Bond, James etc. (07/12/2006)
Mon premier contact avec James Bond en salles, ce fut une séance estivale, en vacances à la montagne, je devais avoir 14 ans. C'était le premier, James Bond contre Dr No réalisé par Terence Young. Je connaissais déjà les bouquins et j'avais vu des photographies comme des extraits. Je n'avais pas été déçu. Aujourd'hui encore, quand je revois le film, j'apprécie son côté série B des années soixante. Pas encore de gadgets, une bande son exotique, le bikini d'Ursula Andress, son accent, et la tarentule sur le poitrail velu de Sean Connery. Par la suite, j'avais des amis dont l'un d'eux avait, chose merveilleuse et rare, un magnétoscope. C'était ce que l'on appelle un bondophile, un vrai fan et je cois qu'il l'est toujours. Il appréciait aussi John Steed et le prisonnier. C'est amusant cette fascination qu'ont pu avoir certains pour cette image de l'espion britannique. Bref, pendant quelques mois, nous nous cotisions pour louer (les vidéos étaient hors de prix à l'époque) les aventures de Bond. Passé un moment, déjà très cinéphile, j'avais essayé d'influer sur la programmation (mémorable séance de Délivrance de Boormann mais c'est une autre histoire). Bond restait maître du terrain et je suis partit fréquenter la cinémathèque.
Sans être devenu bondophile, je n'en ai pas moins développé une certaine affection pour les films un peu en marge de la série officielle, pour ces « James Bond déficitaires » dont parlait François Truffaut (quoique les films dont il sera question ne l'ont pas été). Au sein de la série officielle, j'aime Au service secret de sa Majesté, réalisé en 1969 par Peter Hunt, monteur des trois premiers films. Je l'aime parce que Diana Rigg y est belle, parce que « ce n'était jamais arrivé à l'autre type », parce que Diana Rigg qui sortait de la série Chapeau melon et bottes de cuir y est crédible quand elle fait le coup de poing, parce que l'élégance de la mise en scène de Peter Hunt, parce que Diana Rigg épouse Bond à la fin, parce que les expressions mélancoliques de Georges Lazenby, parce que c'est Louis Armstrong qui chante cette fois, et parce que l'on trouve cette fin si triste et si douce que l'on imagine pas jouée par aucun autre des interprètes de Bond.
L'autre Bond dont j'ai un fort souvenir, c'est l'alternatif Jamais plus jamais mis en scène par Irvin Kershner en 1983. Parce qu'il joue (un peu) sur l'age de bond qui est envoyé en cure de repos au début du film, parce que Connery a une jolie scène de danse avec Kim Basinger sur un sol en damiers et puis il se fait presque violer la méchante brune jouée par Barbara Carrera, parce que le baiser un rien baveux de Klaus Maria Brandauer à kim Basinger. Brandauer est un méchant assez original dans ce cadre, élégant, proche et pourtant avec des éclairs de folie très crédibles. Je garde le souvenir d'un film vif, décontracté et sophistiqué avec la patte des meilleures réussites de Kershner, réalisé à une époque où ceux fait avec Roger Moore étaient franchement pitoyables.
Mais le Bond des Bonds, c'est celui qui provoque chez les purs bondophiles un mouvement arrière dégoûté. C'et Casino Royale. Pas celui qui sort que l'on nous promet « différent » (on dit toujours ça avant), mais le film quelque peu branque réalisé en 1967. Casino Royale est à jamais un des films les plus loufoques jamais réalisés, quelque part entre Hellzapoppin' de H.C.Potter, The party de Blake Edwards et 1941 de Steven Spielberg. Un OVNI qui a eu les moyens et qui n'a reculé devant rien, pas même devant le mauvais goût, l'emblème d'une époque et d'un état d'esprit, celui de la vague psychédélique des années 60, le swinging London et toutes ces sortes de choses. L'histoire de ce film est déjà gratinée : un producteur en fuite qui achète les droits par superstition, un second qui devant l'impossibilité de faire un film sérieux décide de jouer à fond la parodie et envisage un moment de faire jouer Bond par Susan Hayward. Cinq metteurs en scène (Val Guest, John Huston, Robert Parrish, Ken Hughes, Joseph McGrath), défi à toute théorie des auteurs, une dizaine de scénaristes dont Woody Allen qui écrira ses dialogues, Billy Wilder, Ben Hecht, Val Guest et Peter Sellers qui tripote son rôle. Une distribution d'ici jusque là bas avec l'homme dont Fleming rêvait pour jouer Bond : David Niven. A ses côté, Orson Welles, Ursula Andress, Peter Sellers, Woody Allen, Charles Boyer, Déborah Kerr (exquise), William Holden et même Jean-Paul Belmondo en légionnaire bilingue avec pour faire bonne mesure quelques unes des plus belles femmes de l'époque, outre Andress et son accent suisse, Joanna Pettet, Jacqueline Bisset, Barbara Bouchet et la sublime Daliah Lavi.
De l'histoire, pas la peine de s'étendre dessus, le film est un pied de nez à la cohérence et à la continuité. On y trouve des James Bond vrais et faux, hommes, femmes, chiens et otarie, une soucoupe volante, une aspirine atomique, un français à l'accent écossais, le fille de Mata Hari, des indiens, Georges Raft et sa pièce de monnaie, un concours de lancer de boulets, j'en passe et des meilleures. La musique est typiquement pop, sautillante comme il se doit, un des sommets de Burt Bacharach avec le standard The look of love. La photographie comme la direction artistique multiplient les chocs visuels, mariant sans sourciller l'esthétique de la série officielle à un magnifique passage expressionniste à Berlin, un ballet hindou et quelques délires psychédéliques dans le repaire du Spectre. Casino Royale est une oeuvre somme qui inclus les arts visuels, la décoration, l'architecture et la mode. A cette énumération digne de Prévert, on peut se dire que le film est un véritable foutoir. C'est exactement cela, un foutoir joyeux, irrespectueux, une création collective, un happening friqué avec ses sommets, ses moments obscurs, ses passages limites. C'est un joyau impérissable que certains peuvent trouver lamentable. Qu'ils aillent rejoindre Jimmy Bond « to a place where it's terribly hot ».
Georges Lazenby, une étude de John Buss (en anglais)
Un entretien avec Georges Lazenby (en anglais)
Les magnifiques posters de Casino Royale
Le site du fan club de James Bond français
Un site anglais très bien fourni (la photographie de Diana Rigg en vient)
Casino Royale sur DVDClassik
Le DVDde Casino Royale
Le DVDde Au service secret de sa majesté
Le DVDde Jamais plus Jamais
08:50 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinema, James Bond | Facebook | Imprimer | |
Commentaires
Hello,
Je me suis acheté il y a quelques mois le "premier" Casino Royale dont tu parles. Comme toi, je l'avais vu quand j'étais ado et m'étais bien marré. Hélas, ce film ne passe pas le temps et me fait plus sourire que rire, malgré ses indiscutables qualités artistiques que tu fais bien de rappeler…
J'ai découvert dans les Inrock de cette semaine, que Casino Royale avait été tout de suite porté à l'écran, dès 1954 en téléfilm avec Peter Lorr dans le rôle de Le Chiffre. Énorme, non ?
J'ai trouvé ce lien en anglais : http://commanderbond.net/article/2559
Écrit par : imposture | 07/12/2006
Merci pour le lien, Lorre en Le Chiffre, ça doit valoir le coup. En fait, cette version est disponible dans le DVD zone 1 de la version 1967. Il existe aussi une version radiophonique. l'histoire des droits de Casino Royale est compliquée et ceci explique pourquoi tous ces projets ont existé et pourquoi le titre ne rejoint la série officielle qu'aujourd'hui.
Sur le film, je l'ai vu plusieurs fois et il y a eu des hauts et des bas. Aujourd'hui, certains passages me font franchement rire (le numéro de Sellers devant Welles, c'est déjà "The Party" et j'adore le concours de lancer de boulets). D'autres vont trop loin dans le délire plus ou moins bien contrôlé comme la bagarre finale et lassent un peu. Je reste définitivement fasciné par les différentes actrices.
Écrit par : Vincent | 07/12/2006