Un moment springsteenien (11/04/2009)
Il y a une scène que j'aime vraiment bien dans The wrestler de Darren Aronofsky. C'est celle où le personnage du catcheur déchu, Randy "The Ram" Robinson joué par Mickey Rourke (dans lequel j'ai eu beaucoup de mal à retrouver le Stanley White de Michael Cimino), tente de renouer avec sa fille jouée par Evan Rachel Wood. Passé un moment, il la convainc d'aller se balader sur la promenade d'Asbury Park, entre le Convention Hall et le casino. C'était l'endroit où il la menait quand elle était petite fille. Le couple déambule sur le front de mer, de grands espaces désertés, une ancienne salle en ruine. Les plans sont larges et respirent la grandeur passée. Les couleurs sont désaturées, comme passées par le temps. Au cœur de la grande salle, dans le souvenir d'un orchestre fantôme, père et fille esquissent quelques pas de danse. Un moment apaisé dans un film tout en mouvement et au montage acharné. Un temps de mystère qui m'a ramené au décor final de Carnival of the souls de Herk Harvey.
Mais bon, pour moi, c'est surtout l'ambiance de quelques-unes des plus belles chansons de Bruce Springsteen qui se déroulent autour d'Asbury Park comme Sandy (4th of july, Asbury Park)
And the boys from the casino dance with their shirts open like Latin lovers along the shore
Chasin' all them silly New York girls
Ou la fameuse Born to run
The amusement park rises bold and stark
Kids are huddled on the beach in a mist
C'est de retrouver cette qualité d'émotion qui m'a séduit, tout comme ma récente sensibilité aux histoires de pères et de filles. On retrouve cette mélancolie dans le morceau final écrit par Springsteen par amitié pour Mickey Rourke. Mais pourquoi, bon sang, sur le générique quand tout le monde se précipite hors de la salle ! Étonnant par ailleurs l'allure du Boss dans le clip du morceau, reprenant des extraits du film tandis qu'il chante sur un ring déserté. Springsteen, tel un caméléon, s'est fait le corps de Rourke. En habitant ainsi sa chanson, en investissant le personnage (la chanson est à la première personne), on pourrait dire que Springsteen joue plus que Rourke, puisque l'on nous a tellement souligné que Randy « The Ram » était Mickey Rourke. Si cela peut passer pour un compliment envers le boxeur, c'est assez vache pour l'acteur.
Have you ever seen a one-legged dog making its way down the street?
If you've ever seen a one-legged dog then you've seen me
Pour le reste, je ne suis pas trop amateur du cinéma de Darren Aronofsky. Sa mise en scène est voyante, même si elle est très maîtrisée, et convient mal me semble-t'il à une histoire somme toute classique, comme on en a vu pas mal depuis The set-up (Nous avons gagné ce soir - 1949) de Robert Wise. Du coup, ce sont quand même les acteurs qui font la valeur de ce film, donnant parfois même l'impression de batailler contre les effets de la réalisation.
23:10 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : darren aronofsky, bruce springsteen | Facebook | Imprimer | |
Commentaires
Je suis plus enthousiaste que toi sur ce film. Mais je constate avec plaisir que tu as été sensible à la même scène que moi (vertement critiquée par les décidément peu inspirés lurons de Matière Focale). Et si tu trouves cette mise en scène appuyée, ne regarde surtout pas les autres films du réalisateur, tu auras un épouvantable mal de tête et la nausée !
Bref, je suis surtout passé ici te proposer de faire un petit classement : celui des 25 meilleurs films noirs de tous les temps. Ma liste sera publiée d'ici deux jours. Je compte sur toi, le Dr Orlof et Nightswimming pour publier un petit quelque chose sur un genre que j'affectionne particulièrement. Si tu connais d'autres blogueurs susceptibles d'être intéessés, merci de faire suivre !
Amitiés cinéphiles,
Julien.
Écrit par : Julien | 15/04/2009
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Écrit par : Sonia | 16/04/2009
Ah tiens, sauf tout le respect que je peux avoir pour Springsteen (que j'avoue mal connaître), je pense presque le contraire de toi. J'aime bien le film, mais j'irais presque jusqu'à dire que les scènes avec sa fille font partie du "cahier des charges" du mélo. Même si elles sont réussies, je les trouve plus attendues que le reste du film qui me paraît (pour une fois avec Aronofsky) assez équilibré entre grand-guignol et moments de répit, qui donne ce ton assez particulier de "désespoir paisible". Je pense que la sincérité du comédien comme du réalisateur (qui devaient tous les deux avoir le sentiment de jouer leur dernière carte ?) transparaît nettement dans le film, en dépit d'un récit parfois convenu. Et puis, je trouve que le film est aussi un bel hommage aux années 80 et j'irais presque à dire aux différentes cultures MTV (les jeux vidéos des années 80 et d'aujourd'hui, le heavy metal, le sex symbol déchu, les combats à la Jackass)...
Écrit par : Joachim | 17/04/2009
Julien, Joachim, je dois dire que j'ai quand même pris un certain plaisir à voir le film. J'ai eu une période ou j'aimais bien regarder les matchs de catch à la télévision et je pense que le style de Aronofsky convient bien à ce côté « grand-guignol ». Ce que je lui reproche, après-coup et sans remettre en cause la sincérité du film, c'est de ne pas savoir être sobre dans les moments plus calmes, à l'exception de cette scène à Asbury Park et d'être toujours dans l'effet. Ça m'a surtout gêné dans toutes les scènes avec la strip-teaseuse où j'aurais aimé être plus avec les personnages qu'avec la caméra (d'où ma réflexion finale). C'est son style, on ne se refait pas. J'avais vu « Requiem for a dream » qui m'avait donné mal à la tête.
Springsteen, Joachim, je ne peux que t'encourager à le découvrir. C'est sans doute le chanteur dont je connais le mieux le travail. Asbury Park, c'est un peu pour lui comme Monument Valley pour Ford. Cahier des charges ou pas, il m'est difficile de penser qu'ils aient tourné cette scène par hasard, compte tenu de l'implication de Springsteen dans le film. Après, c'est juste une question de ressentit et puis le Boss a un côté mélo lui aussi, assumé lui aussi.
Sinon, OK pour les films noirs. Et puis pour Sonia, je vais y réfléchir.
Écrit par : Vincent | 17/04/2009
Bonjour, le film a été pour moi une véritable surprise, étant donné que je n'attendais pas grand chose de cet Aronofsky. Ce que j'ai aimé c'est le côté contenu, réservé du film (inhabituel chez ce cinéaste), qui n'empêche pas, bien au contraire, une savante construction mélodramatique, et des effets discrètement dispensés. Ce qui change de Requiem for a dream et du planant et vaguement psychédélique The Fountain... Quant à Springsteen, c'est en ignorant de sa musique j'ai apprécié l'ambiance sonore et le générique, il est vrai très en phase avec le propos.
Écrit par : T.G. | 17/04/2009
Bonjour, T.G., le film a été pour moi aussi une surprise parce que je l'ai vu presque par hasard et que je ne pensais pas revoir de sitôt un film d'Aronovsky. Maintenant, ce que j'appellerais un film "contenu", ce serait plutôt le dernier Eastwood. je trouve la mise en scène de "The wrestler " encore très appuyée. quand il met 10 minutes à suivre Randy de dos avant de finir par le contourner et nous montrer enfin son visage, même si c'est bien exécuté, je trouve que c'est l'effet qui est mis en avant de façon assez ostensible. D'une certaine façon, la chanson de Springsteen possède cette sobriété qui fait souvent défaut au film.
Écrit par : Vincent | 20/04/2009
C'est vrai. Dans un billet(http://fenetressurcour.blogspot.com/2009/03/avant-wrestler-darren-aronofsky-avait.html) je m'amusais d'ailleurs à comparer cette mise en scène à une séance de catch, avec ses "effets de réel" plutôt grossier.
Écrit par : T.G. | 22/04/2009