Tchika, tchika, tchik ! (31/07/2019)

Copacabana Palace (1962) de Steno

Voilà un film estival idéal : ensoleillé, exotique, amusant, coloré, musical et sans conséquences. Ça se passe au Brésil, à Rio de Janeiro, autour de la plage la plus fameuse du monde. C'est un film italien (avec coproduction franco-brésilienne) de 1962, donc une imagerie de carte postale déployée avec une innocence touchante : le sable blanc, les grands hôtels, les restaurants à l’ambiance feutrée, les avions que l'on prenait alors avec simplicité, les petits calots penchés sur la tête des hôtesse de l'air, les costumes de soirée clairs avec nœud papillon noir, les yachts blancs aux grandes voiles, les bikinis au bord de piscines azur, les terrains de golf si verts, les bals et bien entendu le carnaval. Trois ans après le Orfeu negro (1959) de Marcel Camus, les favelas restent hors champ et les quartiers populaires, où la compagne de l'un des héros tient un bar, sont aussi sympathiques que ceux de Rome dans I soliti ignoti (Le Pigeon, 1958) de Mario Monicelli.

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Le scénario signé du grand Luciano Vincenzoni mêle trois histoires qui ne se croisent pas, donnant au film l'allure d'un film à sketches entrelacés. Il y a trois bras cassés venus faire un hold-up, une princesse et son amant suivis par le mari, et trois hôtesses de l'air qui entendent profiter du carnaval et des beaux brésiliens. Vincenzoni ne s'est pas foulé en restant à ce qui peut être attendu de tels points de départ. Par contre les histoires sont bien menées même si celle des hôtesses est très ténue. L'ensemble est agréable quoiqu'un peu bavard, porté par la mise en scène compétente de Steno. De son vrai nom, Stefano Vanzina, Steno fait partie des pointures de la comédie populaire à l'italienne, sans avoir été mis sur le même plan que Dino Risi ou Monicelli dont il fut l'assistant. Il a fait tourner tout le monde, de Ugo Tognazzi à Bud Spencer, d'Edwige Fenech à Monica Vitti, et surtout le grand Totò. En 1972, c'est lui qui lance la mode du Poliziottesco avec le succès de La polizia Ringrazia (Société anonyme anti-crime). Compétent donc, Steno livre un travail très ligne claire, efficace et sans bavures. Il bénéficie de la qualité qui était la norme dans le cinéma de genre italien de l'époque : belle photographie Technicolor du futur réalisateur Massimo Dallamano (qui signera l'image des deux premiers westerns de Sergio Leone), écran large en Dyaliscope, musique pop de Gianni Ferrio et tournage sur place.

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Il a également à sa disposition une belle bande de comédiens dont l'abattage participe du plaisir que l'on peut prendre aujourd’hui à cette œuvre un peu surannée, avec en tête Sylva Koscina et ses grands cils noirs, Walter Chiari, Franco Fabrizi et Paolo Ferrari. Coproduction avec la France oblige, on découvre dans Copacabana Palace le toujours excellent Raymond Bussière en petit truand sympathique, Claude Rich en mari tordu et surtout Mylène Demongeot qui crée le personnage le plus intéressant du film. Sa princesse Zina von Raunacher est d'abord une femme amoureuse qui compte sur son séjour brésilien pour, enfin, passer à l'acte avec un amant qui se révèle peu empressé. D’où une succession d'actes manqués, un empêchement permanent qui met les nerfs de la princesse à rude épreuve. Demongeot donne une charge érotique à son personnage en jouant bien sûr avec son apparence, mais surtout sur un sentiment de frustration et même sur une véritable douleur du désir inassouvi. Il faut la voir sur le pont du bateau de son amant, entourée de beaux brésiliens musclés, la bouche entrouverte, désolée de se voir négligée. Et quand elle l'attire pour un baiser, l'imbécile se fait un tour de rein. Ça pourrait être scabreux, c'est plutôt émouvant et inattendu dans un tel cadre.

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La frustration est le dénominateur commun aux trois récits. Les trois voleurs subissent comme chez Monicelli plusieurs revers d 'un destin taquin. L'épisode des hôtesses est une variation en mode mineur tout en prenant un intérêt imprévu et extérieur au récit. Les trois jeunes femmes veulent passer leur carnaval en compagnie. Hélas, les trois hommes qu'elles embarquent vont se révéler en toute innocence mariés et pères de famille. Mais du coup, les voilà intégrées à un groupe chaleureux qui va leur faire découvrir le carnaval mieux qu'elles ne l'auraient rêvé. Là où le film prend une autre valeur pour le spectateur contemporain, c'est que les trois prétendants sont musiciens et sont joués par rien moins que Antonio Carlos Jobim, Luis Bonfa, et Joao Gilberto. La bande musicale, à côté du travail de Ferrio, comprend donc quelques classiques de la Samba et de la Bossa-Nova comme le célèbre Só Danço Samba joué ici par João Gilberto et le groupe Os Cariocas, Samba do Avião de Jobim, Canção do Mar de Bonfa sur des paroles de paroles de Maria Helena Toledo et Tristezza toujours de Bonfa et Toledo, chantée par Norma Bengell. Steno saisi sur le vif un moment de la musique brésilienne et, lui ou une seconde équipe, nourrit le film de plans documentaires du carnaval qui se mêlent à ceux reconstitués et donnent un film une certaine authenticité. Rien que ça vaut le coup d’œil et d'oreille.

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Photographies DVD Surf Films et collection privée source Libération.

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