Une semaine avec Paul Vecchiali (16/01/2016)
Suite à la ressortie en salle, à l'initiative de Shellac, de huit films de Paul Vecchiali datant des années 70 et 80, les associations Regard Indépendant et Cinéma sans Frontières organisent 3 jours de rencontres et de projections en hommage au cinéaste qui sera présent à Nice pour 3 séances-débat autour des films: En haut des marche (1983), L'étrangleur (1972) et Corps à cœur (1979). Cet évènement se double d'un travail autour de certains autres films sortis en DVD pour les Fiches du Cinéma. Je vous propose donc de passer quelques jours sur Inisfree avec Paul Vecchiali. Et pour ouvrir les réjouissances, un texte de présentation signé Josiane Scoleri.
Paul Vecchiali est très certainement le cinéaste le plus atypique du paysage cinématographique français et ce dès les tout premiers films.
Être critique aux Cahiers du Cinéma dans les années 60 et aimer Danielle Darrieux, voilà sans doute un grand écart inconcevable pour certains, mais c'est bien Paul Vecchiali. L'indépendance chevillée au corps, il produit dès 1963 les premiers films de son ami Jean Eustache. Dans cette même ligne, il créera dans les années 70 sa propre maison de production « Diagonale » qui a permis l'éclosion de toute une génération de cinéastes français : Jean-Claude Biette, Jean-Claude Guiguet, Gérard Frot-Coutaz, Marie-Claude Treilhou en se mettant d'ailleurs souvent lui-même au service de tous ces jeunes réalisateurs en tant que monteur.
Lorsqu'il n 'arrive plus à mener sa barque comme il l'entend, il préfère vendre les droits et passer à autre chose. Il n'a jamais eu peur de la télé et comme il le dit lui-même, à deux exceptions près, il a réussi à y faire de vrais films et à gagner l'argent... qui lui permettra de faire ses films en se passant de l'avance sur recettes (même si ça le met en rogne : il en fera le très drôle et très féroce À vot' bon cœur ! en 2004).
Quand il désespère du cinéma, il rebondit avec Antidogma : une seule règle: pas de règles. Résultat : une dizaine de films en circuit court, tournés chez lui ou en bas de chez lui, avec ses fidèles lieutenants, Philippe Bottiglione, son chef-opérateur, Francis Bonfanti, son ingénieur du son, Roland Vincent son compositeur attitré. Les films pour la plupart attendent toujours leur sortie en salle... Mais ça n'empêche pas Vecchiali de continue à tourner et de nous surprendre à chaque fois: le magnifique Nuits blanches sur la jetée dont il nous a régalés l'an dernier, en attendant Le cancre dont il dit que c'est son meilleur film (avec tout de même Deneuve et Amalric !). Ainsi va Vecchiali, 85 ans et toutes ses dents ! Merci Monsieur Vecchiali de continuer à nous donner l'amour du cinéma.
Nous avons choisi ces trois films pour rendre compte - modestement- de la diversité de l'œuvre de Paul Vecchiali avec des thèmes et des genres qu'il ne cessera de réinventer avec cette liberté de cœur et d'esprit qui le caractérise.
En haut des marches de 1983 peut -être son film le plus intime, dédié à sa mère, tourné à Toulon, la ville de son enfance, dans la maison où il a grandi. Un film d'une sensibilité à fleur de peau, aux antipodes du politiquement correct sur, entre autres, la collaboration et la Résistance à l'époque certains critiques y verront une réhabilitation de la collaboration: un comble, à se demander ce qu'ils ont vu...) et surtout joué par celle qui fera advenir Paul Vecchiali au cinéma - dès l'âge de 6 ans- Danielle Darieux, impériale dans le rôle.
L'étrangleur est son troisième film (mais le premier Les petits drames (1961) est perdu et le second "Les ruses du diable (1965) n'est pas disponible. L'étrangleur (1972) est donc le film de Vecchiali le plus ancien visible en salle aujourd'hui. Un film qui en dit long déjà sur cette veine de l'expérimentation en termes de mise en scène et de montage qui traverse toute l'œuvre du cinéaste avec déjà une scène chantée magnifique dans un cabaret où des filles en marinière se balancent dans des hamacs au-dessus des tables des clients et des scènes de nuit d'une douceur troublante pour mettre en scène un tueur en série.
Corps à cœur (1978) vient illustrer ici une autre veine majeure de Vecchiali, son amour du cinéma français des années 30 et sa capacité inouïe à le faire vivre sous nous yeux sans une once de passéisme, comme dans une fable qui serait en même temps incroyablement contemporaine. Peinture d'un monde qui était déjà entrain de basculer à l'époque, la troupe de Vecchiali campe un univers de prolos au grand cœur (Marcel Gassouk), où poètes (Sonia Saviange) et philosophes (Michel Delahaye) le disputent à la gouaille de la rue (Béatrice Bruno). Mélo flamboyant, Corps à cœur est pourtant construit sur le fossé de classes et de générations qui sépare Pierrot le beau gosse de la ruelle (Nicolas Silberg) et Hélène Surgère plus que parfaite en bourgeoise libérée et plutôt bien conservée qui cache sa blessure du mieux qu'elle peut. Le tout baigné par la musique somptueuse du Requiem de Fauré qui est malgré tout la musique des morts ou plus justement celle qui relie les vivants et les morts.
Josiane Scoleri
Toutes les séances auront lieu au Cinéma Mercury 16 place Garibaldi à Nice
Vendredi 22 janvier à 20h30 : En haut des marches présentation de Josiane Scoleri
Samedi 23 janvier à 20h30 : L'Étrangleur présentation de Bruno Precioso
Dimanche 24 janvier à 14h30 : Corps à cœur présentation de Vincent Jourdan
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