Clermont 2007 première partie (12/02/2007)

Cela a commencé un peu laborieusement. La traversée du massif central s'est faite dans le brouillard puis nous nous sommes perdu pour trouver l'hôtel. Ensuite nous avons raté l'heure de l'apéro, moment sacré de la journée où se nouent tant de contacts. Parce que Clermont, j'y vais aussi pour mon association et une partie de mon temps est consacré à rencontrer des gens, revoir des amis et discuter de projets que l'on pourrait monter ensemble. Clermont me donne une grande part de l'énergie qui m'anime tout au long de l'année. Bref, le badge autour du cou, les choses sont vite rentrées dans l'ordre. Nous avons retrouvé nos amis sommes rentrés dans le vif du sujet avec la programmation de l'Etrange Festival, proposée par Frédéric Temps. Un joli programme pour se mettre dans le bain, moins trash et sexe que d'ordinaire, plus orienté vers le fantastique, le burlesque et l'expérimental. C'était partit.

Il serait un peu présomptueux de vouloir donner une vue d'ensemble de cette édition 2007 du festival de Clermont-Ferrand. Il y a là-bas tant de films à voir et tant de choses à faire. Pour utiliser un mot prisé par les lecteurs de Télérama, je trouve jubilatoire de passer ainsi par autant d'univers différents, autant de styles, autant de propositions (ou d'absence de) de cinéma. Au bout d'un moment me restent quelques sentiments tenaces, le goût de l'année.

De 2007 je conserverais une petite irritation face à la tendance pseudo sociale de certains courts métrages français. Mes lecteurs savent combien j'apprécie Loach ou Tavernier, mais cette façon de plaquer une scène d'usine pour montrer que l'on a bien caractérisé son personnage, qu'il est bien ancré dans une réalité sociale et économique finit par me gonfler un petit peu. On sent l'acteur appliqué, mais ça sonne faux. Dans un registre proche, un film comme Trente ans de Nicolas Lasnibat, de la FEMIS, tombe complètement à plat. Pourtant, avec un sujet pareil, l'histoire d'un homme qui revient au Chili trente ans après la dictature pour récupérer les ossements de sa femme exécutée, il y aurait eu matière à. Hélas, pendant la scène censément poignante ou il dispose les os sur le lit, je pensais qu'il aurait fallu un Lynch, une vision, une plongée dans l'esprit de cet homme, quelque chose de dérangeant et pas une performance bien propre. Heureusement, plusieurs films ont su dépasser les clichés en vigueur et, bien que les deux pieds dans la réalité, ont su la transcender pour faire vivre autre chose que des illustrations de thèses. L'humanisme de La leçon de guitare de Martin Ritt ou du grand prix, Le Mozart des pickpockets de Philippe Pollet-Villard, est heureusement renforcé d'humour, de poésie, d'habiles réminiscences du Kid de Chaplin ou de grands moments de la comédie italienne. De la même façon, Nyaman' Gouacou viande de ta mère de Laurent Senechal contourne les clichés attendus sur une histoire qui pouvait faire frémir : femmes immigrées, banlieue, adolescente en crise. Heureusement non, les deux actrices, justement récompensées, Fanta Touré et Manga Ndjomo sont toujours justes et nous avons d'abord à faire avec une mère et sa fille avant deux femmes d'origine africaine. Le petit drame raconté sur une journée atteint vite une portée universelle et les rapports souvent difficiles entre les êtres sont toujours allégés de touches d'humour. Les visages sont filmés avec tendresse et le montage rigoureux. Mieux, il y a une véritable attention portée aux seconds rôles comme le délégué de la classe immédiatement crédible avec une réplique inattendue. Vous aurez compris que c'est le film français qui m'a le plus touché cette année.

Année après année, le cinéma d'animation confirme son importance tant au niveau de la qualité que de l'ambition. A Clermont, j'aime assez cette abolition des frontières qui préside aux programmations. Bien qu'il y ait une section Labo spécifique au cinéma expérimental, on retrouve la fiction classique, le documentaire, l'animation, la vidéo et la pellicule brassés sans plus chercher à regrouper des familles. Exemplairement, Mon amour (Moya lyubov) de Alexander Petrov est une fresque animée romanesque sur les amours d'une jeune homme pour deux femmes, l'une, sa jeune bonne et l'autre son énigmatique voisine. Nous sommes en plein XIXe siècle et dans la grande littérature russe. Nous sommes aussi, par la grâce d'une technique virtuose, plongés dans les délire de son imagination adolescente, autant de visions éclatantes et colorées, séduisantes comme celles du Dr Jivago de Lean. Je reste plus partagé sur l'utilisation de la vidéo. Autant nombre d'oeuvres numériques sont de toute beauté et/ou savent utiliser avec inventivité les ressources de la technique, autant plusieurs films sont d'une laideur à faire peur et trahissent, sinon leur manque de moyen, du moins des histoires intéressantes. Quel gâchis parfois. Au passage je note avec tristesse la pauvreté des films africains francophones, pauvreté au sens littéral du mot. Une exception éclatante, le documentaire musical et engagé Foniké ("jeune" en langue soussou) de Jérémie Lenoir, un film qui met en scène les rappeurs de Conakry en Guinée, un télescopage avec l'actualité de ce pays qui n'en peut plus de la misère, de la corruption et du manque de tout. Un pays qui crie sa rage dans la rue. Le film, écrit par une caméra très mobile, est composé comme un tourbillon qui happe et fascine, ramenant la musique à ses origines tant géographiques que sociales. Moi qui n'ai guère d'affinité avec le hip-hop, j'en suis resté cloué.

(à suivre)

Le site du film Foniké

Palmarès 2007

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