Les amoureux de Mai Zetterling (24/09/2010)

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Ingmar Bergman. Voilà, c'est fait, c'est écrit. Autant commencer par cette ombre qui plane sur Älskande par (Les amoureux), premier long métrage de la réalisatrice suédoise Mai Zetterling réalisé en 1964. Commencer par cette ombre pour mieux s'en débarrasser, respectueusement. Cette ombre prend corps dans la carrière d'actrice de Mai Zetterling dont le premier rôle marquant est celui de l'héroïne de Hets (Tourments) réalisé en 1944 par Alf Sjöberg dont Ingmar Bergman écrit le scénario inspiré de l'une de ses nouvelles et sur lequel il débute comme assistant réalisateur. Elle le retrouve en 1948 pour le personnage principal de Musik i mörker (Musique dans les ténèbres) quatrième film de Bergman où elle y a pour partenaire Gunnar Björnstrand. Mais du temps et de l'expérience seront passés lorsqu'elle envisage la mise en scène. Si elle s'entoure d'une équipe qui ne peut que susciter l'ombre du maître, on pourra simplement penser qu'elle a bon goût. Sa distribution, en particulier, regroupe le fin du fin des acteurs suédois de l'époque. La photographie est signée Sven Nykvist, un des grands maîtres de la lumière qui lui donne un de ces noir et blanc merveilleux qui savent nous plonger quelques décennies en arrière, 1914 en l'occurrence. Un noir et blanc qui fait corps avec le drame, exalte les lourds ciels scandinaves et brille de la vive lumière estivale de ces nordiques contrées. Un noir et blanc qui peut se faire dur et cru quand il scrute les visages en gros plan, dévoilant les âmes comme dans Jungfrukällan (La source - 1960) ou Persona (1966). Au son également, on trouve un technicien chevronné ayant collaboré avec Bergman : Per-Olof Pettersson qui traite les sons de la nature de façon légèrement onirique ce qui fonctionne bien pour un film construit sur le souvenir. Pour contrebalancer peut être, Zetterling écrit son film avec l'anglais David Hugues à partir d'une nouvelle d'Agnes von Krusenstjerna, Les Demoiselles von Pahlen. Hugues avait déjà collaboré au script du premier court métrage de Zetterling, The war game. C'est également de The war game que vient le monteur, Paul Davies, anglais et quasi débutant lui aussi. Davies, qui travaillera par la suite avec Sam Peckinpah et Jacques Demy, donne rythme et cohérence à un récit choral complexe utilisant le flashback. Mais l'ombre de Bergman est surtout présente à travers la distribution, brillante je l'ai dit, qui réunit les visages les plus emblématiques de son cinéma. Harriet Andersson, inoubliable Monika, y est Agda la joyeuse domestique, Gunnel Lindblom, la soeur de la jeune fille violée de Jungfrukällan est Adèle frustrée de son mariage, Gio Petré joue la romantique Angela amoureuse de sa jeune tante jouée par Anita Björk , la belle et blonde et grande et sublime Eva Dhalbeck est la grande bourgeoise Mrs. Landborg et l'on croise également le fin visage de Margit Carlqvist. Côté masculin, on retrouve l'inévitable Gunnar Björnstrand dans le rôle du docteur, autoritaire avec pointe de cynisme, et Jan Malmsjö en faible mari d'Adèle. Du récit et de sa structure, les bergmaniens auront noté qu'en 1952, Kvinnors väntan (L'attente des femmes) proposait un triple portrait féminin et que, surtout, en 1958 avec Nära livet (Au Seuil de la vie), le réalisateur réunissait trois femmes dans une maternité pour évoquer les chemins tortueux des rapports entre les sexes, le couple, l'amour, la vie et tout ce qui s'en suit. Mai Zetterling prend le même point de départ pour réaliser un film sensiblement différent qui sait se dégager de cette ombre envahissante.

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Le DVD

Photograpgie : Mubi.com

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