Gare au gorille ! (07/07/2013)

The bride and the beast (La fiancée de la jungle). Un film de Adrian Weiss (1958)

Pour les Fiches du cinéma

Le spectateur avertit remarquera dès le générique le nom d'Edward Wood Jr au scénario de The bride and the beast (La fiancée de la jungle) et, comme un effet de signature, l'actrice Charlotte Austin dès sa première apparition porte un pull angora rayé du plus bel effet. Étrange mainmise du scénariste sur un film signé et produit par Adrian Weiss en 1958. La renommée d'Ed Wood, « plus mauvais réalisateur du monde », redoutable auteur de Plant nine from outer space(1959), immortalisé sous les traits de Johnny Depp par Tim Burton en 1995, ayant occulté Weiss soigneusement maintenu dans l'anonymat. Las ! Weiss est l'homme d'un seul film, celui qui nous intéresse ici, même s'il a travaillé toute sa vie à des titres divers pour le cinéma. Et sur ce film, on trouvera sans forcer ce qui fait l’intérêt relatif de l’œuvre woodienne : érotisme déviant, pull angora, jeu des acteurs dans un état second, pauvreté visuelle assaisonnée d'artifices au bricolage assumé, atmosphère fantastique ouatée aux accents surréalistes dont il est délicat, voire hardi, de démêler la part volontaire.

adrian weiss

The bride and the beast apparaît comme un conte zoophile. Laura vient de se marier avec Dan Fuller, un chasseur professionnel qui veut l'emmener en Afrique. Le soir de leurs noces, il lui présente Spanky, son énorme gorille qu'il tient emprisonné dans la cave de sa grande demeure. La bête tombe amoureuse de la belle, classique, mais celle-ci et c'est moins classique, n'y est pas insensible. La nuit, alors que l'orage gronde (comment ? Un cliché ?), Spanky en proie à un désir bien compréhensible brise sa cage et débarque dans la chambre nuptiale. Il tente d'enlever la belle, alanguie, et lui déchire sa nuisette avec la délicatesse requise en 1958. Mais cette brute passion est brisée net quand Dan abat le bel animal qui aux jeux de l'amour vaut son prix. Pour guérir Laura de son traumatisme, on le serait à moins, Dan a recours à un ami qui hypnotise la belle et découvre ainsi, à l'occasion d'un étonnant flashback que Laura a été... une gorille dans une vie antérieure. Suite à cette éprouvante révélation, Dan emmène Laura en Afrique (ou en Inde parce qu'il y a un tigre, le film n'est pas très clair là-dessus) et là revient, lancinant, impérieux et moite, l'appel de la jungle et des grands singes.

Voilà. Le scénario est gonflé et va au bout de sa logique que je vous laisse, lecteur chéri, le plaisir de découvrir. La mise en scène de Weiss illustre consciencieusement mais mollement cette édifiante histoire, laissant heureusement de l'espace à quelque scènes gratinées où l'imagination du spectateur motivé peut palier à la pauvreté des moyens mis en jeu. Le film est frontal avec ce côté des sérials de l'époque muette et des années trente. Les cadres un peu figés lui donnent même un petit côté théâtral, à l'exception de la fameuse scène de l'hypnose tournée en vue subjective à travers le regard de Laura. La musique est au kilomètre et l'interprétation irrégulière. On aura une pensée émue pour les acteurs devant jouer avec un minimum de sérieux les situations les plus hallucinantes. Charlotte Austin s'en sort pas mal, elle qui avait déjà tâté du simien dans Gorilla at Large (1954) de Harmon Jones. A noter la présence de Eve Brent qui jouera plus tard la tante paralytique du héros de Fade to black (Fondu au noir – 1980) de Vernon Zimmerman. Le plus valeureux de tous est certainement Steve Calvert dans la pelure de Spanky (au passage en anglais to spank veut dire fesser). Dans le bonus érudit de cette édition DVD, Christophe Bier évoque les ténors des grands singes à fermeture éclair. Calvert avait acheté le sien au cascadeur Ray "Crash" Corrigan et mettait un point d'honneur à entretenir, par son absence au générique, l’ambiguïté sur l’existence réelle du singe. Une idée naïve mais qui démontre une foi réelle dans le cinéma. The bride and the beast est ainsi une authentique série B d'exploitation un peu folle (mais sans doute pas assez) qui amusera les amateurs de singes amoureux à l'écran, douce et bien inoffensive déviance.

Photographie DR

A lire chez le bon Dr Orlof

Le site de l'éditeur

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