité de la violence de Sergio Sollima
10. Triangle de Lam, Hark et Johnnie To
11. The Shield (série)
12. Miami Vice de Michael Mann
13. Le doulos de Jean-Pierre Melville
14. Le tueur de Denys de La Pattelière
15. Bob le flambeur de Jean-Pierre Melville
16. Sin City de Miller et Rodriguez
17. Le grand sommeil de Howard Hawks
18. L'ultime razzia de Stanley Kubrick
19. Chien enragé d'Akira Kurosawa
20. L'enfer est à lui de Walsh
Écrit par : Rom | 22/04/2009
Je dois dire que je n'ai pas trouvé de définition satisfaisante. Il y a toujours des exceptions. "Laura", pour moi, c'est l'un des premiers titres qui me vient à l'esprit quand on parle de film noir. Il finit bien et se passe dans la haute, certes, mais "The big sleep" aussi. La difficulté, c'est que le film noir mord dans les divisions signalées par le père Delauche. Les héros "noirs" sont tour à tour policiers, gangsters, détectives ou personnes ordinaires mais tous ont en commun d'être en rupture de ban (ex-gangster, ex-policier), un peu marginalisés, et confrontés à un destin implacable qui prend souvent la figure du Mal. Le tout dans un environnement social bien déterminé (mais pas forcément riche/pauvres). Parfois le héros bascule ou meurt, mais pas toujours. Les héros de "La clef de verre" ou "la moisson rouge" (qui inspira tant Kurosawa que les Coen) sont très déterminés, ils ont une ligne, comme Philip Marlowe, et s'y tiennent coûte que coûte. Il y a une dimension morale très forte dans le film noir.
Deux exemples de mes hésitations :
Sur De Palma, je suis d'accord. J'ai hésité entre "Carlito's way" et "Scarface". J'ai préféré le second parce qu'il a renouvellé le genre alors que le premier est d'abord un brillant hommage.
Pour Coppola, j'avais d'abord mis "Le parrain 2" qui me semble plus jouer sur les implications morales, donc plus "noir", puis j'ai pensé que le premier était plus dans la tradition, mais effectivement plus "film de gangster". Si j'ai terminé avec "Cotton Club", c'est que le personnage principal joué par Richard Gere n'est pas un truand mais un musicien et le film est le récit de sa confrontation avec ce milieu de gangsters. Donc plus proche de l'esprit "noir".
Écrit par : Vincent | 22/04/2009
A Rom, "Blade runner", bien sûr, parfait exemple de l'élasticité du genre. Je suis d'accord avec la plupart des titres, sauf ceux que ne n'ai pas vus (dont le Sollima, hélas). dans le même esprit, j'ai commandé "Milano calibre 9" dont on parle souvent comme l'un des meilleurs "noirs" italiens.
Écrit par : Vincent | 22/04/2009
En même temps, la définition du père Delauche est on ne peut plus minimaliste. Les thèmes abordés dans le noir peuvent parfois se résumer à : le personnage principal est confronté à une réalité qui le dépasse, il va tenter de parvenir à la vérité, en passant tous les états de l'âme parfois (mais pas toujours). Ce seul élément ne suffit pas à définir le noir.
Le noir se définit par un ton caractéristique : plus de noir que de blanc (ça semble une évidence), un dénouement qui est presque toujours malheureux, fataliste, des personnages classiques, archétypaux (le privé, la femme fatale), la remise en cause de la loi, etc.
Le contexte politique et social est lui aussi toujours en arrière-plan : c'est pourquoi Laura n'est pas, selon moi, un noir mais plutôt un policier. A aucun moment ce contexte n'apparait...
Écrit par : Julien | 22/04/2009
Bonjour Vincent, dans les canoniques, j'ai eu la chance de voir ce film sur grand écran (il était invisible depuis des années). Un choc et qu'est ce que c'est moderne. Sinon, j'aurais mis dans la liste: Assurance sur la mort de Billy Wilder. Concernant Il était une fois une fois en Amérique (c'est un de mes films cultes), je ne le classerais pas dans les films noirs. C'est plutôt une fresque d'une grand ampleur. C'est beaucoup de genres en un. Bonne journée.
Écrit par : dasola | 29/04/2009
Bonsoir Dasola, merci de votre passage. De quel film parlez vous ? "Blade Runner" ou "Milan calibre 9" ? "Pour le Wilder, je suis d'accord avec vous, c'est un choix évident et c'est pour cela que je ne l'ai pas mis :). Pour le Léone, comme nous en discutons, j'ai une vision assez large de ce qu'est un film noir. Celui-ci je le rattache par son protagoniste principal, l'importance de l'arrière plan social, l'importance de l'histoire d'amour et a tonalité d'ensemble, sombre. Nous sommes d'accord que c'est un grand film.
Julien, je ne pense pas que l'on se convaincra mutuellement, mais ce n'est pas grave. J'argumente encore un peu. Dans "Laura" l'arrière plan, c'est celui du New-York des années 40, du monde de la publicité, le milieu dans lequel évolue Laura et qui me semble bien rendu (pour ce que j'en connais :)). je pense aussi que l'argument policier est secondaire dans le film, que ce qui compte c'est cette atmosphère proche du fantastique et du personnage très ordinaire du policier qui se retrouve fasciné par cette femme qu'il croit morte.
Écrit par : Vincent | 29/04/2009