L'épée enchantée (05/09/2013)

The Magic Sword (L'épée enchantée). Un film de Bert I. Gordon (1961)

Pour Les Fiches du Cinéma

Voilà un film que j'aurais bien aimé découvrir vers 8 ans. Quelques décennies plus tard, je suis disposé faire le petit effort nécessaire pour apprécier The magic sword (L'épée enchantée) sans l'alibi facile du second degré. Un effort qui sera récompensé puisqu'il permet de pénétrer dans un monde peuplé de preux chevaliers, de sorcières et d'enchanteurs, où une belle princesse languissante est enlevée par le terrible Lodac qui la destine à être dévorée par son dragon à deux têtes sous sept jours. Lodac est un magicien aux pouvoirs immenses qui nourrit se bestiole exclusivement de princesses, réservant aux courageux venus à la rescousse sept fléaux mortels auxquels nul, jusqu'ici, n'a résisté. Dans le cas de la belle Hélène, les choses ne vont pas se passer comme prévu par Lodac. C'est que le jeune et fringuant Georges en est tombé amoureux en voyant son visage dans un étang magique. Georges a pour mère adoptive Sybile, une sorcière farfelue assistée de jumeaux siamois et d'un chimpanzé décontracté. C'est pratique. Il prend une avance sur les cadeaux de son 21e anniversaire, séquestrant sa maman au sous-sol au passage et le voici équipé d'un destrier blanc, d'un bouclier magique et d'une épée magique (d'où le titre) ainsi que de six compagnons, six nobles chevaliers venus des quatre coins de l'Europe qu'il a opportunément libéré d'un sort qui les avait transformés en statues de pierre. Le temps de se présenter au roi, père d'Hélène qui a offert la main de sa fille à qui la sauvera, et les sept compagnons partant en quête, accompagnés de Sir Branton, autre prétendant dont la fine moustache désigne le traître à vingt pas. Ne me dites pas que vous ne brûlez pas de savoir la suite.

bert i. gordon

Réalisé en 1961, The magic sword est l'œuvre de Bert I. Gordon. Ce mélange de chevalerie, de fantastique et de merveilleux s'inscrit dans une période faste pour le genre avec The seventh voyage of Sinbad (Le septième voyage de Sinbad – 1958) et Jack the Giant Killer (Jack, le tueur de géants - 1962) de Nathan Juran, la version de La belle au bois dormant des studios Disney, mais aussi la renaissance à succès du peplum en Italie. Gordon est un pur réalisateur de cinéma d'exploitation spécialisé dans le fantastique avec une obsession particulière : le gigantisme. C'est ce qui lui valu le surnom de « Mister BIG ». La majorité de ses films, des dinosaures de son premier film King dinosaur en 1955 à ses adaptations de « Food for the gods » de H.G.Wells, a lancé en grandes tailles sur les écrans des sauterelles, des fourmis, des araignées, des poulets et un fameux homme-colosse. Il y a parfois eu des réductions, mais c'est plus rare. Gordon utilisera pour ce faire des effets simples à base de transparences et d'animaux véritables, alternative économique aux créatures animées façon Ray Harryhausen. Dans The magic sword, cette fixation se traduit par le dragon et un cyclope hargneux, ainsi que de façon inversée par des personnages miniaturisés par l'enchanteur et qui aideront le héros le moment venu.

S'inspirant de légendes du moyen-âge, notamment celle de St Georges et du dragon, le scénario de Bernard C. Schoenfeld (auteur de celui du remarquable film noir Phantom lady en 1944 avec la sublime Ella Raines) joue à fond la carte de l'émerveillement sans renoncer au fantastique, avec une pointe gore à l'occasion (petite pointe, nous sommes en 1961), tout en conservant un humour qui ne tombe jamais dans le clin d’œil de celui-à-qui-on-ne-la-fait-pas. The magic swordse présente comme un véritable livre d'images animées puisant sans doute du côté de la bande dessinée de Hal Foster, Prince Vaillant. La photographie de Paul Vogel privilégie les couleurs vives et les éclairages irréels. Il noie de brume le marais pestilentiel, inonde de soleil la campagne paisible, fait rougeoyer les salles du château de Lodac à la façon d'un Mario Bava. Le montage déroule le récit sans à-coups, palliant par sa vivacité les limites des effets spéciaux ce qui est souvent la meilleure façon de faire. La sincérité et le soin apporté à l'ensemble emportent l'adhésion et le côté artisanal de cette série B de luxe convient bien à la naïveté de l'histoire.

bert i. gordon

Si le film ne se hisse pourtant pas à la hauteur des grands classiques du genre, c'est surtout pour cause de manque de rigueur dans le récit. Paradoxalement, le film va un peu trop vite. Du coup, on passe abruptement de la nuit brumeuse au jour ensoleillé, de collines pelées à des forêts verdoyantes. La bande de chevaliers a parfois des comportements incohérents, même dans le cadre d'une fantaisie. Nous les verrons ainsi s'endormir paisiblement comme s'ils étaient en pique-nique, sans même mettre un homme de garde. La rencontre entre le chevalier français et une trop belle paysanne est franchement parodique. Ces chevaliers, parlons-en. Si le schématisme des personnages principaux est attendu (Le Héros, la Princesse, le Traitre...), les six compagnons de Georges manquent singulièrement de caractérisation. Malheureusement, ce ne sont pas les sept samouraïs. Leurs disparitions, parfois très rapides, ne nous touchent pas alors que nous devrions être émus de leur sens du sacrifice. Bert I. Gordon donne l'impression de mal exploiter certains de ses éléments. Mister BIG a peut être vu un peu grand.

Mais globalement, le film fonctionne des plus agréablement. Garry Lockwood, que l'on reverra en astronaute chez Stanley Kubrick, est un héros juvénile parfait. Basil Rathbone, inoubliable Sherlock Holmes, est tout aussi parfait en méchant, jouant les mains et des manches en maître. La plus réjouissante est Estelle Winwood, actrice du théâtre anglais, qui s'amuse beaucoup avec son personnage de Sybile, le seul qui soit vraiment original. Quand à la princesse Hélène jouée par la jolie Anne Helm, elle a une bien jolie scène de bain dans un étang privé qui apporte une pointe d'érotisme bienvenu achevant de faire de The magic sword une réussite mineure à découvrir dans l'édition de chez Artus Films, le film ayant eu en son temps une distribution des plus réduite en salles.

Photographies : DR source Frenetics arts

 

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